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sur 83 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un voyage magique au coeur du poumon de la planète, celui-là même que l'âpreté au gain d'humains imbéciles est en train de détruire sans vergogne. Destruction de la nature, et ce serait un moindre mal, si cette inconséquence ne nettoyait avec la même désinvolture les tribus indiennes que l'Amazonie abrite, pour combien de temps encore.

Pour Gabriel, qui est l'un des responsables de l'exploitation de ces terres, l'atterrissage est rude, au propre comme au figuré, puisqu'il est survivant d'un accident d'avion. Recueilli par une tribu, il devra faire ses preuves afin qu'on lui reconnaisse sa vraie nature : homme ou cochon. L'un d'entre le, le chaman aveugle sait.

On vit avec cette tribu, ces us et coutumes qui peuvent paraître incompréhensibles et qui pourtant sont tellement en communion avec la nature qui l'entoure, pourvoyeuse de tout ce dont ils ont besoin, c'est à dire peu de choses : un peu de chasse et de pêche, de la cueillette, et du feu. Gabriel apprend peu à peu le dénuement, lui qui s'enorgueillissait de sa monte à 250000 euros, qui en plus de donner l'heure, le confortait dans son sentiment d'importance.


Cette immersion au coeur de la forêt avec les Yacous est un récit extraordinaire, qui allie le spirituel et l'analyse pointue de dérives stupides de notre société dite civilisée.


J'ai adoré ce voyage et la transformation progressive de Gabriel qui est allé chercher sur les lieux même de ce qu'il, était entrain de détruire, un sens à sa vie.

Superbe.

Merci à l'auteur et aux éditions du Seuil pour leur confiance.
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Qui sont les Yacou ? Inutile de lancer votre moteur de recherche pour vous faire une idée plus précise sur la question. Ils n'existent que dans l'imagination de Pascal Manoukian, qui en fait les principaux protagonistes de son roman : le cercle des Hommes. Mais ils ont très probablement, au fin fond de l'Amazonie, à l'endroit où la boucle d'un fleuve forme un cercle presque parfait, des cousins germains qui leur ressemblent comme deux gouttes d'eau... Et vivre à leurs côtés tout au long du roman a été pour moi un vrai bonheur de lectrice, grâce à la magie langagière de l'auteur, son imagination et son humour.
Imaginez un petit groupe d'hommes et de femmes invisibles à tout regard humain survolant la canopée, où chaque enfant qui naît a un double animal qui partage avec lui les tétées, où chaque jour, la chasse et la pêche qui assurent la suivie du clan, ne se conçoivent pas sans un dialogue préalable avec l'esprit de l'animal qui va être tué. Car chez les Yacou, le mot "homme" se décline de trois façons : "les hommes pieds", "les hommes sans mots" (les animaux), "les hommes enracinés" (les plantes).
On ne peut donc imaginer choc culturel plus total que celui qui va se produire le jour où, dans ce petit Eden, va tomber du ciel, au sens propre du terme, puisqu'il s'agit d'un accident d'avion, Gabriel, fraîchement nommé à la tête d'un des plus importants consortiums miniers d'Amazonie.
La découverte de Gabriel par les Yacou est pour moi un des meilleurs moments du roman, car grâce au comique de décalage dont l'auteur va user très subtilement, notre fameuse supériorité d'homme blanc en prend un sacré coup ! Ces Yacou qui possèdent cinquante-sept mots pour désigner la couleur verte mais pas un seul pour le profit, vont considérer avec beaucoup de circonspection, ce qui vient de leur tomber du ciel.
Il faut dire que Gabriel, notre fringant héros, n'est plus qu'un amas de chairs sanguinolentes qui vont d'abord faire douter de son humanité et ils ne vont pas hésiter à le nommer "la Chose qui pue". Puis il accèdera au rang de "l'homme cochon" après un long séjour en compagnie des cochons sauvages capturés par les femmes du clan, chargées de la chasse. Enfin il deviendra "un demi Yacou", comme il le dit lui-même, le jour où il sera capable de prouver sa virilité en faisant un enfant à une jeune femme du clan, Reflet. L'odyssée de cet affairiste est vraiment jouissive et rocambolesque, car avant de devenir le "Moïse" qui sauvera le clan d'une façon que je me garderai bien de dévoiler, il va passer par tous les stades d'une initiation où vont se mêler le merveilleux et l'horrifique, sous la guidance d'un chaman, tour à tour "Homme-Tigre", "Homme-Jaguar" ou "Homme-Cendre", selon l'apparence qu'il revêt. Ce qui va donner lieu à de merveilleux passages oniriques ou cauchemardesques, où Gabriel va plonger dans le monde aquatique et devenir un dauphin rose pour revenir survoler l'espace et assister, impuissant au spectacle d'une humanité qui pille, détruit la planète et la souille de ses déchets de toutes sortes.
La force de ce roman est pour moi de poser le problème de l'urgence climatique et de la biodiversité d'une autre façon. Je suis entrée de plain-pied dans l'univers des Yacou grâce aux légendes, à tous ces passages qui nous font passer du réalisme le plus cru, à un réalisme magique où les Caterpillar qui quadrillent la forêt amazonienne et la dévastent, deviennent les "boas jaunes" qui "font pleurer les arbres".
Ce roman m'a marquée par sa force de dénonciation mais aussi par sa poésie et sa grande empathie pour ces Yacou "qui rient des fesses" et " applaudissent des cuisses". Je les ai quittés avec regret...
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Seul dans la jungle amazonienne

