Vive les boîtes à livres ! C'est là que j'avais trouvé
le testament français d'
Andreï Makine, il y a bien des années. Il y a une semaine, après deux livres de
Lydie Salvayre lus coup sur coup qui m'avaient fait douter de la littérature, en désespoir de cause, j'ai finalement tiré ce Testament de la planche où il dormait auprès de deux de ses congénères du même
Makine, non lus. Une carte postale s'en est échappée, dont je donne une photo, datant manifestement du Minitel et portant au dos un long mot d'amour à une certaine Emmanuelle : « Tu es mon rayon de soleil... Tu es inimaginable même dans le monde de
Walt Disney... » Je la tiens à disposition de l'ingrate Emmanuelle, ou de Didier, le signataire, s'ils se font connaître, de même que la feuille manuscrite qui l'accompagnait, où est listée la signification de certaines images récurrentes qui paraissent dans les rêves.
C'est sous ces auspices équivoques que j'ai commencé
le testament français. Et j'ai été aussitôt intéressé, touché, séduit, étonné, ému par ce roman, qui semble si vrai que j'ai cru jusqu'au bout qu'il s'agissait d'un récit autobiographique, et que je l'ai lu très vite – bien qu'il soit d'une belle écriture, ce qui m'incite d'ordinaire à une lecture au pas de montagnard. Presque toute l'histoire se déroule en Union Soviétique. Elle débute au milieu des années 60, alors que le narrateur est enfant (
Makine est né en 1957). Au cours d'un été, alors qu'il passe ses vacances auprès d'une grand-mère d'origine française volontairement exilée au bord de la steppe, il est bouleversé par la découverte de la langue et de la civilisation de notre pays. le voilà subjugué, et bientôt déchiré entre une appartenance rêvée à la France – celle déjà lointaine de la jeunesse de sa grand-mère –, et son appartenance réelle au monde russe et à son siècle, marqué par les séquelles de la Grande guerre et du stalinisme. Tout le récit est scandé par les étés que l'enfant, puis l'adolescent, puis le jeune homme passe avec la vieille dame, qui est la véritable héroïne du roman. Les horreurs de la guerre (ces anciens combattants réduits à un tronc que les russes appelaient des « samovars »...) et les exactions du stalinisme effleurent par moments et forment un fond de scène d'une extrême puissance. le roman se termine par un renversement de perspective étonnant, doublé d'un coup de théâtre, lié au fameux testament : mais je n'en dis pas plus.
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Le testament français", publié en 1995, a obtenu le Goncourt (ce qui n'est pas un gage de qualité :
Lydie Salvayre l'a obtenu), le Medicis (ce qui l'est beaucoup plus) et le Goncourt des lycéens, unanimité exceptionnelle et parfaitement justifiée.
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