Te dresser une liste des personnages de 8 pages et y ajouter 2 pages d'un arbre généalogique de 27 noms en tout début de roman revient un peu à te filer dix bons gros coups de trique avant de te donner le gros câlin qu'on t'a promis en 4ème de couverture. Qu'on ne se méprenne pas, je n'ai rien contre les coups de trique, ça peut ne pas être désagréable si c'est donné avec générosité, précision et souplesse, mais il est nécessaire que la suite suscite une attention suffisante pour effacer le souvenir de ces modestes blessures de commencement de récit. Si le serpent qui te promettait une pomme bien juteuse te plante ses crocs dans la cuisse, qu'au moins le sauveteur qui va bander ta plaie (puisqu'il paraît que, contrairement à la légende, sucer n'est pas soigner – tout fout l'camp !) que le sauveteur donc, soit agréable à regarder. Bref, je m'égare mais j'espère que tu m'as compris.
Eh bien, ici, ça suscite, ça suscite même pas mal.
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le cheval des Sforza », c'est pénétrer dans la cour du duc de Milan et y croiser des personnages historiques bien réels, dont le génie de Vinci auquel le duc en question a commandé un cheval de bronze pour honorer son défunt père. Bon, jusque-là, on essaie de s'habituer à tous les personnages rencontrés, leurs relations, les lieux, ce n'est pas évident, on pourrait même regretter quelques longueurs, mais le style de Malvaldi, rendu par la traduction française de
Nathalie Bauer, est plutôt plaisant. Comme un peintre jouant de clair-obscur pour mettre en relief un geste, un costume, l'auteur y va régulièrement de son commentaire ironique sur l'action, il se plaît à établir des petits parallèles entre l'époque Renaissance du récit et notre époque contemporaine avec humour. Au départ, c'est aussi déroutant que le clin d'oeil appuyé d'une hôtesse de caisse qui vient de faire biper ton aubergine devant son scanner, mais on finit par s'habituer et par trouver le procédé plaisant.
On suit donc les intrigues de cour jusqu'à la découverte d'un corps dans celle du Château du Duc. de Vinci, connu pour toute l‘attention qu'il accorde au corps humain (notamment quand ce dernier est doté d'un pénis, semble-t-il) est mandaté pour « autopsier » la victime. Il découvre que l'homme assassiné était l'une de ces connaissances et commence alors une enquête qui se suit avec intérêt. On y découvre un Léonard tout en nuance, avec sa part de côté obscur, entouré de personnages hauts-en-couleur qui semblent constituer une distribution digne d'une saga de l'été avec tous les ingrédients indispensables : de l'aristo, de l'artiste, du banquier, du curé, de l'inverti, du cocu… Bref, de quoi nouer et dénouer.
Le tout constitue un roman divertissant qui ne se veut pas forcément fidèle historiquement, mais qui reste une peinture intéressante de l'époque.