Avec son nouveau roman Pascal Manoukian nous offre bien plus qu'une fable écologiste. En suivant les pas d'un chef d'entreprise dont l'avion s'écrase au coeur de la forêt amazonienne, il touche à l'essentiel, à la raison de notre présence sur cette terre.

Que ce soit au cinéma, à la télévision ou en littérature, la recette a déjà été souvent utilisée avec succès: la rencontre de deux mondes qui à priori n'ont rien de commun. Si la variante que nous propose ici Pascal Manoukian est également très réussie, c'est que derrière le roman d'aventure se cache une profonde réflexion sur l'écologie au sens large, allant puiser jusqu'aux questions fondamentales, sur le sens même de notre vie sur terre.
Dans la forêt amazonienne vivent encore quelques poignées d'êtres humains totalement isolés de la civilisation. Appelons-les les Yacou. Ils sont à la fois extrêmement forts pour avoir survécu à des conditions extrêmes et très fragiles, car leur territoire est à la merci des «exploiteurs» qui rongent jour après jour la forêt amazonienne pour ses ressources naturelles, son bois, son or ou qui défrichent pour implanter des cultures extensives et rentables à court terme, faisant fi de la biodiversité et des équilibres naturels. Tout l'inverse des Yacou qui, au fil des ans, ont appris à composer avec la nature et à la respecter. le secret de la longévité de la tribu tient du reste dans ce respect de tous les instants pour leur environnement naturel: «ils veillaient perpétuellement sur son inventaire, remettaient chaque feuille déplacée à sa place, dispersaient la cendre des feux et les restes des repas.» Une discrétion aussi rendue possible par les règles de la communauté qui n'autorisent que des groupes de huit personnes au maximum, hommes, femmes et enfants compris. Ils ont eu l'intelligence de s'adapter au milieu plutôt que de vouloir le détruire. S'ils ne se donnent jamais de rendez-vous, ils se retrouvent toujours. Un cri suffit à se signaler. Leur langage est sommaire, mais primordial. Si pour eux l'argent et tout son vocabulaire n'existe pas, ils ont en revanche une quarantaine de mots pour définir la couleur verte, dans toutes ses teintes.
Au-dessus de leurs têtes, Gabriel est aux commandes de son petit avion. À la tête d'une grande entreprise de prospection minière, il vient de célébrer ses fiançailles avec Marie et est en passe de conclure de juteuses affaires. Seulement voilà, un vol d'oiseaux va brusquement le plonger dans le monde des Yacou. Les volatiles se prennent dans les réacteurs, causant la perte de l'appareil. Gabriel échappe à la mort, mais ni aux blessures physiques, ni aux blessures psychiques. Choqué, il ne se souvient de rien lorsqu'il se réveille. le Yacou qui le découvre est intrigué par cet être qui lui ressemble un peu, mais dont les différences physiques sont telles qu'il se méfie et le jette dans un enclos avec les cochons.
C'est au milieu des animaux qu'il va devoir survivre, se nourrir, guérir. Au bout de quelques jours de souffrance, il va pouvoir se mettre debout indiquant qu'il n'est pas comme les animaux qu'il côtoie et intriguant les Yacou qui décident de lui laisser sa chance. «Il ne faisait plus partie du monde des porcs, mais il ne faisait pas non plus complètement partie de celui des hommes».
Alors que la mémoire et les forces lui reviennent, il lui faut constamment s'adapter et, avec chaque jour qui passe, apprendre et se perfectionner, contraint à franchir les rites de passage mis au point par sa tribu, gardant désormais dans un coin de sa tête l'idée de pouvoir un jour fuir et retrouver les siens.
Pascal Manoukian, le baroudeur, a dû se régaler en imaginant les épreuves auxquelles Gabriel est confronté, en intégrant aussi dans son récit la situation du pays qui a élu Bolsonaro avec ce chiffre terrifiant – qui est malheureusement tout à fait juste – depuis son arrivée au pouvoir, de juillet 2018 à juillet 2019, la déforestation de la forêt amazonienne a atteint 278%!
Sans dévoiler l'épilogue de ce formidable roman, disons que les Yacou vont aussi se rendre compte du danger qui les menace. En filigrane, le lecteur comprendra qu'en fait, lui aussi fait partie de ces Yacou, de ce cercle des hommes. Un roman vertigineux et salutaire !


