AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,38

sur 85 notes
5
4 avis
4
5 avis
3
5 avis
2
3 avis
1
1 avis

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
N°1711– Janvier 2023

Madame ChrysanthèmePierre Loti – Éditions Calman-Lévy.

Comme beaucoup d'autres romans de Pierre Loti," Madame Chrysanthème" est lié à une affectation militaire de l'écrivain voyageur. En 1885, il part pour l'extrême-Orient et en juillet il séjourne à Nagasaky. En novembre 1887 son roman est publié aux éditions du Figaro (il le sera en 1893 chez Calman-Lévy). Comme certains précédents il est dédié à une femme, ici à Mme la duchesse de Richelieu comme « Pêcheur d'Islande » l'a été à Mme Adam  et« Le mariage de Loti » à Mme Sarah Bernardt. Comme souvent, même si ici l'amour n'est pas vraiment au rendez-vous, il est lié à un épisode amoureux comme ce fut le cas dans les deux romans mentionnés ci-dessus, même si les aventures féminines n'ont pas toujours été heureuses pour lui.
Dès son arrivée au Japon, en juillet 1885, Loti épouse par contrat d'un mois renouvelable une jeune japonaise de 18 ans(lui en a 35 ans), Okané-San, baptisée "Madame Chrysanthème". Il quittera Nagasaki en août de la même année. Ce "mariage" temporaire qui correspondait à une sorte de coutume assez courante au Japon mais évidemment coûteuse pour l'étranger de passage, était enregistré par la police, se concluait avec un intermédiaire avec l'accord des parents, généralement pauvres, de la jeune fille, ce qui peut paraître assez inattendu et correspond à une forme de prostitution honorable mais n'empêchera pas Okané-San d'épouser plus tard un Japonais. Il forme ensemble un couple bizarre, elle résignée mais pleine d'attentions pour lui et lui qui semble s'ennuyer dans cette relation « pour rire » qu'il vit par convenance ou opportunité pour mieux s'intégrer à ce pays. Il s'ennuie tellement qu'il évoque son enfance avec nostalgie, fait déjà une sorte de bilan de sa vie en songeant à la mort. Marin, Loti illustrait un peu l'expression facile: "une femme dans chaque port", même si la passion qu'il a décrite lors des romans « exotiques » précédents n'existe pas ici. Il considère cette jeune fille comme « décorative » et regarde la femme japonaises comme « un mystérieux petit bibelot d'étagère ». Je n'ai pas ressenti la fièvre romantique qui fut celle de Loti pour aziyadé notamment. le marin qu'il est vit cette période d'escale comme une expérience folklorique, une sorte d'antidote à un potentiel ennui , une relation convenue, présentée comme platonique. Il joue même ce jeu en faisant semblant de s'intégrer à cette nouvelle « famille » que lui confère son pseudo mariage avec cette jeune fille, au départ fantasmée dans l'esprit de Loti comme l'était sans doute ces contrées lointaines, mais cela ne devient rapidement pour lui qu'une étape dans sa vie d'écrivain voyageur. Ses adieux seront moins déchirants que lors de ses précédentes escales. Une vraie attirance existe, cependant pleine de retenue, entre la jeune fille et un matelot, Yves, que Loti appelle son frère et qui le suit partout. Loti quant à lui, se mariera officiellement en France le 20 octobre 1886 avec Blanche Franc de Ferrière, un mariage arrangé avec une protestante bordelaise de 27 ans, fille d'un important viticulteur. Leur union fut conventionnelle et n'entrava ni la carrière ni les frasques de l'écrivain.
Le voyageur attentif qu'il est porte sur le pays qui l'entoure et dont il connaît la langue, le regard d'un ethnologue et d'un érudit, note les différences qui existent entre sa visions des choses et la perception déformée qu'on peut en avoir dans les salons parisiens. Ce pays qui s'ouvrait au monde après des siècles d'autarcie, était pour un occidental une vraie découverte et Loti s'en montre curieux, se transformant en spectateur fidèle des paysages qu'il décrits merveilleusement autant qu'en témoin des us et coutumes, du mode de vie des habitants, du décor domestique qui l'entoure, des croyances religieuses. Comme c'est souvent le cas dans nombre de ses romans, Loti, le protestant, accorde beaucoup d'importance à Dieu ou aux dieux vénérés localement et aux rituels religieux des pays où il séjourne. Il est cependant difficile de ne pas y voir un soupçon de complexe de supériorité de sa part et même d'une certaine condescendance, voire de moquerie, à l'image de cette relation forcément temporaire qu'il abandonnera sans regret.
Loti fera reviendra au Japon et complétera sa démarche littéraire par « Japonaiseries d'automne »(1889) et « La troisième jeunesse de Mme Prune »(1905) complétant ainsi sa vision ethnographique du pays .
Sur la forme, il n'est plus question du récit d'un officier de la marine anglaise comme dans "aziyadé" ou "Le mariage de Loti" qui étaient rédigés sous la forme d'un journal entrecoupé de correspondances. Il s'agit bien ici d'un récit, parfois daté, mais exempt de missives. D'autres oeuvres, comme "Pêcheur d'Islande", seront présentées comme des romans classiques. Loti se met lui-même en scène, jusqu'au solipsisme, en une oeuvre autobiographique. Il le dit lui-même dans sa présentation à la duchesse de Richelieu « Bien que le rôle le plus long soit en apparence à madame Chrysanthème, il est bien certain que les trois principaux personnages sont Moi, le Japon et l'Effet que ce pays m'a produit ».

