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Peu de monde sur le quai lorsque le train entre en gare de Buenos Aires. La sirène m'appelle, signe de départ, je monte dans un compartiment vide, vieille odeur de cuir et de cigarillos froids. Dans l'espace conjoint au mien, un vieux couple se regarde en silence, dégustant des tasses de maté qu'un thermos encore fumant tient au chaud. Moi, je descends en silence une Quilmes, les yeux qui oscillent de mon bouquin à la fenêtre ouvertes sur la campagne argentine, une lecture à peine perturbée par le ronflement du train.

Pinas et Gerardo sont deux amis d'enfance. Pas dans le genre franche camaraderie, plutôt dans le style de deux personnes qui s'écoutent en silence et discutent de la vie, entre débats et passions. Mais les aléas de la vie font qu'à un moment donné, les chemins s'éloignent, chacun prend un aiguillage différent. le chef de gare les réunit à nouveau après une dizaine d'années dans la maison bourgeoise de Gerardo, l'occasion de reprendre ces discussions nocturnes, ces ballades dans les champs à échanger quelques mots ou quelques silences.

Le train souffle quelques instants, déversant une fumée humide dans le ciel bleu nuit. Les hommes descendent sur le quai avec femmes et bagages, m'isolant encore un peu plus dans ce train. La lune pointera bientôt son oeil dans un coin de la fenêtre, le train crachotera à nouveau son souffle d'entrain. le silence est magistral, ce soir. Au clair de lune, les pages légèrement bleuies par le ciel argentin sont elles aussi magistrales. de par la concision de la plume de l'auteur et le dialogue des silences.

Pinas et Gerardo ne semblent plus s'écouter. le dialogue de l'un ou de l'autre découle dans une impasse. A sens unique. Ou à contre-sens, comme si leurs mots prenaient des rails différents. le chef de gare a du modifier l'aiguillage de leur rencontre. La nuit s'enrichit d'une couleur noire profonde, elle devient sombre, ma lecture se fait énigmatique.

Etrangéité même, de ce petit fascicule que j'achève lorsque le train me ramène à mon point de départ. le trajet m'a semblé si court et pourtant il m'a transporté. Intérieurement surtout. Que dire de plus. Lorsque j'ai fermé ce dialogue des silences, ma première incursion dans l'univers de l'écrivain argentin Eduardo Mallea, j'étais convaincu par la profondeur de ce livre. D'ailleurs… Un, j'ai déjà envie de relire ce roman. Deux, j'ai encore plus envie de découvrir d'autres oeuvres « malléennes ». Trois, des histoires de silences, cela me parle profondément. Quatre, j'ai fini ma Quilmes et cherche un nouveau roman argentin pour en décapsuler une autre.

Maintenant, j'ai envie de parler à la nuit, à la lune bleue, à ma Quilmes...

Merci.
Lien : http://memoiresdebison.blogs..
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Pinas et Duran, deux argentins, deux amis de longue date. Suite au mariage de ce dernier,dix années d'éloignement et de froid les séparent. Peu aprés la mort de son épouse ,Duran invite Pinas pour quelques jours ,chez lui, à la campagne....
Le livre raconte cette rencontre et ce qui en suit dans la vie de Pinas.Une rencontre où Pinas agonise , cherchant chez son ami une voie de secours par le dialogue,à sa vie refermée sur elle-même, étrangère à tout.Alors que Duran ,qui "manifestement" vit entouré,ne répond pas à l'appel...
Pinas est le personnage malléen récurrent,un homme à la recherche de lui-même ,dans un monde qui n'est qu'hostilité et silence.Son angoisse existentielle ,sa quête de soi, aboutit à la non-communication avec l'autre,à l'impossibilité d'être entendu de l'autre.
C'est un des textes les plus forts de Mallea,court (80 pages), mais trés dense.
Magistrale!
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♪On dort les uns contre les autres
On vit les uns avec les autres
On se caresse, on se cajole
On se comprend, on se console♫

