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3,98

sur 3141 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Livre lu en 2011, donc difficile d'écrire une critique près de neuf ans plus tard. C'était mon tout premier Carole Martinez, qui a été suivi de beaucoup d'autres. Mais il est resté mon préféré. En plus j'ai eu le grand plaisir d'accueillir l'auteure à 3 reprises dans le cadre de rencontres avec des lycéens. Et non seulement elle écrit bien, elle a un vrai style qui n'appartient qu'à elle, mais en plus elle possède un véritable don pour emmener ses lecteurs dans son monde quand elle échange avec eux. Nous avons eu le privilège de découvrir plein d'anecdotes sur la genèse de ses romans, sur sa famille, sa façon de travailler (notamment l'importance des "rêvasseries" dans le processus de création, primordial !). Bref, une personne très agréable, qui ne se la joue pas, et dont je recommande vivement les romans ainsi que les BD de la série "Bouche d'Ombre", magnifiquement illustrés par Maud Begon, jeune illustratrice dont le travail complète à merveille les textes de Carole Martinez.
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Carole Martinez nous fait entrer encore une fois dans son univers, une ambiance indéfinissable qui n'appartient qu'à elle. Pour ma part, j'adhère totalement à son style, son écriture et l'étrangeté de ses histoires.
Ici, on découvre l'univers d'une recluse, c'est à dire une femme qui se fait enfermer à vie dans une cellule d'environ 2 m², au nom de Dieu, au nom de sa foi. Et ce serait la fin de l'histoire, pensez-vous ? Mais non, ce n'est que le début, et l'inattendu et l'incroyable se succèdent dans les pages qui suivent jusqu'à la fin. Mais ne vous y trompez pas, ce n'est pas une histoire pour une histoire, ce n'est pas de l'incroyable pour faire du sensationnel. Non, c'est autre chose, qui nous fait comprendre de quel côté se trouve le pouvoir, même si c'est au prix d'un énorme sacrifice.
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En ce douzième siècle une toute jeune fille élevée avec indulgence par son père veuf doit se résoudre malgré l'amour qu'elle lui porte à s'opposer à lui. Lors de la cérémonie de mariage, elle ose, chose invraisemblable, dire non, et se coupant une oreille, déclarer vouloir se consacrer comme elle l'a toujours dit à Dieu en se faisant emmurer contre la chapelle consacrée à Agnes qu'elle demande à son père de construire.
Bien que furieux et refusant qu'on cite le nom de cette fille qui refuse de se soumettre à sa volonté, le père fait construire la chapelle auprès de laquelle Esclarmonde sera enfermée. Au bout de deux ans la jeune fille s'apprête à rejoindre ce qui sera désormais son univers mais le matin même elle est violée. Lorsqu'il se révèle qu'elle est enceinte, on croit au miracle. D'autant qu'il semble que l'enfant présente des stigmates.
Voilà donc un roman qui sait faire vivre cet univers si lointain entièrement dominé par la foi.
Je l'ai commencé un peu par curiosité et j'ai été conquise.
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Prix Goncourt des Lycéens 2011

ISBN : 9782070450497

Il est rassurant de se dire que des lycéens de cette décennie massacrée sont malgré tout capables, par leur seul instinct de lecteurs et l'émotion qu'ils laissent parler dans leur coeur, d'accorder "leur" Prix Goncourt à un roman que les deux frères n'auraient certes pas renié. Qu'ils en soient ici remerciés. ;o)

