Summit, voici le roman idéal par ces temps caniculaires. Je vous envoie dans la banquise. N'y cherchez pas une quelconque contrepèterie, ma préférée étant en ce moment : il fait beau et chaud.
Anna Karina aurait très bien pu chanter :
♫ Sur la banquise exactement
♫ Pas à côté, pas n'importe où
Sur la banquise, sur la banquise ♫
Toutes les enquêtes policières ont tendance à se ressembler un peu comme un paysage de banquise. C'est pourquoi j'ai besoin de m'accrocher à des thrillers qui prônent une différence.
Nous sommes bien au Groenland par -40 degrés. Oui, vous en rêvez en ce moment tandis que vous avez la même température chez vous mais avec le signe inverse devant. Je vous assure que le Groenland, bien que terre magnifique, n'est pas un monde forcément toujours idyllique. La preuve, ici. Allez, on part ? En traîneau, entraîné...
Nous sommes à
Nuuk, capitale du Groenland, un certain
Qaanaaq Adriensen, dont j'ai fait la connaissance avec plaisir il y a quelques semaines dans le roman éponyme,
Qaanaaq, est devenu le chef de la police locale, mi-Inuit mi-Danois. Il est aujourd'hui chargé d'organiser le premier séminaire de la SPA, entendez par là : Scandinavian Police Association, m'est avis que cette réunion s'apprête à rassembler de drôles de zèbres !
Après
Qaanaaq, Disko et
Nuuk,
Summit est le quatrième opus des enquêtes de
Qaanaaq Adriensen au Groenland, écrit par un certain Mo Malø.
Une amie bienveillante, sachant que je m'apprêtais à lire
Summit, m'avait conseillé de lire les trois premiers opus pour mieux comprendre certains éléments du récit. Merci Sandrine, je t'ai écoutée mais qu'à moitié voire au tiers, je n'ai lu que le premier opus et cela m'a un peu aidé dans la connaissance des itinéraires de certains personnages. J'ai découvert cependant qu'il y avait dans ma compréhension globale du récit quelques trous dans la raquette à neige...
Le Danemark est confronté à une guerre des gangs qui menace la stabilité du pays. Les plus grands flics islandais, danois, norvégiens et finlandais se retrouvent à Kangerlussaq, à l'ouest du grand pays blanc, pour aider le Danemark. Les relations ne sont pas terribles entre les membres, mais il faut trouver un intérêt collectif qui dépasse les crispations individuelles. Il y a comme un froid et il faut dégeler au plus vite les relations.
Rien de mieux qu'un petit séminaire avec un trek à la clef pour rompre la glace entre les membres ! L'idée semble être venue d'un certain
Arne Jacobsen, alias la Fourmi, directeur de la police judiciaire danoise, qui semble vouloir tout piloter l'affaire de son bureau, comme s'il n'aime pas le grand air.
Qaanaaq Adriensen est l'homme de la situation pour coacher ce séminaire, cependant qu'on ne lui laisse guère le choix.
Le groupe doit partir en expédition dans l'Inlandsis – une nappe de glace recouvrant la terre ferme et qui peut atteindre plusieurs milliers de mètres d'épaisseur.
Tout commence à se compliquer quand l'un des membres participants disparaît, à peine débarqué de l'aéroport…
Puis pendant le voyage, d'autres événements de plus en plus inquiétants se produisent : les balises de repérages des participants sont désactivées, ils évitent un accident de justesse, deux autres participants disparaissent à leur tour… On a fait renifler du sel aux chiens de traineau pour qu'ils perdent délibérément leur chemin. Et si quelqu'un cherchait à provoquer leur perte ?
Dans cette atmosphère angoissante,
Qaanaaq, devenu pour moi presque un ami lors du premier opus, doit affronter une blessure ancienne, liée à un secret de famille qui vient de refaire surface...
Au milieu du blizzard et des blocs de glace, tous sont désormais coupés du monde : si la faim et le froid n'ont pas raison d'eux, ce pourrait bien être la folie polaire…
J'ai découvert ainsi qu'il existait ce concept de folie polaire. Comme il existe peut-être, j'imagine, une folie caniculaire...
Il y a des personnages récurrents qui reviennent ici, ont une vie, une histoire, qui ont évolué, les relations entre certains ont elles-mêmes évolué, comme la vraie vie finalement.
J'ai découvert aussi dans ce récit la souffrance animale, thème auquel je suis très sensible, la maltraitance des mushers à l'égard de leurs équipages animaliers m'a étonné, ceux-ci traités comme des bêtes de somme. Au bout de cinq ans, on les écarte, c'est-à-dire que le plus souvent ils sont abattus, comme les chevaux de course chez nous, je fais allusion à un récent scandale qui faisait croire à des soi-disant maisons de retraite pour chevaux hors course. Mes dernières illusions d'un peuple respectueux de leurs bêtes se sont terriblement effondrées à ce moment-là, alors que je pensais que dans la culture inuit, le respect du vivant était primordial, inscrit dans leur culture. Triste.
Je me suis alors éloigné de l'enquête policière qui commençait à m'ennuyer pour me promener dans cet Inlandsis qui devenait brusquement un territoire intéressant pour autre chose : justement cette culture inuit, la dimension invisible qui la porte et que je n'oserai pas tenter de visiter mais qui est très forte autant dans la culture inuit que dans le roman, des personnages égarés dans cette histoire à laquelle ils n'étaient pas préparés.
Je me souviens de cette phrase notée sur mon petit carnet « Déjà lorsqu'on s'égare, on regarde mieux le paysage. » J'ai oublié de noter la référence du livre où j'ai cueilli cette perle. Aidez-moi s'il vous plaît, j'aimerais retrouver l'auteur.
Mais je m'en suis servi pour observer le paysage de
Summit, qui pour moi représente un des personnages principaux, sinon le personnage principal.
Naïvement, je pensais que le Groenland était plat.
Le
Summit, c'est le sommet du Groenland. C'est aussi le sommet de l'intrigue.
Ce que j'ai aimé dans ce roman, ce n'est pas le coeur de l'intrigue, mais c'est une déambulation à la fois géographique et intemporelle.
J'ai adoré le désarroi de mon ami
Qaanaaq. Quel semblant d'ordre il va devoir remettre dans ce chaos-là.
Et puis cela parle d'animaux, de prédateurs même, l'ours polaire en est un, mais j'ai découvert ici, preuve à l'appui, que le plus grand prédateur de la planète n'est ni un ours polaire, ni une fourmi, ni un chien de traineau, mais, j'ai nommé ici l'homme, l'homme avec une grande hache...
J'ai aimé ce voyage qui prend l'allure d'une errance dans le désert.
Se perdre, être privé de repères.
On prend chaud, on prend froid. Il faut faire attention de ne pas être frigorifié dans sa transpiration et transformé en glaçon, à la façon de cet explorateur qui découvrit justement le
Summit et mourut ainsi, façon Jack Nicholson, alias Jack Torrance dans Shining, mort de froid figé en statue givrée à la fin du film. J'espère pour lui et les siens qu'il n'avait pas le même sourire.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions
De La Martinière qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteur.
#
Summit #NetGalleyFrance