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Il aura suffi de quelques oiseaux pris au piège du moteur de son avion pour que Gabriel vive l'expérience la plus incroyable et la plus enrichissante de sa vie.

Lorsqu'il se retrouve vivant bien que privé de mémoire, au milieu de la forêt amazonienne, Gabriel reste pétrifié.
Que lui est-il arrivé ? Qui sont ces gens qui l'observent avec autant de curiosité que de crainte ? Enchaîné dans la fosse aux cochons Gabriel devra faire preuve de son appartenance à la race humaine.

Pascal Manoukian, nous emmène chez les Yacou vivant au coeur de la forêt, avec des règles de vie bien précises, un vocabulaire restreint, sauf pour parler de l'univers végétal qui les entoure :

"Chez les Yacou, il existait cinquante-sept mots décrivant très précisément chaque nuance de vert, mais aucun pour dire le profit, la science ou le bonheur. Pour une raison simple : le profit n'existait pas, la science tenait déjà tout entière dans la nature et le bonheur, à part une période sombre, dont le vieux Mue gardait, en plus du secret, trois moignons et une méchante cicatrice sur le crâne, se révélait être pour les Indiens et depuis toujours un état permanent, une source intarissable."

La confrontation au mode de vie des chasseurs-cueilleurs oblige Gabriel à s'adapter alors qu'il n'a qu'une obsession, retourner dans son monde.
« Gabriel passait sa vie à courir après tout et n'importe quoi, sans jamais se satisfaire de rien. Les yacou se contentaient, eux, de poursuivre les abeilles en se léchant le bout des doigts avec la même gourmandise depuis cinq mille ans. »

Peu à peu la confiance s'installe, suivra le respect puis la volonté de se comprendre. Gabriel va tenter de pénétrer leur philosophie et leur rapport au monde ce qui lui permettra de se remettre profondément en question.

« le cercle des hommes » est plus qu'un roman d'aventure, c'est un formidable plaidoyer pour l'écologie et la préservation de la forêt amazonienne mise à mal au profit de multinationales peu scrupuleuses.
C'est aussi un livre sur le respect des autres et l'acceptation de la différence.