Pour moi, je veux voir avant tout dans leur choix un espoir, une lueur timide mais résolue à l'horizon de notre littérature et aussi à l'horizon de l'univers des Lecteurs qui, un jour, prendront la place qui est la nôtre actuellement. Une merveilleuse étoile au zénith de sa beauté ; un joyau en apparence discret dont l'amateur, ravi, découvre l'éclatante beauté au milieu de tout un lot de pierres bouffies de suffisance mais qui ne révèlent, leur prix reçu (car figurez-vous qu'ils en reçoivent aussi, des Prix, ces lamentables cailloux ), que le vide nombrilesque des marchands de verroterie ; un style qui court, bondit, ondule, avec fluidité, puissance et la certitude de son Destin, comme les eaux vertes - l'éternelle couleur des fées - de cette Loue du Jura qu'il évoque si souvent ; toute une époque - la fin du XIIème siècle - qui se recrée sous nos yeux, mot à mot, pierre par pierre, avec le déroutant destin d'Esclarmonde, damoiselle des Murmures, laquelle préféra se couper l'oreille au jour de ses noces avec un homme qu'elle n'aimait pas et se placer ainsi sous la protection de l'Eglise, seule capable de passer outre l'autorité paternelle et familiale pour l'autoriser à se cloîtrer dans une toute petite pièce, accotée aux flancs d'une chapelle encore à bâtir. Elle devait y entrer vierge et y prendre Dieu pour époux. Elle devait aussi, entre ces quatre murs si resserrés (quatorze pas de long en large), y prier pour les malheureux sans nombre qu'abritait son monde - et que continue à abriter le nôtre. Elle ne devait vivre que pour Dieu et en Dieu. Certes, elle acceptait d'entrer vivante dans sa tombe mais en le faisant, et c'est là l'un des nombreux paradoxes de cette époque à la Foi si vive, si étonnante, si poignante, si cruelle aussi, elle acquérait une forme de liberté que jamais, fille, épouse et mère, elle ne fût parvenue à gagner.

A mots posés, dans un récit aussi poétique que le souffle du vent de sud-ouest quand il embrasse au printemps les grands arbres qui revivent et les timides pâquerettes qui étirent leurs premiers pétales, Esclarmonde conte au lecteur son histoire, faite de joies, petites et grandes, mais aussi d'étranges malheurs comme le viol dont elle est victime au matin même où elle doit devenir officiellement recluse, sa Foi qui la protège de la Révélation jusqu'au moment où elle ne peut plus se dissimuler que, en entrant en clôture, elle a emmené avec elle une vie encore bien minuscule mais qui ne l'avait pas demandé, puis son immense amour envers cet enfant qu'elle a cependant la meilleure raison de maudire, la confiance que son coeur noble place tout d'abord en la miséricorde du père de l'enfant, la folie meurtrière de celui-ci, et puis toute cette fantastique histoire que les gens du coin comme les pèlerins qui viennent la voir, tous si simples, et qui aiment tant "leur" Recluse parce qu'elle ne les juge jamais et les renvoie toujours avec de bons conseils et des paroles de consolation, façonnent autour de ce poupon aux paumes désormais percées.

Esclarmonde nous conte aussi bien d'autres choses. Elle nous parle en femme, mais avant tout en être humain et aussi en âme qui veille sur le domaine des Murmures et ceux qui y passent, un domaine que les siècles n'ont pas épargné. Elle nous parle tandis que Bérangère, la servante au grand coeur et toujours vêtue de vert - la couleur des fées, répétons-le encore - est devenue pour sa part la gardienne de cette Loue où, jadis, elle trouva la mort avec son amant, le brave et courageux Martin, et que Gauvin, le merveilleux, l'extraordinaire destrier à la robe plus pure que neige, revenu depuis bien longtemps de la Croisade contre Saladdin, galope, le jour, la nuit, peu importe, faisant frémir un paysage où il est libre à jamais, et s'en va brouter dans le cimetière oublié des herbes qu'il est seul à apercevoir.

Pas une seule fois, Esclarmonde ne juge ce qu'il nous reste de foi et de croyances. Elle a elle-même vécu le Doute et elle sait désormais, et depuis près de neuf siècles, que, si la Foi demeure, Dieu, s'Il revêt diverses formes et nous conduit parfois sur des chemins bien périlleux, où nous n'entendons plus Sa voix, sait toujours ce qu'Il fait - et aussi combien de temps nous sommes capables de supporter Son désespérant, Son écrasant, Son bienveillant silence. Esclarmonde nous sourit, comme elle sourit à Dieu même si Celui-ci lui a demandé, plutôt que de rejoindre les âmes de celles et ceux qui furent les siens, de rester dans cet "entre-mondes", à conter et reconter l'histoire de sa vie afin que le flambeau se transmette, ce flambeau qui appartient aussi bien à notre Dieu judéo-chrétien qu'aux esprits de la Terre et des Eaux, ce flambeau qui englobe le cosmos tout entier et au-delà - ce flambeau qui, insoucieux de nos manières de prier et de nos disputes byzantines et trop souvent sanglantes autour de telle ou telle religion, se nomme tout simplement Foi, et rien d'autre.

