Mais pouvait-il se reprocher d’être un mauvais père, lui qui n’avait jamais connu le sien ? Pouvait on espérer offrir plus à ses enfants que ce que l’on avait soi même reçu ? On ne s’en tire pas avec une aussi piètre excuse, pensa Tim alors qu’il déposait son fils à l’école. Hans et leur relation à tous deux méritaient mieux que des explications de magazine.
« La mine, ça te quitte pas comme ça », il dit tout le temps, « ça te colle aux mains et à la tête ». Tous les hommes qui bossent avec lui sont pareils, à force : des blocs de charbon vivants.
[...] Rien n’a changé dans les rapports entre le Danemark et le Groenland. Nous nous comportons encore et toujours comme des colons avec nos territoires d’outre‑mer. Et surtout, on fait l’impossible, y compris aujourd’hui, pour museler les victimes de nos mauvais comportements.
Ecrire n'est rien d'autre que cela, me semble-t-il : s'offrir à soi-même une seconde naissance, dans un espace-temps où tout devient enfin possible. Re-vivre, comme si la faculté miraculeuse nous était donnée, par l'acte créateur, d'exister une nouvelle fois.
Echappait-on jamais au territoire dont on était le fruit ? Loin de l'arbre qui nous avait porté - quand bien même nous étions issus d'un pays sans arbre-, ne devenions-nous pas l'ombre de nous-mêmes ?
Mais mon sentiment, c'est qu'on n'est pas obligé de tout savoir sur tout, a fortiori sur ceux qu'on aime. Je pense que le plus beau cadeau qu'on puisse leur faire, c'est justement de leur laisser leur part de secret.
Croyez-moi, il n'y a pas meilleure "page blanche" que ce pays. Il vous donne beaucoup mais il exige aussi tellement qu'il ne laisse pas beaucoup de place au ressassement.
Aussi tentant que ce soit, on ne réécrit pas un passé douloureux en massacrant le présent.
Il en va de certaines révélations comme des cadeaux que nous offre la vie : on ne les perçoit vraiment qu'après coup. Quand nous sommes sous leur emprise depuis déjà longtemps.
Tâche à ton tour d'en faire autant, de conjurer les blessures d'hier par tes choix d'aujourd'hui.