Lorsqu'ils montèrent l'escalier, un vent glacé passa sur leurs têtes et fit vaciller les flammes des bougies. Celle d'Edith s'éteignit.
- Qu'est-ce que c'était ? murmura t-elle.
- Un courant d'air, répondit immédiatement Barrett qui inclina sa bougie pour rallumer celle d'Edith. Nous en parlerons plus tard.
Edith ravala péniblement sa salive et jeta un coup d'oeil à Florence. Barrett la prit par le bras et ils continuèrent à monter.
- Ce genre de choses se produira souvent pendant la semaine, dit-il. Tu t'y habitueras.
Edith se tut. Pendant que les Barrett montèrent l'escalier, Florence et Fisher échangèrent un regard.
Elle n'était pas hantée de manière diffuse. La Maison des Damnés avait une méthode.
- Il est étrange de penser qu'il croit réellement que seule la science puisse venir à bout des maléfices de cette maison.
Il hésita, sentant la présence rôder autour de lui. Il voulait l’affronter, mais la peur le faisait reculer.
Pendant qu’il continuait à parler dans le micro, décrivant le phénomène et notant les variations enregistrées par les appareils, Édith contemplait la masse nuageuse qui se formait devant le visage de Florence. Maintenant cela ressemblait à un mouchoir sale et déchiré dont la partie inférieure pendait en lambeaux. Puis la frange supérieure s’éleva et se déploya en un mouvement ondulant, masquant d’abord le nez de Florence, pour gagner ensuite les yeux et enfin le front. Le visage du médium fut entièrement recouvert par une sorte de voile déchiqueté au travers duquel on apercevait ses traits pâles.
Malgré tout cela, il avait réussi à préserver et à entretenir son don. Il l’avait toujours ce don, peut-être moins spectaculaire qu’à quinze ans, mais absolument intact, nourri maintenant par la prudence d’un homme avisé, et non par l’arrogance suicidaire d’un adolescent. Il était prêt à lâcher la bride de ses facultés psychiques endormies, à les exercer et à les fortifier pour les utiliser encore une fois. Contre ce trou de pestiférés, là-bas, dans le Maine.
Contre la Maison des Damnés.
Il n’y a jamais eu rien de semblable dans l’histoire des maisons hantées : un seul esprit, mais d’une force si terrifiante qu’il peut créer ce qui paraît être un réseau complexe d’apparitions différentes. Une seule personnalité prenant le masque de douzaines d’autres, tirant à boulets rouges sur le corps et l’esprit de ceux qui pénètrent dans sa maison, utilisant sa puissance comme un soliste jouant sur un gigantesque clavier infernal.
La maison était calme, mais quelque part se cachait quelque chose qui était toujours vivant, quelque chose qui possédait une assez grande force pour tuer.
« Je vous préviens. Quittez cette maison avant que je vous tue tous. »
Qu’était devenue la force venimeuse ?