Dans cette superbe histoire, à la fois réaliste et mystique, c'est le meilleur d'elle-même qu'a su placer Carole Martinez, accomplissant le miracle d'éveiller du même coup ce qui dort de meilleur en ses lecteurs. Nul prêchi-prêcha, nulle jérémiade inutile, nul radotage sur les "épreuves" qu'est censé nous imposer Dieu parce qu'Il nous aime : rien que la Foi, une Foi inébranlable en l'Âme et en ce qui, quel qu'il soit, se trouve à son origine. "Tout a un sens," nous assure Esclarmonde avant de nous adresser un gracieux petit au revoir de la main et de retourner à ses Murmures.

Tout a un sens et, au plus sombre de la peur, n'ayez pas peur. Vous êtes bien plus forts que vous ne pouvez l'imaginer. Pour moi, tel restera à jamais le sens de "Du Domaine des Murmures."

Et maintenant, si vous le voulez bien, faisons silence et ouvrez ce livre. Si vous ne l'avez encore jamais lu, sachez que le Grand Dieu Thôt, au fin profil d'ibis avisé, s'apprête à répandre aujourd'hui sur vous Sa fabuleuse et antique bénédiction. ;o)
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Quel talent !
Avant d'entamer mes lectures de C. Martinez, j'étais sceptique. Il va sans dire que je suis sous le charme de ce conte terriblement captivant.
J'ai abordé ce roman avec détachement. Grossière erreur. Cet univers m'a littéralement engloutie dans les méandres de la fable.
L'imagination déborde au fil des pages, les ressentis se succèdent, les descriptions de la cruauté de l'époque transcendent l'entendement.
Seule une fée peut écrire de la sorte… La magie a opéré.
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De nombreuses critiques ont déjà été écrites sur ce titre, et je pense que beaucoup de jolies choses ont déjà été dites. Je tenais tout de même à dire que cette lecture a été un vrai moment d'allégresse. L'auteure n'a pas son pareil pour décrire les choses, les lieux, les comportements.

Son personnage principal, Esclarmonde, est une jeune femme qui, a défaut de se marier contre son gré, décida se vivre recluse dans un recoin adossé à l'église du domaine des Murmures. C'est de son repère, petite pièce sans confort, qu'est racontée cette histoire si peu commune. Comme elle, nous percevons les éléments extérieurs à travers sa cellule. On rencontre alors des pèlerins venus de loin pour se confier à elle, on voyage jusqu'au moyen orient, accompagnant les croisés dans leur quête, on vit les heures sombres de ce combat, tout comme le quotidien de sa vie de recluse.

Tout le talent de Carole Martinez est de créer de toute pièce cette histoire, en apportant des détails tirés de sources historiques sur la vie de ces femmes qui décidaient de vivre emmurées, de lier leur vie à dieu.
A tout cela, Carole Martinez insère dans son histoire des éléments fantastiques et mystiques...

