La Fausse Suivante ou Le Fourbe puni

Encore une jolie pièce courte - 3 actes- de Marivaux! Une perle à laquelle Benoït Jacquot a donné récemment un écrin parfait au cinéma, avec Huppert, Kiberlain, Amalric et Arditi...excusez du peu!

Encore une fois, Marivaux use du travestissement pour mettre ses personnages à l'épreuve, mais cette fois il va nettement plus loin : la jeune demoiselle de paris se déguise ...en chevalier pour faire tomber les masques des autres personnages. Elle entreprend de démasquer Lélio, un futur Valmont, cynique et intéressé, qui se prend d'amitié pour ce hardi chevalier et lui confie la "mission" de séduire la jeune comtesse qui lui est attachée afin de l'en débarrasser et de faire endosser à la comtesse un dédit fort coûteux qui l'a jusqu'ici empêché de rompre..Jusqu'au vertige, la jeune femme déguisée en chevalier éprouve l'ivresse de séduire une fragile et tendre comtesse qui s'éprend follement d'elle...

Il y a beaucoup d'audace dans cette pièce: le féminisme de Marivaux va jusqu'à faire connaître à une femme audacieuse mais droite tous les avantages d'un sexe qui ne cesse d'abuser du sien mais sans adhérer pour autant au cynisme qui lui sert de code...Mais c'est aussi une femme qui démontre à une autre femme sa faiblesse, sa légèreté inconsidérée et son aveuglement...

Le monde des valets intervient aussi dans cette pièce incisive: plus directement cruels, moins embarrassés des formes, les valets découvrent rapidement la vraie nature de ce gracieux chevalier...et leur menaçante présence le pousse à se découvrir.

Une femme travestie en homme dans un monde de brutes et de fourbes...
Joli sujet, dont Marivaux se tire avec sensibilité et brio!

Si vous ne l'avez vu, courez voir le film de Benoît Jacquot : le texte, ciselé, y est respecté à la lettre, et l'interprétation est époustouflante!
Sandrine Kiberlain est magistrale en chevalier!

Une jeune femme riche s'apprête à épouser un homme qu'elle ne connaît pas encore. Afin de sonder la vraie personnalité de ce Lélio, elle se travestit, prenant l'identité d'un Chevalier.
Le titre nous trompe-t-il ou le travestissement de la condition sociale l'emporte-t-il ici sur le travestissement du sexe ? Marivaux en tout cas a un but : dissiper l'illusion qui accompagne les sentiments, faire tomber le masque de l'infâme Lélio, et mettre à nu la vérité. Jeu brillant de la surprise et du badinage, mais aussi jeu cruel où le comique ne va pas sans noirceur.

A lire...

Une pièce secondaire mais délicieuse dans le répertoire de Marivaux : valet plein d'esprit qui préfigure le Figaro de Beaumarchais, chevalier travesti terriblement moderne qui dénonce l'hypocrisie des unions d'intérêt, répliques impertinentes, intrigue alerte qui va bon train, composent un texte amusant et sans difficulté pouvant être étudié dès le collège.

Une des plus grandes pièces de Marivaux. Une des plus cruelles aussi, des plus âpres et des plus graves. Elle semble se moquer de l'amour, le tourner en dérision. Cette pièce résonne un peu comme la perte des illusions de jeunesse et est un faux semblant à elle toute seule.