Citations sur Or Noir (24)
- Dans notre métier, il faut savoir accepter et gérer un échec.
- Peut-être, Grimbert, mais pas trop souvent. Je suis un chasseur, mon métier, c'est de sauter sur mes proies et de les déchiqueter. Ce plaisir-là, je ne l'ai pas eu, je suis en manque, et je n'arrive pas à me résigner. Comme les chiens courants, si je reviens bredouille deux ou trois fois, je risque de perdre le goût du sang et de la chasse. Vous avez vu vos colègues de l’Évêché ? je ne veux pas finir comme eux.
"Grimbert a vite fait le point. Fos, probablement une fausse piste pour m’envoyer voir ailleurs. Mais Pieri disait, dans la conclusion de l’article : « le pétrole, l’avenir, une autre histoire ». Cela mérite quand même une vérification rapide. Michelozzi prétend ne pas s’intéresser à la Somar, mais il est parfaitement au courant des contrôles fiscaux de l’entreprise. Ça, c’est une vraie information, parce qu’à son poste, aux Impôts, il est une plaque tournante de toutes les magouilles financières à Marseille".
Dix-sept années de carrière criminelle passées sous le silence. Écrire l'Histoire, c'est savoir ménager l'oubli.
— Surtout, il a pris le modèle sur le complexe industriel marseillais en formant des chimistes de très haute qualité, en raffinant l'héroïne ici.Notre héroïne est devenue la meilleure au monde, le symbole de l'excellence française.
— À bien y réfléchir, les liens entre le trafic de drogue et les services secrets sont très anciens et bien documentés, en France comme ailleurs. Le trafic d'opium en provenance de l'Indochine a été organisé dans les années 40 par les services secrets pour financer la guerre d'Indochine, et le point d'arrivée en France, c'était Marseille, déjà.
— Au moins là, on a un règlement de comptes du milieu exécuté dans les règles de l'art, si j'ai bien compris. Pas de minauderies, on y va à l'arme lourde et on mitraille tout ce qu bouge.
— Oui, ils ont soigné la réalisation. Une sorte de chef-d’œuvre de l'artisanat local. Le recors d'Al Capone a établi le jour de la Saint-Valentin ne doit pas être loin d'être battu.
— Au rythme où ils vont, s'ils ne l'ont pas battu aujourd'hui, ils le battront demain.
— Vous sous souvenez de ce que je vous avais dit lundi dernier, une semaine de la non-violence à Marseille, ça se finit dans un bain de sang. La semain de la non-violence se termine demain. Nous y sommes. Vous avez bien fait de ne pas parier.
Daquin finit la deuxième bouteille de champagne, puis se décide à parler.
— Je suis ici depuis trois jours, et j’ai l’impression de vivre au milieu de sables mouvants. Un inspecteur de mon équipe me tient par la main, et m’explique où je peux mettre les pieds et où je ne peux pas, à qui je peux parler, et à qui je ne peux pas, et je ne sais pas encore si je peux lui faire confiance ou non. D’après lui, les Stups de Marseille sont aux mains des Américains. Et d’après toi ?
— Oui, la pression américaine sur le gouvernement français est très forte et, aux Stups de Marseille, ils sont omniprésents.
— Pourquoi ?
— Raisons multiples. Pendant vingt ans, l’héroïne française aux États-Unis a été une "success story". Les Américains pensaient que c’était un excellent sédatif à faire circuler dans les prisons. Quand la jeunesse de la bonne société a commencé à en consommer en quantité, ils ont trouvé cela moins drôle. Et puis les Américains sont foncièrement protectionnistes. Nixon a quelques amis dans la mafia de Floride qui font dans la cocaïne, une drogue produite aux portes des États-Unis. Il a entrepris de leur déblayer le terrain en liquidant l’héroïne française.
Dans cette ville, certains truands font partie du gratin mondain. Les Guérini habitent rue Paradis, la plus bourgeoise des adresses marseillaises. Et ils ne sont pas les seuls.
Thiébaut, ému, contemple la jetée, au large le château d'If, les îles du Frioul, minérales, arides, gris et blanc, enchâssées dans une mer très calme, très bleue, rayée d'une coulée scintillante au soleil.