*******
Hirondelle Amour : rouge sur un ciel bleu, des formes, des lignes, des objets, de vagues personnages flottent dans un espace indéfini. L'univers du peintre surréaliste Joan Miro surprend, étonne, séduit : mouvement immobile, battement d'ailes, poésie colorée.
Jean-Michel Maulpoix nous parle de ses parents : « Que pourrais-je opposer d'autre à la détresse de l'amour ? ». Il s'est inspiré de la toile du célèbre artiste catalan : « L'hirondelle amour revient avec le printemps ; quelques grammes d'encre au coeur. »
Son père et sa mère ont franchi le seuil : « Il reste des miettes et le son de leurs voix sur la nappe en coton rouge de la salle à manger, longtemps après que les assiettes en ont été débarrassées. »
Comment oublier ? Les souvenirs reviennent par vagues chez l'auteur : « Tends l'oreille vers ces planchers qui craquent au fond de ton enfance. »
Les parents ne sont pas encore mariés par ce jour de grand soleil lorsqu'ils prennent la pose face à l'objectif qui les réunit en noir et blanc sur la photo : « Et voilà que je suis à présent, né de leur bel amour… Quand par la rose de l'appareil photographique, s'échappe le cri d'une hirondelle rouge ! »
« Dans la glace, parfois, le visage de mon père. »
Ce père peignait le dimanche sous les yeux de son fils. le poète a gardé dans ses écrits le goût du chevalet : « Surtout ne pas remplir, ne pas saturer ; évider et tendre la phrase, y chercher des amorces et des points d'équilibre, des lignes d'envol dans le vide porteur. »
« Elle a rejoint mon père. Les voici de nouveau côte à côte. Confondus dans un même silence. Ils reposent à présent du sommeil de la terre. »
La description de la maison de retraite est magnifique et terrible. Seul un grand poète peut nous restituer de façon aussi réaliste ces lieux de fin de vie qui se ressemblent tous, où la vie s'est arrêtée en entrant, quand la cervelle ne répond plus, que les mots n'arrivent plus.
« À leur arrivée, on offre aux nouvelles pensionnaires un bouquet de fleurs en plastique. Ce sont des fleurs de cimetière. » ; « Vie de cendre où grésille à peine le vieux coeur qui rougeoie. » ; « Au bord de la falaise, elle n'attend plus rien, sinon que l'on vienne la chercher. » ; « Ici, je ne peux rien dire, rien faire, sinon tenir la main de ma mère : aucune musique consolatrice, aucun chant, pas même un mot de compassion. Inapte au poème comme à redire l'amour. »
Ils sont partis et le poète souffre : « le monde, quand je le touche des yeux, ne rend plus le même son ; à présent, rideaux déchirés, la fenêtre s'ouvre à tout instant sur le silence du vide. »
La colère l'envahit : « Colère de la créature contre sa finitude et son absurdité, colère de fils abandonné, colère d'âme aussi ancienne que les pleurs d'enfant dans la nuit. » ; « Dans le silence ou dans le bruit, je regarde glisser les jours, puisqu'il n'y a désormais plus de poèmes capables de les sauver de l'oubli. »
Le poète tente de résoudre le grand mystère de la vie. Sa propre mort l'interroge : « Tu attends, toi aussi, derrière la porte, l'oreille déjà collée contre le bois. Tu as pris rendez-vous. Ton tour viendra bientôt. Tu ne guériras pas de cet abîme. »
Puis, le poète se ressaisit. « Mais je n'ai à présent d'autres choix que d'écrire… Offrir à l'absence un bouquet de fleurs d'encre. ».
Il retrouve ses mots, se penche sur la langue comme au chevet d'un malade. « Il lui parle doucement, dans le creux de l'oreille. Elle ouvre un oeil, se relève, ose un pas. Qui disait qu'elle était perdue ? »
Une femme, le printemps, deux corps qui respirent, le désir d'une lumière d'été, et la vie reprend ses droits : « Dis-moi. Combien de printemps nous reste-t-il ? le sais-tu, mon amour ? Pour célébrer entre nos draps le grand retour. Ce plaisir d'être nus : nos noces ! Ce frisson d'oiseau qui court sur la peau ! Ces fleurs qui éclosent sous mes doigts, entre tes lèvres, entre nos ailes ! ».
L'hirondelle rouge amour est revenue avec sa vertu d'espérance. le peintre a ressorti sa palette : « Peindre par petites touches le sans-gêne de l'air. Peindre encore sa joue bleue et ses hanches, sa gorge rouge ou verte, ses battements de ciel ou de cil. Peindre la volupté paisible de son corps nu. »
Pour l'originalité de sa pensée, la qualité de son écriture et de sa poésie, il faut lire et relire
Jean-Michel Maulpoix. Il transcende les mots qui sous sa plume changent d'épaisseur.
« Il se peut que trois gouttes de sang suffisent pour emplir un coeur d'oiseau et qu'il se remette à chanter. »
***
Lien :
http://www.httpsilartetaitco..