Juste Don't Mention It (D.I.M.I.L.Y)

La revoilà qui s’énerve. J’aime sa voix quand elle n’est pas fâchée ou incrédule. J’aime sa voix quand elle parle... tout simplement. Seulement, ça ne nous arrive pas souvent de parler.

Elle veut me protéger et je ressens la même chose pour elle. Je n’aime pas l’entendre s’excuser pour ce qu’a fait papa ; ce n’était pas sa faute. Je voudrais qu’elle ne se sente pas coupable comme ça. Elle croit qu’elle est une mauvaise mère parce qu’elle n’a pas vu que je souffrais, alors que je faisais tout ce que je pouvais pour qu’elle ne le remarque rien.

Je ne la quitte pas des yeux tant qu’elle n’a pas disparu. Cloué sur place, je souris bêtement. Quelque chose cloche, mais je ne sais pas quoi. Je cherche plusieurs minutes jusqu’à ce que je trouve mon reflet dans le miroir. Et ça me frappe.
Mon sourire n’est pas comme d’habitude. Ce n’est pas un sourire narquois, de défi. Je n’ai pas les yeux plissés. Soudain, je comprends : ces quelques dernières minutes, je ne jouais pas de rôle. Pour la première fois depuis longtemps, j’ai oublié d’être Tyler Bruce.
Il n’y avait que moi, et c’est la pire erreur que je pouvais commettre.

Je n’aime pas qu’on s’intéresse de trop près à ma vie. Je ne veux pas qu’on voie ses fêlures.

Je me dis souvent que ça ne s’arrangera jamais. Je n’irais jamais bien, et ma vie restera un champs de ruines pour toujours

Je me sens si loin d’eux... Parfois, j’ai l’impression de n’être pas vraiment là. Tout est flou et vide autour de moi. Je me suis tellement habitué à faire disparaître le monde qui m’entoure que je ne sais plus comment le faire réapparaître. Je me sens perdu, à mi-chemin entre ici et ailleurs. Je ne sais pas exactement où je suis. Je suis juste... quelque part.

Aïe. J𠆚urais dû me douter que c’était qu‘une erreur. Une fille comme Eden ne serait jamais intéressée par un type comme moi, et pas seulement parce que nos parents sont ensemble.
Ses excuses font mal.
- j𠆚imerais pouvoir en dire autant, dis-je les mains dans les poches.

Soudain, Eden saisit mon visage et se presse contre moi. Ses lèvres s’écrasent sur les miennes si vite que la surprise me paralyse. Sa chaleur et toute son énergie irradient entre nous. Je ferme les yeux pour me concentrer sur ce que j’éprouve au contact de sa bouche. Le feu qui me consume la poitrine disparaît, remplacé par un sentiment incompréhensible. Le soulagement ? Non, impossible.

- Parce que tu n'as aucune idée de ce que tu fais, ni où tu vas.

Je m'écarte d'elle à contrecœur. J'enlève mes mains de son corps, je recule. Nous échangeons le même regard, essoufflés, dans un silence pesant. C'est un regard de désespoir, un regard coupable.