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Citations sur Chutes de pluie fine (14)

La vie est creuse et compliquée. Elle manque de chambres et de jardins.
Poussière et tiédeur remuées, où courons-nous si vite ?
Il semble que mourir ne nous importe guère ...

Prendre SON temps : belle expression.
Prendre le temps qui est le sien, entre la naissance et la disparition.

Prendre son temps à soi pour le convertir en amour ?

Aimer, c’est donner de SON temps.

Seul jugement dernier :
A qui et à quoi as-tu donné ton temps ?
Comment as-tu dépensé le crédit de tes jours ?


(p146)

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Parfois, on se regarde, on se sourit, on s'aime un peu, très vite, avec les yeux.

(p38)
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Un quart d’heure d’éternité, assis sur une tortue de pierre, au milieu de la rivière Kamo qui n’est après tout qu’une pellicule de silence, de calme et de reflets glissants sur les cailloux …
Je voudrais à mon tour construire un pavillon pour observer la lune,
ou allumer de grands feux au sommet des montagnes pour chauffer les nuages.
Peindre ou coudre des signes rouges sur des étoffes blanches pour me protéger de mourir …

Moi : ce point instable et vibratoire sur lequel toute altérité vient jouer sa musique.
« Homme égaré qui ne sait où il va
marche dans ce monde en aveugle en tâtant son chemin çà et là
du bout de son bâton. »

Etre en vérité cet aveugle qui s’efforce sans cesse d’écarquiller les yeux.
Tendre la main, tendre l’oreille, écouter le bruit d’autres langues.
Vérifier que des mondes existent auxquels je n’aurai pas accès.
Partager avec mes semblables des fragments d’ignorance.

Nos questions nous rapprochent mieux que nos savoirs.
C’est dans l’incompréhension que nous nous retrouvons, au défaut des langues,
là où les mots viennent à manquer et où se perdent nos appuis.

Nous offrons à autrui ce par quoi nous sommes seuls,
séparés jusque dans l’amour
et silencieux sous les replis de notre voix.


Japon – Kyoto - p35/36
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Brésil

Dans la nuit de cinq heures du matin, sous les ailes du 747, Rio a des allures de star : poussière de strass et de paillettes, piquetées dans les oies violettes et les satins noirs des pains de sucre.
Le Brésil brasille sous de très légers draps de brume.
Illusion programmée du voyageur : vue d’avion, la misère des favelas fait collection de diamants.
Elle étincelle : Rio joue du stéréotype.

Au sol, c’est l’hiver.
Privée de ses sunlights, la star sud-américaine sombre dans une mélancolie sans fond.
La ville n’est plus qu’un asphyxiant nuage de gaz d’échappement.
Les passants portent des vêtements pauvres.
Leur visage brun vire au gris.

Je visite d’un œil triste la capitale des plaisirs et de la folie
J’y cherche en vain la silhouette de la fille d’Ipanema, et
croise plus de vies brisées que de danseurs de samba.

***

Du Brésil, je retiens la douleur :
les gamins couchés dans les rues,
les kyrielles de prostituées et de travestis au pied de l’hôtel,
le couteau de cuisine de l’adolescent qui m’a fait les poches sur la plage
en réclamant « money, money »,
les favelas inaccessibles et omniprésentes,
et
la dissimulation imparfaite du malheur
sous le florissant mensonge des tropiques.


p99 et p104
(Ipanema est un quartier riche, chic et branché de la zone Sud de la ville de Rio.
C'est le berceau de la bossa nova.)
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Beyrouth est discordante, comme un orchestre symphonique avant le concert, lorsque chaque musicien accorde son instrument pour lui seul. Pourtant, cela fait une musique.
Même discordance pour l'œil : ruines, façades trouées, mitraille et vérole de la guerre, peau grêlée des façades, et tous ces yeux trop grands et noirs par où plus personne ne regarde, ni visages d'enfants, ni rideaux, ni lumières bleues allumées le soir, des orbites ouvertes au mortier parmi les clochers et les minarets. L'horizon, au loin, se soulève, ou plutôt ferme sa paupière lourdement maquillée de brume et de bleu, afin que nul ne sache combien il a pleuré. A l'idée de qui viendrait il que la mer puisse compter ses larmes ? Ou qu'elle soit remplie de toutes celles que les dieux ont versées naguère, pressentant le malheur des hommes et leur stupidité.
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Ouvrir un livre près de la mer.
Restriction de la page devant l’immensité….
Ce sont pourtant là deux largeurs, deux largesses,
non de la même étoffe, mais aux lointains presque identiques.
L’un de lignes de légers signes monotones,
l’autre de vagues et de vagues encore, sur la grande page bleue horizontale.

