AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,31

sur 815 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
« Chez nous, mieux vaut une fille morte qu'une fille mère ».
Et voilà, tout est dit, le sort en est jeté. On est dans une tragédie.

C'est bien dommage que je ne mets plus en scène des pièces de théâtre, comme je l'ai fait pendant plus de vingt ans, dans le cadre de mon métier, prof de français.
Ce roman hors du commun, hors de notre vie quotidienne, hors norme, s'y prêterait tout à fait !

Une jeune fille irakienne, enceinte, raconte sa tragédie : elle est condamnée à être tuée par son frère ainé, devenu chef de famille depuis la mort du père. Tuée parce qu'elle a cédé à son amoureux avant que celui-ci, ami de son frère, ne parte à la guerre. Tuée sans même avoir connu le plaisir. Tuée parce que dans son ventre, croît un malheureux destiné à mourir avant de naître.

Elle n'est pas la seule narratrice car chaque membre de la famille nous explique sa position. Personne ne s'opposera à la sentence. Tout est écrit. Tout est voulu par l'honneur, ce fameux honneur qui déshonore les familles tellement il se veut vengeur et pour la mort.

Il n'y a que le Tigre qui se lamentera, comme il se lamente chaque jour depuis que le pays qu'il traverse meurt dans une guerre sans fin. le Tigre et son cortège de mythes. le Tigre, puissant, qui ne peut rien faire, mais qui seul pourra pleurer sans honte.

Magnifique, puissant, poétique.
Un roman pareil à ceux de Gaudé.
« Je connais la folie des hommes. Je suis le témoin silencieux des serments et des drames qui se jouent sur mes bords. Cette histoire finira mal, elle aussi. La mort viendra à temps ».
Commenter  J’apprécie          4513
« Que sur toi se lamente le Tigre », premier roman d'Emilienne Malfatto, a été récompensé en 2021 par le Prix Goncourt du Premier Roman.

Une jeune irakienne va bientôt mourir.
Le lecteur ne connaîtra jamais son nom.
Déjà effacée des mémoires.
Vivante mais déjà morte.
Car, ce soir, son frère va la tuer.

On peut mourir par amour.

*
Pareil à une lame, les coups vont pleuvoir
jusqu'à sa mort,
inéluctable.

Pareil à une lame,
la vague va refluer ne laissant
rien,
le néant.

« Je serai effacée, oubliée, je n'aurai jamais existé. »

Pareil à une lame,
après seulement quelques lignes, mes émotions m'ont submergée.
Une profonde solitude.
Le sentiment d'un terrible gâchis.

Mais en attendant, la jeune femme attend, seule, que son bourreau vienne mettre fin à ses jours. Elle porte un regard sans haine sur sa vie et plus généralement, celle des femmes qui doivent se soumettre à l'autorité des hommes.

« Ma vie s'est déroulée derrière des murs et des voiles, dans la soumission aux hommes et dans ce monde si particulier des femmes d'ici qui opère comme un miroir déformant sur les êtres et les choses. »

La raison, le lecteur la connaît dès le départ.
Une souillure qui ne peut être lavé que par la mort de celle qui a fauté.

« Les femmes de la famille doivent rester propres. Pures. Intouchées. Au prix du sang. Notre corps ni notre honneur ne nous appartiennent. Ils sont la propriété familiale. La propriété de nos pères et de nos frères. »

Avec beaucoup de justesse et sans jamais porter de jugement, Emilienne Malfatto nous conte ce drame qui se déroule à huis-clos, laissant témoigner, à tour de rôle, les proches de la suppliciée.
Cette approche est très intéressante : chaque point de vue révèle, avec franchise, leurs ressentis, leurs émotions, qu'ils soient femmes ou hommes. Il nous éclaire sur leurs forces, leurs faiblesses, leur devoir, leur honte, leur lâcheté.
Chaque témoignage conduit à la mort de la femme, le code de l'honneur, l'opinion des autres, les ragots, imposant le sacrifice des femmes, la dignité et la justice des hommes.

*
J'ai ouvert ce tout petit roman par simple curiosité, attirée par les très beaux commentaires d'amis lecteurs, et je l'ai lu d'une seule traite tant j'ai été saisie par l'écriture de l'auteure, si belle, si poétique, si puissante.

J'ai été touchée par cette jeune femme qui ne mérite pas la mort, qui dans un pays comme le notre, pourrait vivre libre, heureuse. Mais elle habite en Irak et doit se soumettre à sa famille et à la loi des hommes.

