Ce roman, paru en 1888, retrace et romance les aventures de
P. Loti, alors officier de marine, pendant les cinq semaines qu'il passa à Nagasaki trois ans plus tôt.
Bien qu'il débute de la même façon que l'opéra de Puccini, Mme Butterfly, il faut mentionner qu'il n'en est pas à l'origine, ce dernier ayant été inspiré par un fait divers dont Puccini avait eu connaissance et qui s'est déroulé à la même époque.
Sitôt arrivé, Loti se met en quête d'un intermédiaire pour lui trouver une femme : il est alors légal de pratiquer au japon, moyennant finances, un mariage temporaire par contrat renouvelable. Cette coutume rapporte à l'épousée (ainsi qu'à sa famille et à l'intermédiaire) quelques capitaux et ne l'empêche nullement, par la suite, de se marier à un japonais.
Loti débarque dans la nuit, sous la pluie, et prend contact avec un intermédiaire dans une maison de thé retirée. Amusé par les geishas qu'il devine, on va lui proposer d'épouser une jeune fille qu'il découvrira le jour de son mariage, tout en l'assurant qu'elle correspondra à ses voeux. Bien entendu, le jour des noces, il réalise que les conceptions locales de la beauté sont assez éloignées des siennes, et reporte son choix sur une des suivantes de la promise, plus à son goût, la fameuse
madame Chrysanthème (les nom des personnages japonais font référence à une partie de la signification de leur kanji, qui servent à les écrire mais n'en sont pas pour autant synonyme, ce qui peut donner quelques effets comiques que Loti ne se prive pas d'exploiter).
Il va aménager avec sa nouvelle femme dans un quartier situé sur les hauteurs de la ville, où vivent de nombreux occidentaux dans la même situation que lui. Les journées s'y écoulent entre son service de quart sur son navire en rade, ses sorties nocturnes en couples, ses causeries avec son ami Yves, dont il s'amusera puis s'inquiètera de la complicité avec sa « femme », et la découverte de Nagasaki et de la société japonaise.
Disons le tout net : Loti n'apprécie pas le pays, auquel il trouve de nombreux défauts : trop accidenté, trop chaud, trop pluvieux, trop mignard, trop petit… il n'est admiratif que de la célérité des tireurs de pousse-pousse et de la majesté de certains temples qui lui semblent avoir été édifiés par une autre civilisation que celle qu'il découvre. Il s'amuse des réalisations techniques japonaises, plaisante sur le physique peu engageant des habitants, homme ou femmes, sans s'offusquer de leur nudité fréquente à cette époque de l'année (juillet - aout) à heure du bain. Tout au plus sera t'il surpris par la propreté des résidences nippones, déplorant plus qu'à son tour la « dinette » peu roborative à laquelle il compare la cuisine japonaise. Plus amusé qu'intéressé par la vie locale, Loti traverse en dilettante sa parenthèse japonaise et ne donne jamais l'impression d'apprécier vraiment, même de loin, le pays. Il le trouve distrayant, sans plus. Lorsque viendra le temps du départ, il regrettera que Chrysanthème ne ressente pas pour lui les sentiments qu'il n'a jamais eu pour elle, et qu'elle se révèle en fait aussi pragmatique que lui même.
J'ai été assez déçu par ce roman, très populaire à son époque, non parce que l'auteur y montre, disons le, un certain mépris teinté d'amusement pour les japonais, mais parce que le style lui même m'a semblé quelque peu décousu, peut être trop daté ? C'est certes agréable à lire, mais l'histoire se révèle peu intéressante, peut être tout simplement parce que le Japon nous est bien mieux connu qu'aux lecteurs de 1885.
Au final, ce court roman plaisant à lire est aussi un témoignage sur une certaine vision insouciante du monde à la fin du 19e siècle, avec les certitudes qui allaient avec. Moins de vingt ans après la publication de
madame Chrysanthème, le peuple « mignard et timoré » décrit par Loti imposait, à Port Arthur, sa loi à la Russie.