Il y a des livres à mettre entre toutes les mains mais pour lesquels tout lecteur averti se doit de choisir le moment de la rencontre.
« Dialogues des silences » d'Eduardo Mallea entre dans cette catégorie. Autrement dit, si vous vous sentez moyen, attendez des jours meilleurs. Par contre si ça va plutôt pas mal et que la condition humaine dans son expression la plus épurée ne risque pas de vous plomber, alors n'hésitez pas.
« Dialogues des silences », en trois mots tout est dit. Un titre… si actuel.
A l'ère de la communication, l'incompréhension entre les Hommes n'a probablement jamais été si forte et la solitude si présente. Eduardo Mallea met en scène une relation amicale entre Pinas et Gerardo, relation comme il en existe tant où chacun s'écoute parler. On semble écouter l'autre bien sur mais si souvent on ne l'entend pas. Je ne parle pas de relations de copinage, d'échanges sur la pluie et le beau temps mais de profondeur, d'humain, de coeur, de ce que nous sommes chacun au fond de nous, de ce que l'on « cache » par pudeur, par peur, par fragilité.
La relation entre Pinas et Gerardo, mise entre parenthèse pendant des années suite au mariage de ce dernier et de l'incompatibilité entre « l'intruse » et Pinas va tenter de se renouer à la mort de celle-ci.
Recoller des bris de complicité après tant d'années est perdu d'avance. le temps fait que les amis d'hier sont devenus deux étrangers. Si Pinas tente d'encourager Gerardo à se découvrir, l'essai reste sans écho et quand il décidera de mettre bas les masques, les réactions de son entourage lui feront prendre conscience de sa solitude. Solitude commune à tous puisque la nudité de l'âme semble être une agression pour la plupart des Hommes.
C'est court, intense et ça chatouille là où ça peut faire mal. Un dialogue où les silences sont assourdissants. Quoi qu'on en dise, qu'on soit très entouré ou pas, chacun d'entre nous est seul au monde, seul face à soi.

♫Mais au bout du compte
On se rend compte
Qu'on est toujours tout seul au monde♫
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Voici un roman d'une incroyable tristesse et qui réveille en nous bien des peurs et des doutes. Deux étudiants, Gerardo et Pinas, aux caractères opposés mais si complémentaires se lient d'amitié. Ils se séparent au moment où Gerardo se marie. Longtemps après, une fois celui-ci devenu veuf, les deux amis tenteront de se revoir et de renouer cette belle amitié mais sans y parvenir. Entre eux il y a maintenant comme une pesanteur, une impossibilité à écouter l'autre et à s'en faire comprendre. Trop d'années passées sans doute. Ils sont maintenant deux vieux messieurs emmurés à l'intérieur d'eux-mêmes, devenant de plus en plus insensibles à ce qui les entoure.
Le texte d'Eduardo Mallea est très beau, écrit avec une infinie délicatesse et une économie de mots qui sert on ne peut mieux le sujet du livre. Mais son grand talent est peut-être de nous faire si bien sentir l'épaisseur des non-dits. Un peu comme en musique, après un déluge de notes, on place un silence et ce silence est encore de la musique. Nos deux amis finiront seuls, l'un parce qu'il a perdu son amour et l'autre parce que de femme en femme, il ne l'a jamais trouvé. L'hiver est venu pour eux et leurs désirs sont pris dans les glaces. Sommes-nous tous condamnés à finir seuls, devenus étrangers à nos proches et transparents aux yeux du monde? Car oui, la vieillesse a ce pouvoir maléfique "d'effacer" les êtres bien avant qu'ils ne meurent. Et n'est-ce pas déjà une petite mort que de ne plus être entendu ni compris par qui que ce soit?
"Dialogues des silences" est un grand livre, celui de l'irrémédiable solitude et de l'incommunicabilité entre les êtres. Un roman que l'on referme en même temps que sa mélancolie se referme sur nous et qui résonne très longtemps au fond de nos angoisses les plus intimes, comme un point d'orgue.


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Pas facile d'aborder l'oeuvre de l'écrivain argentin Eduardo Mallea par la lecture de "Dialogues des silences". J'ai trouvé ce texte âpre, sombre, énigmatique. Toutefois, l'énigme qu'il propose au lecteur n'est pas dépourvue d'attrait, bien au contraire. Pinas est un homme qui vit à Buenos Aires et qui reçoit un jour l'invitation d'un ancien ami, Gerardo Duran, à venir passer quelques jours dans sa maison à la campagne. Pinas et Duran s'étaient connus durant leur jeunesse et Pinas avait alors fait la connaissance d'Ifigenia, la tante de Duran, qui lui avait enjoint de ne jamais s'éloigner de Gerardo. C'est pourtant ce qu'il advint : Duran se maria et le courant ne passa pas du tout entre sa femme Josefina et Pinas, qui cessa de fréquenter le couple. Pinas, resté célibataire, et Duran ne se revirent que des années plus tard, aux obsèques de la femme de Duran.