« Notre monde n'est pas fait pour les rêves ».

*
Cette histoire est fictive, mais c'est bien la réalité de la condition des femmes dans certains pays du monde que nous racontent l'auteure.
Un monde fait pour les hommes.
Un monde où l'on ne respecte pas les femmes.
Un monde où la culture patriarcale permet aux hommes de dominer, maltraiter et assassiner les femmes en toute impunité.

« Nous sommes un pays de victimes et d'assassins. »

*
Emilienne Malfatto travaille comme journaliste et photographe indépendante, notamment en Irak.

En moins de quatre-vingts pages, l'auteure porte un message fort sur l'extrémisme religieux, l'extrême violence faite aux femmes musulmanes, l'horreur de la guerre.
Moi qui vis une autre vie, j'ai été émue.
C'est avec émotion que je vous encourage à lire ce beau texte qui se lit en seulement une heure.

Et pour ceux et celles qui ont aimé ce roman, je vous conseille également « La laveuse de mort » de l'irakienne Sara Omar, un roman bouleversant, très difficile à lire, sur l'oppression et l'asservissement dont les femmes musulmanes sont victimes lorsque l'obscurantisme et le fanatisme prédominent.
Commenter  J’apprécie          4522
Une jeune fille va mourir sur les rives du Tigre, condamnée par les siens pour avoir été aimée.
Parce que, de cette étreinte a jailli la vie.
Parce qu'à cette étreinte a succédé la mort de l'amour.
Parce que dans cette culture de l'interdit et du code de l'honneur il n'est pas de place pour la pitié.

Lu en apnée et en une heure de temps...
Une gifle, une sidération, une douleur !
Je me suis sentie Irakienne, voilée, opprimée par les hommes en noir qui sèment la mort.

Emilienne Malfatto connait bien l'Irak où elle travaille comme journaliste pour l'AFP depuis 2015.
En 80 pages intenses, elle brosse un portrait subtil d'une société complexe partagée entre modernisme et traditions lourdes de conséquences, constamment menacée par l'intégrisme de l'Etat Islamiste.
Le propos est d'autant plus fort que les membres de la famille affirment tour à tour leur position, se justifiant d'une attitude qu'ils pressentent deplorable mais à laquelle ils sont incapables de déroger.
De ce récit suinte un fatalisme terrible, une soumission douloureuse, une renonciation à ce qui pourrait ressembler à la liberté.

Chaque chapitre est ponctué d'une citation de L'Épopée de Gilgamesh, héros mésopotamien, porteur de la mémoire du pays et des hommes.

" Sidouri dit à Gilgamesh :
"Où vas-tu, Gilgamesh ?
La vie que tu cherches
tu ne la trouveras pas.
Lorsque les grands dieux créèrent les hommes,
c'est la mort qu'ils leur destinèrent."

Un roman percutant, fulgurant, dérangeant.
Commenter  J’apprécie          445
Que ce livre est dur ! Etouffant en fait.
Une jeune fille dans l'Irak d'aujourd'hui. Enceinte de son petit ami mort au combat. Mais surtout non mariée.... La conclusion inéluctable : le "crime d'honneur" c'est-à-dire l'assassinat de la jeune fille par le mâle dominant. Ici son frère aîné.
.
Ce livre est très court. Mais aussi si difficile. J'ai eu l'impression de le lire en apnée. Il faut vraiment le lire même si ce sujet est connu. L'auteure nous fait vivre cette dernière journée à travers les yeux de chacun des membres de la famille.
Je l'ai mis entre les mains de mes deux ados de filles. Je pense qu'il fait partie de ces lectures indispensables.
Commenter  J’apprécie          433

Quelle claque.

Sortir de la zone de confort et s'en prendre une bien placée sur le museau. Bien fait !

La littérature fictionnelle a ça de rassurant qu'on peut toujours se rassurer en se disant que c'est de la flûte, et parfois heureusement tant nos auteurs ont des imaginations débordantes que si c'était histoire vraie on serait secoués de vertigo.

Ici la fiction a pour égale la réalité et le malaise n'en est que plus amer.

Quand la tragédie littéraire nous rappelle que la tragédie humaine se trouve là, juste à coté de nous, sur des terres plus à l'Est où carcan religieux et fanatisme se conjuguent et mènent au sordide.

Histoire de vie, de mort, d'idéaux et fondamentaux culturels, d'amour et de tradition.