« le cercle des hommes » est un coup de coeur qui va très rapidement faire l'objet d'une seconde lecture.

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Comment fait Pascal Manoukian pour passer avec autant de virtuosité d'un roman sur les migrants, « Les échoués », que je viens juste de lire, ou sur la misère sociale, « le paradoxe d'Anderson », à ce livre qui nous immerge dans le quotidien d'une tribu indienne ? Voilà encore un roman que l'on ne pourra pas oublier et qui est un gros coup de coeur pour moi !


D'un côté Gabriel, homme d'affaires puissant, riche et reconnu, survole l'Amazonie et est victime d'un accident. de l'autre, une petite tribu indienne qui vit en autarcie. Les huit membres vivent en communion avec la nature qu'ils respectent car elle leur fournit l'essentiel pour vivre : du feu, de la cueillette, de la chasse et de la pêche. Gabriel leur apparait tellement différent qu'ils se demandent s'il est vraiment un homme. Une fois qu'il aura fait cette preuve, notamment en montrant que lui aussi maitrise le langage, la confiance et le respect vont peu à peu s'installer entre eux.


Mais le delta est immense entre leur vie et l'existence de Gabriel. Celui-ci doit s'imprégner de leur philosophie et de leur rapport au monde pour partager leur quotidien, et bien sûr il doit s'interroger sur les valeurs qui l'animaient. Peu à peu il se remet en question. Comment faire autrement quand on vit avec des gens chez lesquels « il existait cinquante-sept mots décrivant très précisément chaque nuance de vert, mais aucun pour dire le profit, la science ou le bonheur. Pour une raison simple : le profit n'existait pas, la science tenait déjà tout entière dans la nature et le bonheur ».


La rencontre de deux mondes qui n'ont rien de commun est une recette déjà utilisée au cinéma dans « La forêt d'émeraude », « L'enfant sauvage » ou « Un indien dans la ville ». Ici Pascal Manoukian insiste sur la poésie et la spiritualité de cette tribu, ce qui fait ressortir le questionnement du héros sur le sens de notre vie sur terre. Ce conte est une belle réflexion sur la nature humaine et l'acceptation de la différence. C'est aussi un magnifique plaidoyer écologique sur la préservation de la nature et les dégâts de la déforestation en Amazonie ! A lire et à offrir autour de soi !
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" le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire " A.Einstein
Pascal Manoukian nous présente un conte sur la vie d'un peuple qui vit en Amazonie : les Yacou, indiens isolés, fragilisés et menacés par la déforestation.
Les Yacou sont rassemblés en un Cercle de 8 : Peïne, le Héron, la Tatouée ( sa femme ), le Rebelle : jeune mâle de 20 ans, Solitude : le veuve aux seins nus et son fils : Sans Nom, Pas d'âge et Reflet : une jeune vierge très convoitée ! Ils respectent la flore et la faune de la forêt au point de partager les tétées avec un animal, et quand ils doivent en tuer un : ils en discutent avec lui ! Ils ont 57 nuances pour définir le vert, ils classent les hommes en 3 types : les Yacou, les " sans mots" : les animaux et les enracinés : les plantes. Ils adorent se chatouiller, rire des fesses, vivent au rythme des lunes dans une autarcie totale.
Un vol d'aras heurte l'avion d'un pilote : Gabriel qui est un brillant dirigeant d'un consortium minier d'Amazonie et qui vole vers sa compagne : Marie ! Il s'écrase au sol, sanguinolant, complétement inconscient et les Yacou vont le ramasser en le prenant dans un premier temps pour une " chose puante ", puis à la vue de ses poils : ils vont décider de le parquer avec les jabalis (sangliers ) et enfin, quand il fait preuve de sa virilité avec la jeune vierge Reflet : il devient un 1/2 Yacou ! Mais, Gabriel aidé de l' Homme " Tigre " ou " Cendre " ou " Jaguar" ( c'est le même ) va peut être devenir leur Sachane, et les sauver de l'arrivée des "Têtes Jaunes " qui détruisent tout avec leurs engins, et aussi libérer les autres indiens qui ont été exploités par les hommes avides de richesse ?
Deux mondes que tout sépare et, que Pascal Manoukian utilise pour dénoncer nos modes de vie, nos excès, la déforestation qui va détruire inexorablement l'Amazonie, l'éradication des indiens par Jair Bolsonaro et la sagesse d'un peuple imaginaire ( imaginé ) qui vit près de la nature, la respecte !
L.C thématique de Juin 2022 : un titre à rallonge.
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"La forêt s'égouttait encore des larmes de la nuit. Parfois, racontait la légende des Yacou, le Soleil pleurait de se savoir enfermé dans le noir. Peïne ne lui en voulait pas, bientôt il réchaufferait la tribu." Ainsi commence le quatrième roman de Pascal Manoukian "Le cercle des hommes" qui nous projette d'emblée au coeur de l'Amazonie, et relève à la fois du roman d'aventure, d'un conte poétique et d'une sorte de fable moderne aux accents philosophiques.

