Combien nous aurions tort de prendre les sept couleurs du spectre newtonien pour base de nos considérations, on le voit déjà par ce fait qu’à une certaine époque la rétine de l’homme ne distinguait pas dans le spectre autant de couleurs que nous en apercevons aujourd'hui. Ainsi, Xénophane ne voyait que trois couleurs dans l’arc- en-ciel, et c’étaient celles qui appartiennent à l’extrémité lumineuse du spectre ou qui en sont proches : « Celle qu’ils nomment Iris est un nuage — pourpre, rouge et jaune-vert. »
Une loi domine toute cette évolution du sens des couleurs. On l’a sans doute déjà remarqué, la sensibilité aux diverses couleurs s’est développée dans l’ordre où apparaissent les différentes couleurs du spectre solaire. Les couleurs les plus riches en intensité lumineuse, le jaune et le rouge, ont été perçues avant celles qui le sont le moins, telles que le vert et le bleu.
En effet, la rétine peut très-bien être excitée par une onde lumineuse excessivement faible et y répondre, sans que le sens des couleurs ou le sens esthétique de la forme soit développé d’une manière quelconque. De même, l’oreille peut entendre le moindre bruit à des distances incroyables, tout en manquant de l’aptitude à comprendre l’harmonie et la mélodie, ou même à les percevoir comme telles. On doit dire exactement la même chose de l’activité de la muqueuse du nez.
Quand l’homme ne connaissait d’autres couleurs que le rouge et le noir, lorsqu’il confondait ou distinguait à peine le rouge du blanc, comme c’est le cas, selon L. Geiger, dans les hymnes du Yéda, la rétine humaine n’était sensible qu’aux différents degrés d’intensité de la lumière et à l’absence de celle-ci.