La plume est belle, lyrique, gracieuse, pleine de pudeur et pourtant coupée à un fatalisme contemplatif glaçant.

Une courte lecture intense qui bouscule, sur une vérité actuelle qu'on tait par commodité, un drame ancestral admis par bien trop de nations.
Commenter  J’apprécie          434
"L'honneur est plus important que la vie. Chez nous, mieux vaut une fille morte qu'une fille mère."
Ces phrases directes et brutales résument parfaitement le propos du livre.

Court et percutant, ce roman est un vrai coup de poing. de ceux qui vous coupent le souffle.
Emilienne Malfatto connaît bien l'Irak et a bâti une fiction à partir d'une réalité sordide : la condition des femmes dans ce pays, et plus spécialement l'application encore actuelle de ce que l'on appelle le code de l'honneur.

De l'honneur, vraiment ?
Est-ce bien honorable d'enfermer les femmes et de les tenir à l'écart d'une société régentée par les hommes ?
Est-ce bien honorable de tout décider à leur place, de ne leur accorder aucune liberté ?
Est-ce bien honorable de leur interdire d'aimer librement et de les punir si elles osent enfreindre les interdits ?
Punir... le mot est faible : il ne s'agit ni plus ni moins que d'une condamnation à mort !

Cela étant dit, vous imaginez bien que ce texte n'a rien de léger.
L'histoire est pesante, oppressante. On tourne les pages en se disant sans cesse que ce n'est pas possible. Et pourtant...
Pour faire contrepoids, Emilienne Malfatto a utilisé une forme légère, plusieurs personnages s'exprimant à tour de rôle dans de courts chapitres, et elle a mis de temps à autres de petits intermèdes poétiques dans lesquels elle donne la parole au Tigre.
Le fleuve raconte l'Histoire de la région qu'il traverse, il raconte les hommes et la vie, il raconte aussi la légende de Gilgamesh.
Le Tigre est plein de sagesse et il sait tout.

Un premier roman bouleversant de simplicité et de réalisme, sur un sujet qui ne devrait laisser personne indifférent.
Un ouvrage qui se lit d'une traite et qui remue profondément.

Un texte qu'il faut absolument faire lire à tous ceux qui pensent bien faire en utilisant cette écriture stupide et illisible que l'on appelle abusivement "inclusive" : peut-être ouvriront-ils les yeux sur la réalité de notre monde et comprendront-ils que ces petits points ridicules n'améliorent en rien le sort des femmes et que les vrais combats à mener sont ailleurs.
Bien plus importants, bien plus vitaux.
Commenter  J’apprécie          385
Voilà un livre qui dit la guerre.
Celle qui déchira l'Irak et qui la déchire toujours. Celle des combats de Mossoul, de Falloujah ou de Tikrit. Celle d'un pays en conflit éternel, devenu fataliste plus que résigné. Celle qui empêche une nation et un peuple d'avancer vers le progrès et les cantonne dans les ténèbres et l'obscurantisme.

Voilà un livre qui dit l'amour
Celui d'une jeune femme pour Mohammed, ami-voisin devenu amant et mari espéré. Mais dans le mauvais ordre. Celui d'une famille où son expression trouve toutefois ses limites dans l'honneur et la tradition. Celui d'un peuple béni pour une terre dont le Tigre est le témoin ancestral mais silencieux.

Voilà un livre qui dit la mort
Celle promise à la jeune fille qui porte en soi la vie venue trop tôt. Celle de ces milliers de femmes assassinées dans leur cellule familiale pour avoir aimé. Celle de Mohammed tué au combat avant d'avoir pu stopper le drame à venir. Celle de ces milliers de patriotes qui bandeau vert et kalash à la main, tentèrent de redonner un espoir à la terre de Gilgamesh contre les turbans noirs.

Voilà un livre qui dit la faiblesse des hommes
La résignation, le manque de courage, la victoire de l'immobilisme, l'horizon toujours bouché d'un pays bloqué dans « la trinité des miséreux : deuil, jihad, foi ». Les attentes déjà déçues que portent les jeunes générations, espoirs mort-nés d'un renouveau.

Voilà un livre qui dit la douleur des mères
« On va tuer ma fille et je ne m'y opposerai pas ». Sentence déchirante qui n'appelle surtout aucun jugement. Juste de la compassion à défaut de compréhension. Et c'est déjà beaucoup.

