J'avais oublié de laisser la lumière dans la maison, avant de partir. C'était tout noir à part le feu dans la cheminée. Les flammes dansaient sur le mur. Les ombres aussi. C'était plutôt joli. La vieille avait pas bougé du fauteuil. Quand j'ai éclairé la lumière, elle a cligné des yeux. Elle m'a regardé et elle a dit:
- C'est toi?
- Oui, mamie, c'est moi.
- Ah!...
La vieille était en train de lui laver le cou. Un peu de sang avait coulé jusque-là. Elle lui avait déboutonné le haut de sa chemise et elle tenait le col écarté pour passer le gant. C'est là que j'ai vu une espèce de tache noire sur la peau du type. Ça m'a intrigué. J'ai rien dit. J'ai attendu que la vieille aille vider encore une fois sa bassine, puis je me suis penché sur lui et j'ai tiré la chemise pour lui dégager l'épaule. La tache que j'avais vu dépasser, c'était le bout d'une aile d'oiseau. Un tatouage sur la peau.
C'était très bien fait. L'oiseau était noir, avec des petits yeux jaunes, mauvais. Il ressemblait à un corbeau. Il avait des ailes déployées et il couvrait toute l'épaule droite du type.
Je suis resté peut-être une dizaine de secondes comme ça, à l'examiner. Je savais pas encore pourquoi, mais ça me rappelait quelque chose. Un corbeau sur l'épaule... Un corbeau sur l'épaule... Et puis, d'un seul coup, j'ai compris. Ça m'a fait comme une sorte de flash dans la tête. " C'est lui ! j'ai pensé. C'est lui !… "
Le Chasseur Solitaire !
Il marchait sans problème. Il avait oublié d'avoir mal...
Le type était pas mort. (...) D'un côté j'étais content pour lui qu'il soit pas mort, mais d'un autre côté ça m'inquiétait.
Et puis, j'ai vu le type apparaître juste au-dessus de moi. Il s'est penché. J'ai vu sa gueule de tueur. Son regard de serpent. J'ai vu son poing se lever. J'ai vu comme une ombre, comme un aile de corbeau, toute noire, qui a foncé sur moi à toute allure. Et puis, j'ai plus rien vu.