Citations sur Le Labyrinthe des égarés : L'Occident et ses adversaires (36)
Les deux époux ne vivaient plus ensemble depuis longtemps. Mao avait tendance à courtiser toutes les dames qu'il voyait, même lorsqu'elles étaient très jeunes, et Jiang ne supportait pas que cela se passe sous son toit. Ils n'avaient pas divorcé pour autant, mais chacun avait ses résidences, son entourage, ses ambitions.
Manifestement, le Grand Timonier ne voulait pas la mort de Deng. Ce qui est révélateur d'un aspect important de sa personnalité. C'était un manipulateur cynique, un froid calculateur, insensible aux souffrances des autres, et il pouvait se montrer horriblement vindicatif. Mais ce n'était pas Staline.
Nulle part, cependant, les événements n’ont atteint le niveau de violence qu’a connu la Chine sous la Révolution culturelle. Commencé dans les universités de la capitale, le mouvement allait s’étendre à toutes les provinces, à tous les domaines, et revêtir diverses formes, les unes extrêmement violentes et destructrices, les autres simplement absurdes, ou même risibles. Comme lorsque les Gardes rouges décrétèrent que les feux rouges, sur les carrefours, ne pouvaient continuer à marquer l’obligation de s’arrêter, puisque c’était la couleur de la révolution. Désormais, on s’arrêterait au feu vert, pour redémarrer au rouge ! Ce fut, là encore, un chaos indescriptible, fort heureusement atténué par le fait que les voitures étaient encore peu nombreuses dans les villes chinoises…
Ce qui est profondément désolant, c'est que cet affrontement planétaire vers lequel nous marchons comme des somnambules est constamment présenté comme une vision "réaliste" de l'avenir, tandis que ceux qui veulent l'empêcher apparaissent comme des rêveurs naïfs, et quasiment insensés.
Si l'intention de Mao était de châtier ceux qui avaient osé lui tenir tête, et d'anéantir les institutions qu'il ne contrôlait plus, il avait brillamment réussi. Mais à quel prix ! Le pays était à feu et à sang.
Ce sentiment d'invincibilité peut se révéler calamiteux. L'une des conséquences, pour les États-Unis, c'est qu'ils n'éprouvent pas le besoin de bâtir des institutions internationales solides et respectées. Pourquoi mettre en place des règles contraignantes, alors qu'on peut les imposer aux autres sans y obéir soi-même.
Je demeure persuadé que le moment d'angoisse que nous vivons pourrait se révéler salutaire ; qu'il pourrait nous amener à concevoir, pour la suite de l'aventure humaine, un autre déroulement, qui ne soit pas simplement la reprise des mêmes tragédies avec d'autres acteurs.
Si l’on se situe dans une perspective plus ample, on ne peut que s’angoisser de cet égarement généralisé, de cet épuisement du monde, de cette incapacité de nos différentes civilisations à résoudre les problèmes si épineux auxquels notre planète doit faire face.
Le passé ne meurt jamais . Il ne faut même pas le croire passé ((Faulkner)
Quand on vit mieux, à l'abri de besoin immédiat, que l'on est plus instruit, et que l'on a désormais accès à des instruments modernes de savoir et de communication, on devient moins crédule, moins docile, moins résigné.,