Que sur toi se lamente le Tigre, d'Émilienne Malfatto, est à la fois une tragédie grecque classique, où chacun vient apporter son témoignage ; un chant moyenâgeux, où la geste devient dramatique et sanglante ; une prouesse de style d'avoir rassemblé autant d'émotions dans tant de concision ; et enfin une preuve - s'il en était besoin - de la nécessité d'initiatives comme Vleel (Varions les éditions en live) pour porter vers le plus grand nombre – et moi au passage - des textes d'une telle importance.
Commenter  J’apprécie          382
Dans l'Irak rural déchiré par des combats, la narratrice aime Mohammed en secret. Quand celui-ci meurt sous les obus, elle est enceinte. Des lors, son destin est inéluctable: elle sera tuée par Amir, son frère aîné, dépositaire de l'autorité masculine depuis le décès de leur père.
Ce crime doit laver l'honneur de la famille, qui approuve en pleurs et en silence.

Un sublime récit choral, dans lequel l'auteure parvient à nous faire entendre la voix de la jeune femme «condamnée », mais aussi les voix des membres de sa famille, ainsi que la voix du Tigre, ce fleuve légendaire.

J'ai adoré ce premier roman, très court, lu d'une traite, la chronique d'une mort annoncée en 80 pages.
Le texte est très beau, l'histoire puissante et rythmée.
On sent que l'auteure, reporter photographe, connaît très bien la société irakienne.
Un magnifique uppercut littéraire.
Commenter  J’apprécie          331
Un roman court, percutant, efficace. Quel premier roman ! Emilienne Malfatto alterne des passages de l'épopée de Gilgamesh (en italique), le récit de la jeune femme qui va mourir parce qu'elle est enceinte hors mariage de son fiancé mort au combat, et le récit de chacun des autres protagonistes (son fiancé mort et les membres de sa famille). J'ai trouvé cette construction très pertinente. Et, je ne sais pas si cela a été fait, j'imagine bien une interprétation de ce livre au théâtre, avec chaque protagoniste éclairé tour à tour au moment de son monologue. Car c'est une tragédie, à l'égal des tragédies antiques, une tragédie de notre temps. Chaque personnage a sa fonction, exprime un point de vue, de toute façon résigné : elle mourra, que ce soit par acceptation des traditions (la mère), par approbation (Amir le frère aîné et son épouse Baneen), par timidité et manque de courage alors qu'il réprouve (le deuxième frère), ou parce qu'ils n'ont pas encore tout compris (les plus jeunes). La tragédie est inévitable, le lecteur n'est que spectateur, du coup il se retrouve un peu dans la situation des plus jeunes, et se prend un véritable coup de poing devant une situation qui ne peut que le choquer, le révolter. Un premier roman à lire absolument.
Commenter  J’apprécie          323
Emilienne Malfatto n'est pas irakienne mais son métier de journaliste l'a amenée plusieurs fois à y vivre et à témoigner des souffrances de ce pays.
Ce roman est ainsi un regard qui bénéficie à la fois du recul de celle qui n'est pas personnellement concernée par les affres de l'Irak, mais aussi de la proximité de celle qui s'est engagée, ce qui lui octroye une beauté douloureuse.
Neuf voix se succèdent pour nous parler de la tragédie que vit ce pays par le biais de l'intime puisqu'elles nous parlent du drame inévitable qui se déroule dans une famille. Drame constitué de l'assassinat programmé d'une jeune fille enceinte hors mariage. Cet acte chacun le redoute,et finalement chacun le condamne mais personne n'ose s'y opposer.
Les voix sont celles des membres de cette famille mais aussi celle de l'amoureux de la jeune fille déjà mort de l'absurdité de la guerre ,et celle du fleuve Tigre qui subit sans pouvoir s'y opposer, la folie des Hommes.
Chaque prise de parole est singulière et toutes sont poignantes.
Aucun jugement, aucune haine,seulement la soumission à un système, l'acceptation de ce qui est.. Cette chape m'a écrasée moi aussi car toute velléité de révolte résonne comme une pensée présomptueuse et tue l'espoir avant qu'il n'ait pu être élaboré.
Deux phrases seulement dans tout le texte ,qui laissent entrevoir que l'inéluctable ne sera peut-être pas accompli .
Lorsque le Tigre prend une dernière fois la parole c'est un coup de poignard qui magnifie pourtant encore davantage ce texte car il énonce le paradoxe terrible de ce qui s'éveille dans le coeur de la jeune fille,juste avant que la lumière ne disparaisse totalement.
Commenter  J’apprécie          310




Lecteurs (1666) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3226 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}