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EAN : 9782715216426
144 pages
Le Mercure de France (20/04/1990)
4.33/5   9 notes
Résumé :
"Ce pourrait être sur une plage où souffle un vent maussade à la fin de l'été. Il importe qu'en cet endroit la terre soit plate et basse, avec de larges perspectives, des bouteilles à demi enfouies dans le sable et des papiers qui volent. Il y aurait aussi de frêles cabines blanches en contrebas de la promenade, des sortes de confessionnaux ou de minuscules chapelles aux portes closes dont l'unique ornement serait une espèce de rosace découpée dans le bois peint."
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Lire la poésie de Jean Michel Maulpoix c'est avoir la sensation d'avoir le pouvoir de suspendre le temps. Pas de l'arrêter pour ne plus penser à rien d'autre qu'à sa lecture mais, pour au contraire se retrouver face à soi, face à sa vie, face à la vie.
Portraits d'un éphémère, c'est le pluriel qui nous habite.
Ca a été avant tout pour moi, l'effet mer, même s'il n'occupe que les vingt premières pages. Quelqu'un qui confie ses joies et ses peines, ses espoirs et ses doutes à la mer, quelqu'un qui cherche ses réponses au-delà de l'horizon, ne peut qu'avoir une poésie qui me touche.
Portraits d'un éphémère, c'est « Une histoire de bleu » avant l'heure. Une histoire de bleus à l'âme, une histoire de blues. C'est la vie et l'amor. L'amour à mort, celui qui finit toujours mal, qu'on le veuille ou non.
C'est la fourberie du temps, celui qui passe, perfide et hypocrite, déloyal, celui qui par sa poudre aux yeux se fait oublier, nous fait oublier que le notre est compté, nous fait nous perdre dans des combats d'ego, dans des plaisirs furtifs, celui qui quoi qu'il arrive reste assassin.
Portraits d'un éphémère, c'est vous, c'est moi, si différents et pourtant aux destins semblables. Parcours éloignés ou pas, les sensations sont les mêmes. Les rires francs ou les douleurs profondes n'ont pas non plus de couleur, de sexe, de religion ou de classe sociale.
Portraits d'un éphémère, c'est un état des lieux fait à travers des instantanés, des photos jaunies, qui rappelle aux passagers que nous sommes sur cette terre qu'hier n'est plus et que demain n'existe pas.
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C'est avec Une histoire de bleu et Pas sur la Neige que j'ai fait la connaissance de l'oeuvre poétique de Jean-Michel Maulpoix. Depuis, j'ai toujours conservé pour cet auteur et son oeuvre une affinité particulière.
Je le retrouve aujourd'hui au travers de Portraits d'un Éphémère, recueil édité en 1990 chez Mercure de France.

Dans de courts textes en prose, Jean-Michel Maulpoix interroge le rapport de l'individu à la réalité du monde extérieur, à sa manière d'être au monde, d'être présent à lui-même en utilisant comme les variations du temps et de l'espace.

Dans une écriture toujours aussi dépouillée, Maulpoix emprunte les pas et les pensées d'un personnage fictif, qu'il désigne par « il », pour décrire tout ce qui advient (présent), ce qui va durer ((imaginaire) et ce qui ne saurait se prolonger (réalisme).
Des voyages, des gares, des villes, des salles de concert, des paysages, des bords de mer, des rencontres de hasard, ou encore un appartement,... autant de lieux qui sont sont des prétextes pour intégrer ce que l'on croit être unique en soi mais dans lequel se niche la finitude de l'être, le temps qui le traverse et une réalité qui ne saurait être tout à fait la sienne.

« Chacun voudrait se croire unique, pour se consoler du peu de poids que pèse sa vie quand elle se cogne par hasard contre une autre vie, et ne pas entendre le peu de silence qui se fera sur terre le jour où son coeur cessera de battre. »*

Par le biais des mots, tous les voyages, toutes les rencontres, tous les hasards sont possibles. L'écriture chez Jean-Michel Maulpoix devient un examen de ce chemin-là, de l'imaginaire qui se confond avec la réalité et qui s'en sépare aussi. Destin de l'être en mouvement dans sa dimension existentielle mais aussi sociale, culturelle et... éphémère.

