Ce qu'on remarque en premier dans le témoignage d'
Albert Londres, c'est le ton. Son livre est une dénonciation sans concession de toutes les inepties et les horreurs qu'il a vues lors de son voyage en Afrique.
Albert Londres ne prend pas de gants et jette la vérité nue à la face du lecteur car "Ce n'est pas en cachant ses plaies qu'on les guérit." "Flatter son pays n'est pas le servir, et quand ce pays s'appelle la France, ce genre d'encens n'est pas un hommage, c'est une injure."
Il a eu la chance d'écrire avant l'époque du politiquement correct, je me demande ce qu'il aura fait à notre époque où il est de bon ton de s'autocensurer. Son discours dénonce la violence utilisée pour faire travailler les noirs, à la fois parce qu'elle est inhumaine et contreproductive. D'après lui on atteindrait des résultats infiniment meilleurs pour tout le monde en utilisant des machines pour construire les infrastructures qui permettraient de développer la région. "Le moteur à essence doit remplacer le moteur à bananes".
Mais il n'est pas tendre non plus avec les Africains, dont il dénonce le côté autoritaire. "Dès que le noir représente l'autorité, il est féroce pour ses frères" nous dit-il. Il dénonce également l'esclavage auquel les blancs ont officiellement renoncé, mais que les Africains pratiquent encore entre eux, ainsi que le racisme entre les ethnies qui fait que les noirs n'ont jamais pu s'entendre pour résister aux colons. "Le malheur des Saras et des Bandas ne les touchait pas. Eux étaient des Loangos. de race à race le peuple noir se déteste. Un Sara est un chien pour un Loango".
Mais ce livre n'est pas une dénonciation de la colonisation en général, uniquement de la politique coloniale menée en Afrique. Voici ce que dit
Albert Londres à ce propos :
"La France a travaillé beaucoup mieux dans ses autres colonies. Nous avons été grands au Maroc et en
Indochine. Sur la même terre, sous le même soleil, avec des indigènes qui n'étaient ni pires ni meilleurs que les nôtres, l'Angleterre et la Belgique ont fait oeuvre importante. L'Afrique noire française est dans un état d'infériorité incontestable en face de l'Afrique noire anglaise et de l'Afrique noire des Belges."