Citations sur Origines (78)
Aie le courage de partir, et tu trouveras une autre famille pour remplacer la tienne. Et ne me dis surtout pas qu'il est dans la nature des choses que l'on demeure sa vie entière à l'endroit où l'on a vu le jour. Observe l'eau ! Ne vois-tu pas comme elle est fraîche et belle lorsqu'elle court vers l'horizon, et comme elle devient poisseuse lorsqu'elle stagne ?
Les arbres doivent se résigner, ils ont besoin de leurs racines, les hommes pas. Nous respirons la lumière, nous convoitons le ciel, et quand nous nous enfonçons dans la terre, c'est pour pourrir. La sève du sol natal ne remonte pas par nos pieds vers la tête, nos pieds ne servent qu'à marcher. Pour nous, seules importent les routes. Ce sont elles qui nous convoient - de la pauvreté à la richesse ou à une autre pauvreté, de la servitude à la liberté ou à la mort violente. Elles nous promettent, elles nous portent, nous poussent, puis nous abandonnent. Alors nous crevons, comme nous étions nés, au bord d'une route que nous n'avions pas choisie.
La vérité est rarement enterrée, elle est juste embusquée derrière des voiles de pudeur, de douleur ou d'indifférence; encore faut-il que l'on désire passionnément écarter ces voiles.
D'autres que moi auraient parlé de "racines"... Ce n'est pas mon vocabulaire. Je n'aime pas le mot "racines", et l'image encore moins. Les racines s'enfouissent dans le sol, se contorsionnenet dans la boue, s'épanouissent dans les ténèbres ; elles retiennent l'arbre captif dès la naissance, et le nourrissent aux prix d'un chantage : "Tu te libères, tu meurs !"
Nous sommes des générations arrogantes qui sont persuadées qu’un bonheur durable leur a été promis à la naissance–promis? mais par qui donc?
P161 Le nationalisme était exactement le contraire du patriotisme. Les patriotes rêvaient d’un Empire ou coexisteraient des peuples multiples, parlant diverses langues et professant diverses croyances, mais unis par leur commune volonté de bâtir une vaste patrie moderne qui insufflerait aux principes prônés par l’Occident la sagesse subtile des âmes levantines. Les nationalistes eux, rêvaient de domination totale quand ils appartenaient aux communautés minoritaires ; l’Orient misérable d’aujourd’hui est le monstre né de leurs rêves conjugués.
« Je suis d'une tribu qui nomadise depuis toujours dans un désert aux dimensions du monde. Nos pays sont des oasis que nous quittons quand la source s'assèche, nos maisons sont des tentes en costume de pierre, nos nationalités sont affaire de dates ou de bateaux. Seul nous relie les uns aux autres, par-delà les générations, par-delà les mers, par-delà le Babel des langues, le bruissement d'un nom... »
Tu découvriras qu'ils ont des qualités nombreuses et ne souffrent que d'un seul mal : l'ignorance.
Ce mal est guérissable, mais c'est par le savoir qu'on le soigne, non par l'émigration!
En l'absence de tous les témoins, ou presque, j'étais forcé de tâtonner, de spéculer, et de mêler parfois, dans ma relation des faits, imaginaire, légende et généalogie - un amalgame que j'aurais préféré éviter, mais comment aurais-je pu compenser autrement les silences de ces archives ? Il est vrai que cette ambiguïté me permettait en outre de garder à ma pudeur filiale un territoire propre, où la préserver, et où la confiner aussi. Sans la liberté de brouiller quelques pistes et quelques visages, je me sentais incapable de dire «je». Tel est l'atavisme des miens, qui n'auraient pu traverser tant de siècles hostiles s'ils n'avaient appris à cacher leur âme sous un masque. (P. 42)
«si les dirigeants sont corrompus, c'est parce que la population l'est tout autant»...