Livre reçu dans le cadre de l'opération Masse Critique.
Sur la couverture, c'est un homme aux yeux bleus perçants qui nous regarde. Sa barbe rousse, fournie, ressort de son manteau. Il est coiffé d'un chapeau, blanc comme les immensités de Patagonie durant l'hiver. Jette-t-il un défi à l'oubli dont l'Histoire l'a vêtu ? Nous invite-t-il à découvrir ce que fut sa vie ?
Cet homme, c'est Julio
Popper. Né en Roumanie, il s'est formé en Europe avant de découvrir le monde par de longs voyages durant lesquels il a exercé ses talents d'ingénieur, de géographe, de géologue, de polyglotte. Quand il a connaissance que de l'or est découvert en Patagonie, il met le cap sur l'Argentine et s'arrange pour obtenir, du gouvernement, des concessions desquelles il espère tirer sa fortune.
Entouré d'amis puissants, Julio
Popper suscite l'admiration mais aussi les convoitises. Vrai meneur d'homme, intellectuel autant que débrouillard, diplomate autant que guerrier, il est un homme à la puissance d'action rare, enthousiasmante ou effrayante.
L'or jaillit bientôt de ces terres boueuses où, en bon ingénieur, il a créé des machines pour mieux révéler les richesses du sol. Les faits le montrent en homme d'affaires avisé, capable de rassembler les capitaux pour mettre en oeuvre ses projets. Mais il y a aussi sa légende : les photos d'Indiens Onas tués lors d'affrontements sporadiques dont il se sert pour obtenir davantage de crédits du gouvernement ; ses émissions de timbre et de monnaie qui font dire, dans certains milieux de Buenos Aires, que
Popper veut créer son propre Etat ; son projet fou de prendre possession des terres antarctiques pour la nation argentine. Il y a sa mort, enfin, entourée de mystères.
Le livre se termine par une postface qui, disons-le, n'apporte pas beaucoup de plus-value, offrant un résumé de la vie de
Popper. Il demeure un regret à propos de ce livre : comme le dit Matz dans ladite postface, la vie de
Popper fut si riche que la résumer en une centaine de pages est impossible. En ce cas, pourquoi n'avoir pas plus développé l'histoire ? Il est dommageable de laisser des reliefs entiers de cette vie romanesque dans les limbes de l'oubli. La limite est plus forte qu'il n'y paraît, et nuit réellement aux attentions très louables des auteurs.
Un mot, enfin, doit être dit sur le dessin. Chemineau a savamment restauré l'atmosphère de ces républiques sud-américaines de la fin du XIXème siècle, tant au niveau des costumes et des uniformes des hommes, que du graphisme des villes et des paysages. Les traits prononcés affirment les personnages dans ces immensités froides, définies par des couleurs diluées et agréables où l'on voit encore le pinceau du dessinateur. Comme les traces d'un passé qui, en un instant, resurgit.