Notre Première naissance, biologique, est celle d’un agrégat de cellules, apte à se reproduire et condamné à disparaître dans vingt ou trente mille jours. À se désagréger. La Deuxième naissance, sociale, suit la Première : le tout jeune animal commence à exister pour les autres. Son parcours sera humble ou flamboyant, la mort le frappera dans vingt ou trente mille jours. Triste sort auquel nous nous accrochons, poussés par les deux arguments de la vie – la peur de mourir et la faculté de jouir. L’orgasme est leur intersection : le plaisir y croise la perpétuation génétique et alimente notre combativité qui nous permet d’affronter l’absurde – longues années de dressage scolaire, pénible joug professionnel, vieillissement, décès. Cet élan vital ne suffit pas. La fréquence des suicides le prouve : pour tuer l’être social qu’on a fait de lui et dont il souffre, l’homme tue son être biologique.
En partant, Cohen jette un coup d'oeil sur les cartons remplis de livres et murmure avec tristesse : "Ce ne sont plus nos lectures qui disent ce que nous sommes, mais notre ordinateur...
Nous avons passé la nuit sous le toit d'un vieux baraquement de baleiniers, en écoutant la pluie dans le feuillage d'eucalyptus. Rien ne subsistait de notre passé, de notre soif d'avaler le maximum d'existence. Et ce qui restait me surprenait par son infinie simplicité — la beauté de ce visage féminin vieilli, les reflets du feu sur ses paupières, sa main qui, dans le sommeil, était tendue vers la nuit, comme pour montrer une voie… Je n'avais besoin de rien d'autre.
Né petit animal, l’homme renaît comme rouage de la société. La première naissance est une fatalité. La deuxième – un rattrapage où les vainqueurs ne sont pas toujours les plus forts. On connaît ces « nabots géants » : Attila, Napoléon, Lénine, Staline, Onassis…
… sa première naissance est un être chétif et peu doué. Sa deuxième est Hitler…
… Une famille traditionnelle en aurait fait un prêtre (il avait failli le devenir), sa deuxième naissance l’a transformé en Staline.
Elle renvoie à notre Deuxième naissance – une comédie sociale qui tourne autour des choses très frustes : la faim, la chair, la peur. Les hommes en font un spectacle ridiculement compliqué, y mêlant leurs coutumes, codes, valeurs, hiérarchies… Et notre pauvre psyché réverbère ces mensonges dans un flot qui brasse désirs, tabous, révoltes, transgressions – un Niagara d’émois ! Nous vivons dans cette double fausseté – un monde déformé dans un miroir déformant… Jeune, j’ai découvert ce chiffre : cinquante millions de tués de la Seconde Guerre mondiale ! Anéantis par la volonté de quelques hommes qui manifestaient un évident dérèglement cérébral. Hitler, Himmler… “Personnalités à la constitution mentale viscoïde”, selon la classification de l’époque… Dans une biographie de Hitler, j’ai trouvé la description de l’amour exalté de sa mère pour cet enfant que les médecins croyaient condamné. Jamais la cathédrale de Braunau, la ville natale de Hitler, n’avait entendu des prières aussi ferventes. L’enfant a survécu, on connaît le reste. “Le triomphe de la volonté”, l’industrie de l’extermination, la Solution finale… D’accord, me disais-je, c’était la guerre mais, en temps de paix, les choses se passent-elles autrement ? Des millions d’enfants torturés par leurs proches (plus de soixante mille par an, en Europe), des meurtres passionnels, l’extrême cruauté envers les vieux.
D’ailleurs, davantage même que le plaisir, c’est cette grammaire d’idées qui comblait Tom : il maîtrisait le langage du Bien !
Un jour, ce jargon a montré ses limites…
La grand-mère de Hitler fut engagée comme servante chez les Rothschild, à Vienne. Liaison ancillaire : le père de Hitler, Aloïs, est le fils d'un des Rothschild.
Ce qui ne me tue pas me rend plus fort... On peut ajourner son suicide jusqu'à sa mort... Vivre c'est apprendre à mourir...
Les hommes ne cherchent pas une rupture, Gabriel ! Ils veulent juste consommer plus, placer leur progéniture plus près de la mangeoire et mourir plus tard ! - Les diggers leur proposaient plus que ces "plus". Ils leur offraient tout ! Venez voir ma machine à produire ce tout..."
Libération, fidèle à son esprit soixante-huitard poussivement espiègle, s'est trouvé un nom très "cool" : Libyeration... Quant à L'Obs, sa réussite a été encore plus éclatante. Le journal s'est scindé en 2 : un magazine érotique Obsession et une revue humoristique Oups.