Il s'agit d'une rencontre improbable entre une tribu d'Indiens dont la survie est menacée par les atteintes portées à leur forêt et un homme d'affaires pressé qui tombe du ciel à leurs pieds. Quand il le découvre – il, "le rebelle", un des membres du clan – il voit "une masse noircie, difforme, à l'odeur de brûlé, à moitié enfoui sous les ronces, couverte de poils et de sang séché. Il chercha la tête et la trouva cachée sous une fougère. Rien de reconnaissable." Ce sera à cette "masse" de prouver qu'elle est en réalité un homme.

En lisant cet ouvrage me revenait sans cesse en tête, les premiers vers du magnifique poème de Verlaine "Mon rêve familier"… Les romans de Pascal Manoukian ne sont, en effet jamais, ni tout à fait les mêmes ni tout à fait autres. L'auteur semble poursuivre un objectif, celui de raconter notre monde, ses noirceurs, mais aussi ses espoirs. Après les migrants, DAESCH et la casse des usines qui met à mal les petits, il s'attaque aux méfaits des grands groupes, à la surconsommation, à la destruction de la forêt amazonienne.
La langue est poétique, imagée, parfaitement adaptée aux personnages qu'il choisit de mettre en scène. La construction rend l'histoire vivante qui raconte en parallèle, par chapitres alternés, deux mondes si différents. L'ouvrage narre les difficultés à survivre de ces peuples poussés dans leur retranchement par les machines destructrices. Il foisonne de descriptions de la faune et de la flore, fait part des petits riens de la vie quotidienne et des traditions ancestrales tout en mettant en lumière la gravité de notre monde actuel et notre rapport à la nature. Et surtout, il nous donne à voir l'incroyable prise de conscience d'un homme des villes riche et puissant au contact d'un simple peuple nomade des forêts.

Pascal Manoukian fut grand reporter. Lors de la parution de son précédent roman j'avais dit qu'il était désormais un grand écrivain. Et ce n'est pas "Le Cercle des Hommes", ensorcelant, addictif, qui va modifier mon point de vue.

Lien : https://memo-emoi.fr
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« Nous n'héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l'empruntons à nos enfants ».
*
En préambule, l'auteur cite Albert Einstein « le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal mais par ceux qui les regardent sans rien faire ».

Forêt amazonienne, au coeur du poumon de la planète.
"La forêt s'égouttait encore des larmes de la nuit. Parfois, racontait la légende des Yacou, le Soleil pleurait de se savoir enfermé dans le noir. Peïne ne lui en voulait pas, bientôt il réchaufferait la tribu."

Sous la canopée où tous les tons de verts se déploient en de subtiles nuances, la tribu Yacou mène une vie sereine, ritualisée, ne s'en tenant qu'au minimum, dans le respect de leur environnement et soucieux d'un équilibre harmonieux.