« Dans les mots, il dispose de tout, et tout lui demeure interdit. Il peut, sa guise, entreprendre les plus lointains voyages, ou investir à l'improviste le coeur de n'importe quelle créature, mais ce n'est jamais là qu'un geste, une intention ou une esquisse, comme on ébauche en pensée le mouvement de retenir quelqu'un qui va partir. C'est la manière la plus fervente et la plus désespérée qu'il connaît de se tenir seul sur la terre, étranger à tout, quoique gardant tout à portée de main, faisant sans cesse valoir la beauté éphémère des visages et des choses qu'il aime, les présentant toujours dans leur plus bel éclat, pour plus de douleur et de solitude encore. »**

Dernier chapitre du recueil - sans doute le plus touchant -, « Sous un couvercle de bois clair » évoque l'expérience douloureuse de la vieillesse, celle d'un homme arrivé au seuil de sa vie, comme rendu à lui-même. Maulpoix décrit avec une justesse, une pudeur saisissante le regard, les gestes, les paroles adressées au vieil homme - là encore le personnage n'est pas nommé -, tout ce qui le rattache encore au monde.
L'écriture de Maulpoix se veut celle d'une conscience lucide et poétique, celle d'un rapport sans faille à la vie.

« Ce pourrait aussi bien avoir lieu dans une chambre, à la campagne, après les pluies grises de l'hiver, quand déjà le soleil réveille les arbres.

Un vieillard fatigué vivrait ses derniers jours dans la maison de sa naissance.

Il ne se lève plus : son existence s'achève entre le lit.

chromé et le fauteuil que l'on roule près de la fenêtre.

Il regarde la campagne comme si c'était la mer. Immobile, les yeux fixes, on croirait qu'il se noie dans le paysage, ou qu'il s'y retient de mourir. On ne sait rien de ce qu'il pense.

Il regarde par la fenêtre. Il ne sait rien faire d'autre. Sa vie s'en va toute seule. »***



(*) extrait de « Au café ou dans le parc », page 57
(**) extrait de « Parmi les mots du dictionnaire », page 102
(***) extrait de « Sous un couvercle de bois clair », page 123
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
De la mer, il aime le ressac, sa manière obstinée de déferler contre la roche ou sur le sable, lorsque toute parole lui demeure interdite, toute conversation à l’oreille des hommes, toute possibilité d’amour. Il aime le ressassement douloureux de la vague, ses mouvements d’épaules, ses vociférations, sa hargne les jours de tempête, ou sa douceur quand elle défaille au retrait de la marée. Il aime qu’elle ne puisse rien faire d’autre que rouler la silice, et polir et creuser lentement la pierre, pour rencontrer encore la pierre, le sable et les galets, jusqu’à la fin des temps.

Elle, tellement plus vaste, plus forte que lui, mais en fin de compte aussi vaine, résignée à reproduire sans faiblesse le même geste, semblable à celui qui l’occupe dans la chambre quand il frotte la plume d’or contre le papier. Tel encore celui du peintre ou du musicien, couvrant la toile et les portées, en espérant la défaillance de l’invisible ou du silence.

Il souffre de la même soif que la mer, de la même faim que le soleil quand il adore la pierre ou la peau d’un enfant : une sorte de désir inconsolable dont les mots qu’il écrit ne cicatrisent pas la brûlure. Il frappe aux portes de la mer, comme d’autres à la porte du ciel, avec des clameurs, des prières et des chants, sans espoir qu’on lui ouvre, sachant bien que seul existe ce en quoi l’on se met à croire.
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Il pourrait être ce passant qui se hâte sous l'averse vers quelque rendez vous dont lui même ignore l'importance.