En se rendant par le train à l'invitation de Duran, Pinas espère retrouver "peu à peu les petits cailloux, les marques, les bornes derrière lesquelles allaient autrefois en s'effaçant les traces de cette amitié" et mettre fin à leur "bouderie réciproque". Mais les conversations que Pinas put avoir avec son hôte ne parvinrent pas à combler l'espoir de réconciliation et d'entente fraternelle qu'il avait mis dans ces retrouvailles.

La suite de l'histoire est assez étrange, frôlant même le fantastique. L'auteur ne nous donne que peu d'éléments pour déchiffrer ce conte lugubre. Ou peut-être n'ai-je pas su lire entre les lignes. Désarçonné par la tournure énigmatique de ce récit, j'avoue avoir porté sur lui un jugement assez sévère dans un premier temps. J'ai alors décidé de lire dans la foulée un autre livre de Mallea et bien m'en a pris, car je suis tombé sur le magnifique "Chaves". du coup j'ai repris la lecture de certains passages des "Dialogues des silences" et j'y ai ressenti cette fois un charme que je n'avais pas ressenti à la première lecture.

Comme dans certaines conversations, même entre amis, il y a parfois à la lecture d'un livre une sorte d'incompréhension qui s'installe, une distance qui nous semble incompressible et nous en sommes chagrins. Mais en y regardant à deux fois, sous un autre angle de vue ou mesurée à une aune différente, cette distance peut nous sembler tout à coup beaucoup moins grande, voire disparaître comme par enchantement. Ce fut pour moi la surprenante leçon de ces "Dialogues des silences".
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Dialogue des silences est un court roman qui nous raconte l'amitié austère mais sincère qui unis deux Argentins de Buenos Aires : Durán et Pinas. Ce livre nous parle d'abord de ce lien (C'est d'ailleurs le titre original du roman : El vinculo) qui va ensuite s'effriter au fur et à mesure des années, particulièrement après le mariage de Durán. Une décennie passe, et un jour Pinas reçoit l'invitation de Durán, devenu veuf, qui propose de le recevoir dans sa maison de campagne. C'est ensuite l'histoire d'une rencontre impossible entre deux solitudes. Progressivement, Pinas se rend compte du fossé qui le sépare de son ancien ami mais aussi de ses autres contemporains.

Dans un style remarquablement sobre et économe en mots, Mallea nous conte l'histoire d'une tragique descente intérieure lors de laquelle Pinas va se défaire de ses illusions et réaliser l'étendue de sa solitude. On y voit aussi une critique des villes et du monde « moderne » où l'on se croise dans se regarder, où l'on se parle sans s'écouter. Comme pour Chaves (roman qu'il publiera 7 ans plus tard), Eduardo Mallea offre un récit puissant et fataliste sur le thème de l'incommunicabilité entre les êtres.

Un roman pas très « feel good » mais touchant et intense.

PS : Merci à Bookycooky pour sa critique qui m'a décidé à découvrir cette petite perle.
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Au détour d'une allée de la bibliothèque municipale mes yeux se portent sur ce tout petit roman (80 pages), au titre assez surprenant.
Je lis le quatrième de couverture et découvre qu'il d'agit d'un auteur argentin.
Je trouve la littérature sud-américaine toujours étonnante, un brin fantastique, une mélancolie latente ou une tristesse profonde donc je me laisse tenter. Parfois j'aime et parfois non.

L'écriture est très belle et en même temps l'auteur est avare de mots, laisse le lecteur déchiffrer, réfléchir, se questionner.
Une lecture qui demande de la concentration, qui est sacrement triste.
Pour résumé ce roman je dirais, parler c'est bien beau mais pour dialoguer il faut être au moins deux, sans dialogue pas de vie.
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J'ai découvert ce court roman en parcourant la page du bison... Et quelle découverte !

Un magnifique moment d'introspection, de plaisir littéraire voire quasiment philosophique.

Admirablement écrit et traduit de l'espagnol. Un de ces livres qui, une fois lu, vous laisse ce sentiment d'avoir réfléchi à la vie, à la mort, aux relations inter-personnes... bref à soi-même. On se sent presque compris par Mallea.
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