Un style de vie en adéquation avec la préservation vitale de la nature environnante, faune, flore…
Un quotidien rythmé par les saisons, le soleil et la lune.
Respect des anciens – Mythes et légendes – Chamanisme – Esprit de la forêt - Fort symbolisme du Ara, du Jaguar… Nature originelle à l'honneur.
Réceptifs et sensibles à ce que la Terre leur offre, la joie de vivre circule entre eux, et le rire est rituel.
« Une bande de singes laineux, réveillés par les cris, imita aussitôt les Indiens, effrayant une nuée d'oiseaux, et bientôt la forêt ne fut plus qu'un immense éclat de rire ».
« La journée se termina comme elle avait commencé, dans un immense éclat de rire ».
« Tout le clan rit des cuisses ».

Chaque clan ne compte que huit individus. Une organisation structurée, efficace, une stricte égalité entre eux.
Une tribu à part : « puisque la violence venait des hommes, désormais seules les femmes auraient le droit de porter les arcs et les massues. Dès lors, les rôles s'inversèrent, les guerriers devinrent cueilleurs et les cueilleuses se mirent à chasser ».

Un homme d'affaire à bord de son avion va s'égarer parmi cette tribu d'indiens.
Rencontre inimaginable et choc de deux mondes.
Retour aux sources, instinct de survie, curiosité – méfiance - éveillées par l'étrange(r). Parenthèse hors d'âge.
*
Roman d'aventure rempli de messages sur le monde, planète fragilisée du fait de la violence des hommes, par les saccages infligés à la Terre nourricière.
« La femme, encore sous le coup d'une peur immense, lui expliqua qu'au nord le bois s'était remis à pleurer.
- On entend les arbres geindre en longs sanglots (…) même les animaux les plus courageux fuient ».
« Partout le mal rongeait la forêt, repoussant les hommes et les bêtes toujours plus loin ».
*
Récit porteur de sens sur notre rapport à la Nature et à l'Autre. Envolée poétique et philosophique.
Références à la Création, aux différentes croyances. Une prose très évocatrice.
*
Fable écologique remuant les consciences en appelant à la réflexion et à se recentrer sur l'essentiel.
Ode au respect de la vie.
Utopie réaliste ?
« Une vie à la légèreté de mousse battue à la main, sans additif ni colorant, sans rajouts inutiles, un fragile mélange d'Eden et de communisme monté en neige ».
*
Une belle découverte littéraire.
« Pour vivre en paix, pensaient-ils sans connaître Lao-Tseu, il fallait vivre au présent ».
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"Ils savent encore ce que nous avons oublié". Cette phrase qui conclut "La Forêt d'émeraude", le film de John Boorman sorti en 1985, a imprégné ma lecture de "Le Cercle des Hommes", quatrième roman de Pascal Manoukian, instaurant ainsi une sorte de complémentarité somptueuse entre mots, images, sensations et effets. Mais ce qui me paraît absolument époustouflant, c'est, une nouvelle fois, la puissance imageante de l'écriture de Pascal Manoukian. En quelques phrases d'une apparente simplicité, il nous transporte au milieu du clan des Yacou, sous la canopée amazonienne, et nous fait vivre leur quotidien, nous immerge dans leurs pensées, nous fait partager leurs gestes, à tel point que lorsqu'on les quitte, une fois le livre refermé, on a l'impression d'avoir réellement séjourné parmi eux. Cette expérience de lecture immersive est rare et d'autant plus précieuse qu'elle ne se fonde sur aucune forme, aucun procédé strictement académique. L'écriture est toujours juste, à la juste distance entre réel et fiction, entre lecteur et personnages, entre poésie et réalisme. L'empathie naît spontanément de ces choix narratifs qui animent (au sens où ils donnent une âme) le récit et projettent le lecteur au coeur de la fiction tout en le laissant ancré dans le monde réel.