J’aime le silence que fait la langue devant la mer bavarde --- et les oiseaux qui vont et viennent, écrivant sans y prendre garde sur la table de sable dur les hiéroglyphes compliqués de leurs pas.
J’aime que tant de phrases décousues soient écrites alentours par l’algue, la vague, le bois flotté, les flaques, les ruisselets, les pas, les vers de sable, les coquilles et les plumes,
Là où je mène mon livre.

Tâche du poète : fixer les points de clarté.
Quelque chose ici bas qui se souvienne des astres.
La chute fine, noir sur blanc, d’une constellation de mots,
éclairant d’un peu d’encre la nuit humaine.


(p93/94)
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Saigon : p55

Touristes, par définition ceux qui ne portent à leurs hôtes aucune espèce d’attention …
Touristes, ceux qui traversent la terre étrangère sans autre souci que celui de leurs cartes postales et leurs photographies, n’ayant là aucun compte à rendre, aucune fonction, aucun devoir, définitivement oisifs et délurés.

Les filles qu’ils convoitent ont le corps transparent. Elles ne montrent souvent qu’un sourire rehaussé d’un trait de rouge épais. Elles osent des jeux, font des mines, ont des impudeurs …
Ils entrainent ces filles menues dans leur chambre d’hôtel.
Puis ils promènent à travers les rues leurs tempes grises au coté de silhouettes qui pourraient être celle de leur fille.
Souvent, on les voit dans les halls ou au restaurant, face à face et muets, n’ayant aucune langue à partager, ou tout simplement rien à se dire, une fois achevée la transaction des caresses à bas prix.

Que reste t-il de ces amours ? Quelques traces de rouge à lèvres sur le col de la chemise ?

Entre la pute et l’amoureuse, rien.
Pas de place pour les complications.

Saigon est un bordel à l’eau de rose.
Sur les ondes, beaucoup de sirop.
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Touristes, par définition ceux qui ne portent à leurs hôtes aucune espèce d’attention. Ceux qui tirent parti de la méconnaissance des autres ("on" ne se comprend pas) pour s’afficher en débraillé, comme jouissant "là-bas" d’une impunité parfaite – la même que chez eux en pantoufles devant la télévision.
Touristes, ceux qui traversent la terre étrangère sans autre souci que celui de leurs cartes postales et leurs photographies, n’ayant là aucun compte à rendre, aucune fonction, aucun devoir, définitivement oisifs et délurés.
Touristes : ceux qui applaudissent les éléphants enchaînés jouant de l’harmonica. Ceux qui n’ont rien à craindre.
Équivalent contemporain de ce que l’on entendait par « bourgeois » au XIXème siècle : la créature conforme, matérialiste, locataire d’un temps vide gagné grâce aux machines.

Les filles qu’ils convoitent ont le corps transparent. Elles ne montrent souvent qu’un sourire rehaussé d’un trait de rouge épais. Elles osent des yeux, font des mines, ont des impudeurs…
Ils entraînent ces filles menues dans leur chambre d’hôtel. Puis ils promènent à travers les rues leurs tempes grises au côté de silhouettes qui pourraient être celle de leur fille. Souvent, on les voit dans les halls ou au restaurant, face à face et muets, n’ayant aucune langue à partager, ou tout simplement rien à se dire, une fois achevée la transaction à bas prix.

Saïgon, p. 54

("on" et "là-bas" sont en italiques dans le texte)
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Tout à coup se précise à mon esprit la condition du spermatozoïde heureux :
celui à qui l’errance serait épargnée car il se trouverait précisément déposé là où il doit aller, tout au fond du corps aimé où seul accède le profond amour.

(p111)
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Théories, cohortes de dieux. Arrosés d’or sur un socle de pierreries.
Dorures, dorures partout. Pas un pouce de vide sur les murs où poser la tête et prier.
La même saturation dans les ruelles, sur les marchés. Pas un gramme de silence. Un millimètre de fraîcheur. Des marchandises toujours, en pile, en vrac, en tas.
[…]
Le baht et le Bouddha règlent tout. Au géant d’or couché du Wat Po, on porte de la nourriture dans des seaux en plastique jaune.
Aux rois, aux dieux, au temps, aux riches, on se soumet. Et l’on s’incline très respectueusement pour saluer en joignant les mains.

Le roi nouveau-né, son coffre à jouets, son hochet, ses rubans. Le roi à un an, le roi à trois ans, le roi en short, en tutu, en frac. Les défenses de son éléphant, son éventail, ses chaussons, son miroir, sa brosse à dents, sa femme, ses épaulettes et ses médailles, son fer à moustaches, son chula et ses longues cornes. Le roi avec ou sans écharpe, manteau, couronne, chaussettes, sourire, à cheval ou à pied, avec ou sans lunettes, ombrelle, etc.

Escale à Bangkok, p. 56
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