Comme toujours, le texte est magnifique. Ce roman connut un immense succès et contribua à la renommée de son auteur pourtant controversé mais qui sera, après une première tentative malheureuse, élu en avril 1892, à l'Académie française dont il sera le plus jeune membre. le roman sera même adapté au théâtre sous la forme d'un opéra.
Pour autant cet écrivain est actuellement injustement oublié. Sa maison de Rochefort est à nouveau ouverte au public après des années de restauration et cela peut-être l'occasion le redécouvrir cet homme complexe, contesté mais talentueux qui servit si bien notre belle langue française.
Commenter  J’apprécie          140
Voilà ce qu'on peut lire sur wikipédia :
"Paru un an après "Pêcheur d'Islande", en 1888, ce roman connaît un immense succès et contribue à la renommée de Pierre Loti. Il participe à l'intérêt porté en France pour l'extrême-orient et le Japon en particulier malgré la description mitigée qu'en fait Loti."
Je trouve très vrai ce descriptif. Pierre Loti semble déçu dès ses premiers pas au Japon qu'il trouve terne et ennuyeux. Il n'aime pas les gens (les trouvent laids), n'aime pas la petitesse de tout ce qu'il voit et emploie souvent les mêmes termes comme pour les entériner chez le lecteur : les masques hideux qui rient devant les devantures, défilé des laideurs, mièvrerie, paysage mousseux et verdâtre, plaisanterie... Malgré tout ces termes négatifs, et les préjugés d'un marin Français du temps de la colonisation, Pierre Loti fait un descriptif du Japon pour le reste assez factuel. On arrive très bien à discerner ses sentiments (négatifs) de ses descriptifs dénuées d'émotions. Et c'est là le surprenant.
J'ai aimé son style d'écriture qui laisse le lecteur à loisir d'aimer ou non ses descriptifs. Ça laisse aux lecteurs une envie de découverte.
J'ai vraiment apprécié cette lecture d'un Japon qui date de 1885. On se rend compte que beaucoup de traditions, beaucoup de descriptifs se trouvent encore dans les romans actuels. C'est certainement ce qui donne l'envie de découverte de ce pays : un mélange de modernité et de tradition qui perdurent et qui donne à ce vieux roman une impression de contemporanéité quant au descriptif des paysages, des maisons, pagodes et fêtes traditionnelles.
Commenter  J’apprécie          90
Le narrateur annonce à son « frère » Yves, avec qui le lecteur a fait connaissance lors d'un précédent roman, « Mon frère Yves », qu'il va se marier. Mais ce qui suscite des doutes chez le lecteur, voire des moqueries de la part de Yves, c'est qu'il (le narrateur) ne connaît pas encore sa femme. Il va la choisir au japon, à Nagasaki, où il se trouve, ainsi que Yves, en tant que marin.

Il rencontre un entremetteur, Mr Kangourou (les gens portent des noms de fleurs ou d'animaux), qui lui propose un certain nombre de jeunes femmes à marier, moyennant une certaine somme d'argent mensuelle. Aucune ne lui plaît, mais il demande à Mr Kangourou si la chose serait possible avec une jolie personne, qui se trouve à l'écart, et qui n'était pas censée faire partie du choix.

Les choses s'arrangent ainsi, et nous voila partis pour le récit d'une idylle sur commande, dont on devine qu'elle ne durera pas, comme nous le confirmera très vite le narrateur.

Le roman est moins une intrigue, qu'un tableau de moeurs, une fresque. Les us et coutumes dans ce pays exotique, sont décrits tour à tour comme méprisables, ridicules, ou admirables, selon l'humeur, et leur description ne manque pas de pittoresque et d'humour.

Il reste tout de même une certaine condescendance de la part de l'auteur, pour cette société, ou, dit-il, tout est superficiel, pas sérieux, « pour rire », et tout est « petit », autant au sens propre que figuré.

Les descriptions des soirées dans la basse ville, et des retours à la lanternes à la maison en papier, dans les hauteurs de Nagasaki, sont très belles.

A plusieurs reprises, le narrateur nous fait part de son inquiétude au sujet de la tournure que pourrait prendre la trop grande proximité entre Chrysanthème et Yves. Quelque chose de « facheux » pourrait arriver.

Afin d'en avoir le coeur net, le narrateur finit par dire à Yves, au cours d'une de ces sorties à la fraîcheur du soir, mais, cette fois-là, en l'absence de Chrysanthème :

tu sais, si cette femme te plais, … ce n'est pas vraiment ma femme…

Et la réponse de Yves est sublime :

mais justement si ! C'est que… c'est votre femme !

En peu de mots (« nous parlons peu, nous nous comprenons à demi-mots »), il lui donne tout à la fois :

la confirmation de ses soupçons,
mais l'assurance qu'il n'en abusera pas.

On comprendra, en lisant « Mon frère Yves », pourquoi il vouvoie le narrateur, alors que ce dernier le tutoie, et qu'ils s'appellent tous les deux « mon frère ».
Lien : https://perso.cm63.fr/node/325
Commenter  J’apprécie          50
Ce Japon si différent à une époque si lointaine. Un recit qui vous transportera dans un autre monde.
Commenter  J’apprécie          30


Lecteurs (240) Voir plus



Quiz Voir plus

Le pays des Lotiphiles

Le vrai nom de Pierre Loti était :

Louis Poirier
Henri Beyle
Julien Viaud
Fréderic Louis Sauser

10 questions
50 lecteurs ont répondu
Thème : Pierre LotiCréer un quiz sur ce livre

{* *}