Citations sur Origines (78)
convoque les morts, les vivants, les ancêtres, les fantômes ; il explore leur légende ; il les suit à travers les convulsions de l'Empire ottoman ; il observe cette diaspora de mystiques, de francs-maçons, de professeurs, de commerçants, de rêveurs polyglottes et cosmopolites.
« Je suis d'une tribu qui nomadise depuis toujours dans un désert aux dimensions du monde. Nos pays sont des oasis que nous quittons quand la source s'assèche, nos maisons sont des tentes en costume de pierre, nos nationalités sont affaire de dates ou de bateaux. Seul nous relie les uns aux autres, par-delà les générations, par-delà les mers, par-delà le Babel des langues, le bruissement d'un nom... »
P257 Il y a cent à peine, les chrétiens du Liban se disaient volontiers syriens, les Syriens se cherchaient un roi du côté de la Mecque, les juifs de Terre Sainte se proclamaient palestiniens…et Botros, mon grand-père, se voulait citoyen ottoman. Pas un seul des Etats de l’actuel Proche-Orient n’existait encore, et le nom même de cette région n’avait pas été inventé – on disait généralement La Turquie d’Asie…
P161 Le nationalisme était exactement le contraire du patriotisme. Les patriotes rêvaient d’un Empire ou coexisteraient des peuples multiples, parlant diverses langues et professant diverses croyances, mais unis par leur commune volonté de bâtir une vaste patrie moderne qui insufflerait aux principes prônés par l’Occident la sagesse subtile des âmes levantines. Les nationalistes eux, rêvaient de domination totale quand ils appartenaient aux communautés minoritaires ; l’Orient misérable d’aujourd’hui est le monstre né de leurs rêves conjugués.
P160 L’essentiel n’est pas de définir le droit des minorités ; dès qu’on formule les choses ainsi, on entre dans l’ignoble logique de la tolérance, c'est-à-dire de la protection condescendante que les vainqueurs accordent aux vaincues. Botros ne voulait pas être toléré ; et moi, son petit-fils, je ne le veux pas non plus ; j’exige que l’on reconnaisse pleinement mes prérogatives de citoyen, sans que j’aie à renier les appartenances dont je suis le dépositaire ; c’est mon droit inaliénable, et je me détourne hautainement des sociétés qui m’en privent.
P119 Cette fierté peut paraître excessive à ceux qui vivent de nos jours, en des pays ou les écoles s’élèvent à chaque coin de rue, ou tous les enfants sont censés les fréquenter, et ou les enseignants et les directeurs d’études sont innombrables. En raison de cette distorsion dans l’échelle des valeurs qui nous fait dédaigner les activités socialement utiles au profit des activités pécuniairement rentables, l’enseignement a beaucoup perdu de son prestige.
P109 Vous avez raison de critiquer les dirigeants de nos pays, mais ne vous bornez pas à cela ; si les dirigeants sont corrompus, c’est parce que la population l’est tout autant. Les dirigeants ne sont que l’émanation de cette pourriture généralisée. C’est par la racine qu’il faut guérir l’arbre.
Il ne sert à rien de regretter sa jeunesse,
Ni de maudire la vieillesse,
Ni d'avoir peur de la mort,
Ta vie, c'est la journée que tu es en train de vivre,
Rien d'autre. Alors divertis-toi, sois heureux,
Et sois prêt à partir.
(p.424)
D'un côté, la rigueur va à l'encontre du laxisme, de la nonchalance mentale, du laisser-aller, de l'à-peu-près - en somme, de tous ces fléaux qui, depuis trop longtemps, débilitent nos pays d'Orient. D'un autre côté, la rigueur est raideur, elle est rigidité morale - et en cela elle va à l'encontre de ce qui fait la suavité, et l'art de vivre, de nos contrées.
(p.144)
A l'opposé des arbres, les routes n'émergent pas du sol au hasard des semences. Comme nous, elles ont une origine.