Ce personnage qui tenait de Dickens, de Faulkner, de Nabokov, de Bram Stocker, de Truman Capote et de John Waters entra dans ma vie en reine, d'un bloc,sans la moindre retenue.
Plus tard dans la soirée elle traversa la salle du restaurant au bras d'une personne très frêle, très jeune, très pâle, d'une grande beauté, une sorte de Galaad dont le sexe me parut incertain, sans doute celui qu'elle attendait en haut des marches. Son amant? Ma voisine m'apprit qu'il s'agissait de son fils. A une manière de passer en reine entre les tables du Président, saluant d'anciennes photomatons tournées comme elle en grosse dame ou en vampire, à cet enfant exhibé comme un trophée, je reconnus l'éclat de la sirène d'autrefois.
Je donnais de faux espoirs à mes amis qui pensaient que je pourrais en mourir. Ça ne m’aurait pas dérangé, je cherchais la porte d’un autre monde.
Ces anatifes poussés sur les bois flottés ont les qualités de se laisser plus facilement retourner et contempler que des trésors mieux enterrés.
J'ai trouvé la porte que je cherchais vers un autre monde.
Comme je l'ai souvent observé, et je ne crois pas être le seul, les plus fracassantes surprises que donne la vie sont précédées d'un mauvais avant-goût, d'une tension préalable. L'amour vrai naît dans la souffrance. Il faut s'épurer de toute fausse joie, de tout plaisir mondain, de toute ambition, de toutes les facilités matérielles, pour atteindre à la liberté du désespéré, seul état dans lequel la vérité du délire amoureux puisse encore trouver sa voie jusqu'au fond de l'être.
Tu descends, tes talons de Lilliputienne claquent sur le ciment mouillé et voilà que tu grandis une nouvelle fois jusqu’à prendre tout l’espace.
Les plans de la providence s’appliquant à ceux de la ville réelle amènent celle-là à exister mieux, à se dresser d’une autre manière. Avant même que l’événement capital, rencontre ou accident, se produise, le décor doit être planté.
(......)
J’ai tant aimé SYVIE que j’ai décidé voilà six ans d’emménager dans le Valois, en pays littéraire. Ainsi puis-je refaire à intervalles réguliers le voyage nocturne aux fêtes d’archers de Loisy et à la maison de Mortefontaine dont la treille brille pour moi d’un fanal éternel.
…et voilà maintenant qu’elle me regardait avec les yeux d’autrefois. Non le regard de l’Eva sur moi, mais celui qu’autrefois j’aurais aimé voir posé sur moi par quelqu’un de pareil à l’Eva de la photo, vivant la vie de cette EVA là. Comme dans une nouvelle de Théophile Gautier, j’avais rendu l’image amoureuse. Une prière vieille de dix ans l’avait émue.
D’Irina, sa mère, EVA m’a dit un jour très froidement : « Quand elle mourra je lui souhaite d’être enculée par le diable. » Sade y trouverait son compte.