Notre monde réel, la civilisation moderne, s'incarne en Gabriel, nouvellement nommé à la tête d'un des groupes chargés d'exploiter la forêt amazonienne. Un warrior, ce Gabriel. Habitué à être au sommet, sans trop se préoccuper de ce et ceux qu'il écrase pour s'y maintenir. Aux commandes de son avion, il survole la forêt lorsqu'une envolée d'oiseaux provoque l'accident. Lorsque le clan de Peïne le découvre, aucun de ses membres n'est capable de déterminer à quelle espèce appartient cette "chose". Seul le vieux Mue, l'aveugle, a eu dans sa jeunesse des contacts avec ceux qui vivent de l'autre côté du cercle tracé par les deux rivières qui bordent le territoire des Yacou. La chair du vieil homme est toujours déchirée par les cicatrices de ce contact et il garde le secret sur cette rencontre funeste. Cette chose tombée du ciel ne peut être un humain, ni un végétal, c'est donc dans la bauge des cochons sauvages que le clan le garde. Du sommet de l'économie mondiale à la fange des cochons, quelle chute vertigineuse pour Gabriel ! Pour avoir le droit de se redresser, Gabriel va devoir prouver qu'il est un homme. Mais qu'est-ce qui définit un homme ? Le problème c'est que cela ne semble pas signifier la même chose pour lui que pour les Yacou... Il aura beaucoup à réapprendre avant de parvenir aux ultimes chutes.
A l'intérieur de la fiction, les motifs spatiaux se déroulent entre verticalité (arbres, collines, cascades, chute de l'avion) et horizontalité (marche du clan, cours des rivières, rituels quotidiens, temps qui possède une autre nature que celui qui prévaut hors du cercle). A ces éléments répondent les évolutions de la position physique et mentale de Gabriel. Tout se passe comme si en chutant jusqu'à la bauge des cochons, il entamait un processus de redressement de son corps pour aboutir à un homme debout, dans un mouvement inverse à ses certitudes. Sans insister pesamment, l'auteur nous amène à dresser une comparaison entre deux modes de vie aussi éloignés qu'on peut l'être, mais surtout entre deux façons d'être au monde. Nul angélisme pourtant dans la vision de la tribu des Yacou : il y existe des rivalités, des désaccords et les menaces qui pèsent sur leur survie sont de tout ordre.
Dès les premières pages du roman, j'ai pénétré dans le cercle des hommes, dans le territoire des Yacou et j'ai envié leur sublime rapport à la nature. Cette manière de vivre en bonne intelligence avec leur environnement, sans suprématie d'une part ou de l'autre mais dans des interactions de solidarité et d'équité avec leur milieu, rejoint la définition fondamentale de l'écologie. Et bien mieux qu'un long discours didactico-dogmatique, le roman de Pascal Manoukian nous incite à réfléchir et nous invite à agir. Embarquez sans hésiter dans ce roman de belle aventure humaine !
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Rencontre improbable entre un homme d'affaires sans scrupule bien ancré dans son époque et une tribu d'Indiens totalement coupés du monde en pleine forêt amazonienne….

Un thème déjà traité en littérature et au cinéma, certes, mais le roman de Pascal Manoukian fonctionne quand même très bien . En nous plongeant au coeur de l'Amazonie et en nous immergeant totalement dans l'univers des Yacous, il livre une réflexion sur notre rapport à la Nature et notre mode de vie du toujours plus qui, nous le savons, mène à une catastrophe écologique majeure.

Je me suis laissée prendre à cette fable écologique, ce roman d'aventure bien construit, un genre de « Rendez-vous en terre inconnue » où la Nature est sublimée et la tribu d'Indiens habilement mise en scène sans angélisme. Peut-être quelques pages en trop et le fait qu'on se doute un peu du dénouement , mais franchement j'ai pris beaucoup de plaisir à cette lecture dépaysante et très poétique.

« La forêt s'égouttait encore des larmes de la nuit. Parfois, racontait la légende des Yacou, le Soleil pleurait de se savoir enfermé dans le noir. Peïne ne lui en voulait pas, bientôt il réchaufferait la tribu."

Premier livre que je lis de Pascal Manoukian et il me donne envie d'en découvrir d'autres.
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