Thomas Mann fait partie de ces grands noms de la littérature allemande que j'arrivais plus ou moins volontairement à éviter. Et puis voilà que je découvre ce petit livre rose édité par Stock chez un bouquiniste Tourangeau, avec ses pages jaunissantes, ses tâches de moisissures et cette odeur âcre caractéristique... irrésistible quoi!
C'est toujours moins conséquent que "
La Montagne Magique", ça ne m'engage pas trop loin.
La mort à Venise ça ressemble à un titre d'
Agatha Christie, mais ça n'a rien d'une intrigue policière.
On suit Gustave Aschenbach, un vieil écrivain allemand, qui a l'air de s'ennuyer pas mal dans son appartement à Munich et réalise soudain qu'il lui faut voyager.
Il jette son dévolu sur Venise et ni une ni deux se retrouve embarqué vers la mythique cité flottante, destination l'hôtel Excelsior dans une chambre "meublée en cerisier clair et remplie de fleurs au parfum capiteux" avec vue sur la mer.
Évidemment c'est un esthète, ses sens sont tous azimuts dans un cadre à l'exotisme savamment mesuré, une sorte de délire architectural au milieu des vagues, la civilisation baignée dans l'élément primordial.
Aschenbach contemple tout, son regard se pose, s'attarde, confère un peu de beauté deça, delà, repart au gré du Siricco, puis il finit par s'épuiser sur la plastique d'un jeune éphèbe polonais qui demeure dans le même hôtel.
La contemplation devient plus insistante, et puis vient son paroxysme, entre le désir et la sublimation artistique. Équivoque et progressivement coupable, la relation platonique
a beau être mise en forme de la plus belle façon le poison est déjà là, il est même partout, puisqu'il émane de la ville des remugles funestes annonciateurs de choléra.
Comme l'âme du vieux poète romantique est corrompue par l'érotisme, l'air de Venise dégénère et devient presque insalubre.
L'issue fatale de cette ultime extase est sans doute la seule possible.
Je suis également resté partagé devant ce personnage à mi chemin entre le dégoût et la fascination, un peu comme devant le personnage d'Humbert Humbert de
Nabokov.