Le narrateur, un jeune garçon d'une dizaine d'années, passe les vacances d'été en Normandie, chez sa grand-mère. Sur la plage, quand il n'occupe pas son temps à jouer avec les méduses, il observe d'un oeil curieux mais discret, les familles autour de lui. Un jour, il va faire la rencontre de Baptiste, un garçon du même âge. Dès lors, va naître entre eux cette amitié qu'on ne connaît que pendant les vacances, aussi intense qu'éphémère.
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Ce roman, c'est un peu une parenthèse hors du temps, un instant de nostalgie lors duquel ce jeune narrateur partage avec nous son regard sur le monde. Il n'y a pas d'intrigue au coeur de cette histoire, et pourtant, ces pages sont véritablement captivantes. Il se dégage une certaine langueur, renforcée par la saison estivale, qui rend la narration totalement hypnotique. J'ai ressenti de manière tangible les sensations de ce garçon, comme une réminiscence de mes propres impressions d'enfant.
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Solitaire, un peu timide, le garçon vit par procuration la vie "normale" qu'il aimerait avoir. Il observe avec envie l'intimité des familles sur la plage. Il les idéalise, les imagine parfaites, comme celle de son nouvel ami Baptiste. Cette idéalisation le complexe, lui procurant parfois un sentiment de honte un peu confus. La honte de sa grand-mère, qui roule les "r", et qui offre du "foie haché" en guise d'amitié. de sa tante, "la folle", dont il redoute la "monstruosité" de l'apparence. Deux femmes tellement différentes de la mère de Baptiste, sensuelle, souriante, divine. Trois figures féminines qui tiennent une place importante dans le récit, quand les figures masculines sont absentes (le père), ou reléguées au second plan (le père de Baptiste).
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Malgré tout, on ressent clairement l'amour que le garçon porte à sa grand-mère. Il l'estime, connaît ses silences, se nourrit de ses habitudes et de ses gestes d'affection. Une grand-mère touchante, rendue lointaine par les non-dits, mais qui paraît démesurément forte, tel un roc indestructible. Dans cette villa rarement troublée par les mots et la joie, l'arrivée de la tante advient comme une turbulence. Elle détonne dans cet environnement si calme. Elle qui apparaît meurtrie par la vie, vient expulser les paroles, libérer la colère. Des accès de fureur aussi courts qu'effrayants, qui déstabilisent l'enfant. Pourtant, elle n'est pas antipathique, simplement sa maladie l'a abîmée, et elle semble porter tout le poids du monde (ou plutôt de sa famille) sur ses épaules.
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Heureusement, pour alléger cette atmosphère un peu sombre, il y a Baptiste. le seul personnage à être véritablement nommé dans cette histoire. Un garçon aussi rayonnant et confiant que le narrateur semble hésitant et mal à l'aise dans ce monde. Baptiste, ses invitations à dormir, leurs virées à la plage, et puis sa mère. Celle dont le narrateur souhaite attirer l'attention, comme une nécessité impérieuse pour sa vie. Car il y a cela aussi dans le récit, le poids de l'absence. Encore un non-dit que l'enfant ignore ou plutôt dissimule. Un secret qu'il garde enfoui, attendant le moment opportun, mais surtout la personne de confiance qui saura le délivrer de ce fardeau, "Comme au confessionnal."
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Un jour ce sera vide évoque l'enfance avec sensibilité et poésie. Un récit parfois empreint de mélancolie, que l'on quitte avec regret, laissant dernière nous les grains de sable chaud et les méduses échouées sur la plage.
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[Mon avis sur la version audio]
L'interprétation de Clément Hervieu-Léger est aussi aérienne que vivante. Il rend avec justesse la parole de l'enfant, le flot de ses pensées, la consistance de son regard. Une belle écoute !
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Ma chronique complète est sur le blog.
Caroline – le murmure des âmes livres