Dans le mur faisant face à l'entrée, une petite porte de bois s'ouvrait sur un réduit délabré, d'où émanait une odeur de terre et d'immondices, et qui n'était éclairé que par une petite lucarne donnant sur une cour. A proximité de cette lucarne, sur une étagère, une lampe diffusait une faible lueur qui révélait un sol de terre battue jonché d'une quantité innombrable de détritus divers. On se serait cru à l'intérieur d'une boîte à ordures. Sur l'étagère qui supportait la lampe, et qui courait tout le long du mur, s'alignaient des fioles, des bouteilles, grandes et petites, divers outils et toutes sortes de courroies. N'eût été la rare saleté du lieu, on aurait pu Voir là comme l'attirail d'un apothicaire.
Il rasait les murs, malgré l'obscurité profonde -il y avait encore des restrictions sur l'éclairage-, et les passants qui le croisaient se trouvaient brusquement face à face avec des yeux qui luisaient dans les ténèbres comme la boucle métallique d'un ceinturon de policier.
Mais quel changement apporterait la mort, alors que sa vie était déjà un sommeil perpétuel?
- Tous les gens arrivés n’ont-ils pas commencé modestement?
- Sans doute. Mais tous ceux qui débutent modestement ne finissent pas par arriver.
Quand il se mettait à l'ouvrage et forgeait, de ses mains expertes, une infirmité sur le corps d'un de ses clients, il usait d'une cruauté calculée, se dérobant derrière le secret professionnel. Si des gémissements échappaient à sa victime, ses yeux terrifiants brillaient d'une flamme démente et malgré tout cela, les mendiants étaient encore, de toutes les créatures, les plus chères à son cœur et il aurait souhaité que la majorité des habitants de la terre fussent des gueux.
- Femme ! Tiens ta langue ! Ferme cette latrine qui déverse sur nous des ordures.
- Que ta langue soit coupée ! Il n'y a d'autre latrine que toi. Tu es un voyou, un être déshonoré.
Mais il l'avait brusquée dans l'ivresse des premiers jours et elle n'avait pu jouir de son amour, de ses délices, de son bonheur, elle n'avait pu s'abandonner à ses rêves, à son imagination, à ses espoirs, qu'à peine une dizaine de jours.
dans la vie de l'être humain, il faut bien quelque chose autour de quoi puisse s'accrocher l'espoir, quelque chose qui donne à la vie du prix, une valeur, fût-elle illusoire et dérisoire
A force d'en caresser l'espoir, le temps lui parut long et le découragement finit par la prendre. Elle cessa de cultiver des espoirs mensongers.
Mais quel changement apporterait la mort, alors que sa vie était déjà un sommeil continuel ?