Chronique familiale en quartier impopulaire

La sociologue Annick Madec a travaillé, dans le cadre de la thèse, sur l'histoire familiale d'habitants d'un cité "difficile"; une histoire qui s'étend sur plusieurs générations autour de Solange, arrivée enfant avec ses parents et qui y élèvera aussi ses enfants.

Ce livre est la mise en récit de la trajectoire de Solange, des années 60-70 aux années 90. Entre l'arrivée de la famille nombreuse dans le F5 de la cité flambant neuve, dont l'appartement parait si grand et si luxueux à la petite fille qu'elle est alors et le chaos des voitures brulées et des dealers des années 90's.
L'objectif de l'autrice est clair : donner de cette famille une image réelle et complexe au delà des caricatures de la question sociale, familles nombreuses, parents isolés, chômage, assistanat, échec scolaire et petite marginalité. C'est bien ce dont il s'agit mais avec le regard de l'intérieur de Solange et des siens; avec le sens et le déroulé qu'ils lui donnent, en reconnaissant la légitimité de leur façon de voir et de faire face aux difficultés et aux épreuves de la vie.

J'imagne qu'on ne lit pas ce livre de la même façon selon sa propre origine sociale. La mienne est populaire mais sans rapport avec les quartiers de la politique de la ville. J'ai pour autant eu l'impression de reconnaitre quelqu'un ici ou là , tout en y voyant décrit des faits et des comportements qui choquaient et choque toujours le milieu populaire dont je suis issue.
Il n'y a pas une seule façon de quartier impopulaire. Lire cet livre 20 ans après le fait encore plus ressentir. La dissociation, le mépris "illégitimant" qu'elle décrit, la manière dont les élites parle des classes populaires (alors même que les personnes en question peuvent les écouter et se sentir insultées par les généralités), se sont déployés, étendus envers toute une série de groupes humains et entre ces groupes humains qui ont du mal à voir leur communauté d'appartenance et d'expérience au delà des différences apparentes. Ce ne sont plus seulement des élites autoproclamées et repliées (que dénonce la sociologue mais n'est elle pas elle aussi dans la généralité donneuse de leçon ?) contre des personnes issues des milieux populaires urbains mais une non-compréhension mutuelle qui devient une généralité de la société.