Mamie Côte-d'Or était à l'époque notre nourrice du mercredi après-midi et des sorties d'école.
La grand mère paternelle de Samuel vivait seule depuis la mort de son mari (dont le foie n'avait pas supporté les excès réguliers de poire à l'appellation pourtant rassurante, "faite maison", et dont les odeurs de distillation provenant du garage suffisaient à enivrer quiconque approchait). Le surnom dont nous l'avions affublée ne provenait pas d'une passion déraisonnée pour les vins de Bourgogne (d'ailleurs, elle ne buvait pas une seule goutte d'alcool, sans aucun doute pour contrarier le fantôme de son mari alcoolique) mais d'un autre produit tout aussi précieux à ses yeux : le chocolat amer de la marque du même nom.
[ parloir d'une prison ]
- Tu sais ce que je ferai quand je sortirai ? J'irai voir un match du FC Nantes. Je me noierai dans la foule et je gueulerai toute ma colère sous le maquillage des encouragements. On ne peut pas gueuler ici. On ne peut pas extérioriser. On garde tout à l'intérieur, les larmes, l'injustice, la peur… C'est enfermé là, dans notre propre prison, précisa-t-il en posant son index contre sa tempe.
- Je me ferai un plaisir de t'accompagner.
- En tant que romancier, je passe mon temps à inventer des personnages. Je les habille, je dicte leurs paroles et leurs actes, je les fais vivre ou mourir comme bon me semble. J'ai le pouvoir absolu. Et là, j'ai peur d'être devenu à mon tour un personnage. J'ai l'impression que quelqu'un réécrit mon passé sans que j'aie quoi que ce soit à redire. Le plus troublant est que cela est en partie véritablement en train de se produire. Je suis le personnage principal de plusieurs chapitres, et "l'auteur" qui a créé ces chapitres, en plus de ne pas terminer son récit, ne me donne aucune raison véritable de l'avoir écrit. Je pourrais inventer une histoire là-dessus, des personnages coincés dans une narration et qui attendent cruellement que leur géniteur les sorte de là. Mais l'écrivain serait mort, et les personnages coincés pour l'éternité...
- Hum... le coup de l'écrivain qui devient un personnage, déjà fait, Paul Auster dans "Cité de verre".
Nous y sommes, pensais-je, la peur au ventre.
La triste nuit de cet été 1986.
La nuit où la pleine lune brilla pour la dernière fois au-dessus d'une maison hantée par la folie des hommes.
Je les revois encore. Impétueux et ivres. Aussi fous et enflammés que des pirates ayant décidé de brûler leur déesse protectrice.
Encore un chapitre.
La journée d'un écrivain n'a rien de passionnant, sinon dans l'imaginaire de ceux qui la fantasment. L'écrivain, lui, il s'emmerde. Voilà pourquoi il invente des histoires. La routine morne et soporifique est donc nécessaire à son métier. Pour lui, les journée "passionnantes" représente le plus grand risque de page blanche, tout comme elles sont synonymes pour son éditeur de manuscrit rendu hors délais.
Les souvenirs sont assassins, David. Ils obscurcissent l’esprit, ils ralentissent le cœur et fanent les sourires…
L'assassin n'est pas obligatoirement celui qui tue. C'est aussi celui qui l'y encourage
Crois-tu que je sois le seul assassin dans toute cette histoire ? L'assassin n'est pas obligatoirement celui qui tue. C'est aussi celui qui l'y encourage. Par sa présence. Par son silence.
L'assassin n'est pas obligatoirement celui qui tue. C'est aussi celui qui l'y encourage.
- je l'ignore. Vous savez les enfants disparaissent souvent sans qu'il y ait de véritables raisons. Ce sont des proies faciles, tout simplement. Et le monde est peuplé de prédateurs.