Vous ayant heurté de l'épaule, il s'excuse et presse le pas. A peine avez vous perçu le son de sa voix et les traits de son visage. Il n'est, il ne sera jamais personne. La foule, la pluie, la ville l'ont repris, sans que vous sachiez de lui davantage que cette hâte, ce contact furtif et brusque d'un corps étranger. Pourtant, à quelques pas, son aventure se poursuit: certains la connaisse qui pourraient la raconter. Diffère-t-elle vraiment de la votre? N'est ce pas plutôt votre propre histoire, identique à celles que le monde récite depuis toujours? Simple, dérisoire, connue de tous...

Chacun voudrait se croire unique, pour se consoler du peu de poids que pèse sa vie quand elle se cogne par hasard contre une autre vie, et ne pas entendre le peu de silence qui se fera sur terre le jour où son cœur cessera de battre.
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Il y a dans son cœur des sortes de lézardes. Elles ne saignent pas.
Elles abritent des végétations singulières : de maigres agrégats de mots, des images ou des phrases, souvenirs demeurés vivaces de leçons autrefois récitées, de paroles entendues, ou de poèmes griffonnés à la hâte sur des pages arrachées.
Ses yeux prennent la couleur du ciel, de l’eau, de la terre ou de la nuit, comme deux billes de verre transparentes où se reflètent les paysages et les passants. Ses deux pieds ne tiennent pas au sol ; son corps demeure suspendu à des phrases. Les mots décident de ce qu’il voit, de ce qu’il aime.
Il tire à lui les draps de la mer, des paquets de feuilles, et les couvertures de tous les livres, puis s’en va dormir, d’un blanc sommeil de chrysalide, enveloppé de poussière et de papier, le monde entier sur les épaules.
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Le train de nuit traverse des bourgs à l’agonie derrière leur double rangée de lampadaires. Des lumières bleues tremblent aux fenêtres des immeubles et des pavillons. De petites vies calées dans le béton clignotent en attendant de mourir. Avec leurs couvertures de laine, leurs bas nylon leurs chemises de nuit, leurs pyjamas rayés et leurs draps brodés à la machine, elles font mine de ne pas croire que l’heure sonnera tantôt au clocher de l’église. Il soulève le couvercle de ces logis funèbres quand le train s’arrête en gare de Vitré, à hauteur du deuxième étage des immeubles les plus proches. Le père, la mère et les trois enfants regardent la télévision. C’est l’heure du « communiqué », de la guerre du Liban, du Boeing fracassé sur une autoroute et du Paris-Dakar… Traversant le carreau bleu, il vient s’asseoir à leur coté, sans déranger personne, sans même qu’on le remarque. Il trempe un instant son pain dans leur soupe, puis il prend congé. Le voyage se poursuit, vers une nuit plus profonde et plus inhabitée. Il abandonne ainsi derrière soi les choses du monde auxquelles il aurait aimé croire et les créatures anonymes dont le poursuit partout la tristesse impénétrable.
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Il écoute respirer la mer.

Il ne se lasse pas de la regarder, comme on fixe un être endormi, ou le sourire d’un visage peint, comme on regarde obstinément quelque chose que l’on ne voit pas, qui est là cependant. La mer, derrière la mer, dont il ne saurait jamais que les commencements, les plages et les rumeurs, même lorsqu’il quitterait le rivage et partirait se perdre au large, enfin seul avec soi, avec elle, plus que jamais séparé pourtant, ne pouvant espérer la rejoindre autrement qu’en se perdant en elle, dans la défaillance d’un naufrage qui ressemble à l’amour, les poumons pleins de sel, son corps stupide tout gonflé d’eau, flottant comme un paquet avant le repas silencieux des poissons et des crabes.
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Vidéo de Jean-Michel Maulpoix
Jean-Michel MAULPOIX – En son for intérieur (France Culture, 1996) L’émission « Poètes en pied », série d’été de « For intérieur », par Olivier Germain-Thomas, diffusée le 3 août 1996. Invité : le poète en personne. Mise en ligne par Arthur Yasmine, poète vivant, dans l'unique objet de perpétuer la Poésie française.
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