La plume de l'auteure est poétique, les mots sont choisis avec une telle précision que l'on se délecte de cette histoire, on appréhende la fin car l'on sait alors que l'on quittera le domaine des Murmures et son ambiance emprunt de mysticisme, de violence parfois et surtout de poésie.
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Il s'agit là d'un véritable petit bijou.
Nous sommes au Moyen Âge. Esclarmonde est une très jeune fille, promise à un homme rustre qui s'amuse à violer les maraudes dans les bois et ne s'intéresse à rien d'autre qu'à la guerre. Son père aimant se console de devoir quitter sa fille car le garçon est un bon parti dans le pays. Oui mais Esclarmonde en décide tout autrement et fait face à l'impossible en réalisant l'impensable : elle dit non face au prêtre le jour de ses noces et déclare vouloir se consacrer tout à Dieu, demande à son père de lui construire une chapelle et sa tombe, mitoyenne.
L'histoire ne semble rien avoir de palpitant. Oui mais voilà, la conteuse est une magicienne et ses paroles sont du nectar que l'on boit avec une vive délectation. Ce livre n'est pas pour autant de ceux qui se dévorent, non ils se savourent. L'écriture est si belle que l'on a envie de lire à haute voix, pour savourer au mieux les mots qui s'enchaînent, leurs sons qui se répondent, s'entremêlent, transformant le tout en extase digne de cette recluse, qui a décidé de mourir si jeune de sa vie matérielle pour ne plus vivre que sa vie spirituelle, transcendée par sa communion avec Dieu. Dès les premières lignes, dès les premiers mots, on comprend le succès de ce roman, on approuve son prix Goncourt des lycéens, on sait que l'on va connaître un pur bonheur, celui des mots bien choisis, pas seulement pour leur sens mais aussi pour leur harmonie au sein des phrases, des pages, du livre.
Et cette écriture élève également cette histoire qui pourrait tourner à l'ennui, et qui, bien au contraire, nous narre la vie exceptionnelle de cette sainte qui, bien qu'enfermée, vit de grands bouleversements.
Bravo à Carole Martinez, qui nous rend jaloux de n'avoir pas écrit ce très beau roman.
Incontournable !
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Quel succès ce second roman. Carole Martinez a su préserver son style solaire avec une énorme présence de la nature et l'impact qu'elle réussit à en donner au lecteur qui m'avait tellement impressionné à la lecture de « Coeurs cousus ». L'univers aussi qui mêle réalité et fantastique est là. Et pourtant…. Rien à voir avec son précédent roman même si en y réfléchissant on trouve tant de points communs.
J'ai été envoutée par cette histoire merveilleuse et ce que Carole Martinez en a fait. L'héroïne m'a vraiment bouleversée par la conscience progressive des conséquences de son acte d'enfermement.
A priori le thème choisi (ces femmes que l'on emmurait vivante, pour les laisser seule avec Dieu) ne me tentait pas mais maintenant ne me reste que le regret que cette lecture soit derrière moi et non à venir.
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« Et moi, j'étais entrée dans ma cellule comme en un navire, j'y avais essuyé des tempêtes, abordé des terres inconnues, j'y avais tout perdu et tellement espéré. Comment pouvait-on tant apprendre, tant changer, tant souffrir, tant vieillir, en si petit espace ? ». Cette voix c'est celle d'Esclarmonde, jeune fille de dix-sept ans, qui, d'un geste fracassant et dramatique, refuse de prendre l'époux choisi par son père lors de la cérémonie du mariage, et prend la décision de se consacrer à Dieu en s'emmurant vivante dans une étroite chambre dont l'ouverture au monde ne consiste qu'en une petite fenêtre à barreaux. Elle nous parle de son temps (le XIIe siècle), de la folie religieuse, des croisades et de la survivance humaine dans un univers peuplé de croyances et des superstitions abêtissantes. C'est un tour de force qu'a réalisé Carole Martinez de faire parvenir à nos oreilles, je devrais dire à nos yeux, cette voix provenant directement du Moyen Âge. Tout y est joliment tourné et d'une éclatante beauté page après page.
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Comment une jeune fille de 15 ans, pour échapper au mariage, peut-elle décider de se faire emmurer vivante ?

Nous sommes en 1187. Esclarmonde des Murmures doit épouser Lothaire de Montfaucon, mais elle refuse, le jour même de la cérémonie, et décide de se donner au Christ…C'est un véritable coup de tonnerre dans la vallée de la Loue et dans le château de son père qui la surplombe.
Dans ce roman très bien écrit, Carole Martinez qui en est à son second livre, après "Le Coeur cousu", nous fait partager émotions et évènements de la vie complètement bouleversée de son héroïne. Deux années sont nécessaires pour édifier la petite chapelle et le lieu où elle sera enfermée, au coeur du Jura.
Bien qu'il ait cédé à la volonté inébranlable de sa fille, son père, « un petit seigneur mais un grand chevalier », adorait sa fille. Ce veuf dont l'épouse avait succombé à son huitième accouchement se retrouvait à nouveau seul : « Désormais, il haïssait sa fille autant qu'il haïssait Dieu ».
Lorsque le dernier jour de liberté arrive, Esclarmonde veut en jouir pleinement mais elle va être violée par ce qu'elle appelle « le diable ». Cet évènement conditionnera la suite puisque, dans ce qui est destiné à devenir sa tombe, elle enfantera. Les drames se succèdent au fil des rivalités et des coups de folie. La religion est bien présente aussi puisque l'on prétend qu'Esclarmonde accomplit des miracles. Elle décide même son père à partir pour une croisade. Cela permet à l'auteure de sortir non seulement du huis clos où la vie d'Esclarmonde se déroule mais aussi d'échapper un moment à son environnement.
« le destin déployait ses filets…On ne me reprochait pas mon ambition, on ne bâillonnait pas une hérétique, une possédée, un faux prophète, on bâillonnait une mère. » Ce cri, cet appel au secours d'Esclarmonde annonce le drame final.

Du Domaine des Murmures est un véritable régal, un bijou de sensibilité et d'amour.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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