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Citations sur Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja (26)

DANGER DE MORT

Nasr Eddin se réveille en pleine nuit, agité d’un pressentiment. Il regarde par la fenêtre et il voit, éclairée par la lune, une forme blanche de taille humaine qui s’agite dans le jardin. Il secoue sa femme :

— Réveille-toi, fille de l’oncle. Nous sommes cernés par un voleur ou par un fantôme.

Khadidja, aussi terrorisée que son mari, se réfugie au fond des couvertures sans même répondre.

N’écoutant que son courage, qui ne lui dit d’ailleurs pas grand-chose, Nasr Eddin sort prudemment sur le pas de sa porte et, ramassant une grosse pierre, il la lance de toutes ses forces en direction de l’intrus. Il fait mouche car la forme blanche tombe par terre, où elle reste immobile.

Le Hodja s’approche à pas de loup pour identifier la victime et il revient quelques instants après, tremblant encore de tous ses membres :

— Par Allah ! ma femme, il s’en est fallu de peu que tu ne me revoies pas vivant.

— Pourquoi ? Tu as été attaqué ?

— Presque. J’ai abattu ma chemise que tu avais mise à sécher dans le jardin. Tu te rends compte, si j’avais été dedans !
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LE RAPPORT

Timour Leng a convoqué Nasr Eddin pour une affaire sérieuse.

— Nasr Eddin, tu as acquis, dit-on, la connaissance des mystères. Je voudrais donc que tu me dises ce qu’est une certaine science occulte appelée « ésotérisme », paraît-il.

— Par la barbe du Prophète, seigneur, je n’ai jamais entendu parler de cette science-là !

— Eh bien, informe-toi, questionne. Je veux que tu me fasses un rapport là-dessus dans un mois.

Un mois plus tard, Nasr Eddin, qui entre-temps s’est borné à cultiver son jardin et à bichonner son âne comme d’habitude, revient à la cour, mais les mains vides.

— Nasr Eddin, je vois que tu as oublié ce que je t’avais demandé.

— Oublié ? Ô maître du monde ! J’ai parcouru des provinces entières, j’ai questionné les plus grands sages, j’ai lu des centaines de traités. Et qu’Allah me maudisse si je mens !

— Mais alors donne-moi ton rapport. Je ne le vois pas.

— Mon rapport tient en un seul mot !

— Comment ? fait Timour stupéfait, un seul mot pour expliquer toute une science secrète ! Dis-moi donc lequel.

— CAROTTE ! crie soudain Nasr Eddin aussi stupidement que glousse un dindon.

— Comment carotte ? Que signifie cette incongruité ?

— CAROTTE ! répète sur le même ton Nasr Eddin. J’ai appris deux choses en effet sur l’« ésotérisme ». La première, c’est que beaucoup d’ânes s’y intéressent. La deuxième est que, fort heureusement, la partie la meilleure en est cachée.
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Visions

Dès qu’il fait partie du proche entourage de Timour Leng, Nasr Eddin se fait passer pour un grand mystique doué de pouvoirs surnaturels. Mais son maître en veut des preuves irréfutables.
— Tous les mystiques ont des visions, paraît-il. Mais toi ?
— Par Allah, lui répond Nasr Eddin, J’en suis comblé à chaque instant.
— Hé bien, reprend Timour Leng, dis-moi ce que tu es en train de voir, et si tu ne vois rien, je te coupe la tête sur-le-champ.
— Je vois des ailes de feu battre les cieux, je vois à la place du soleil un trône de diamants porté par quatre lions d’or, je vois des ruisseaux de lait coulant intarissables des nues, je vois…
— Quelles visions extraordinaires ! l’interrompt Timour Leng, soudain saisi d’admiration et de crainte. Ô vénérable derviche ! Comment fais-tu, dis-moi, pour franchir ainsi l’apparence des choses ? Quels efforts accomplir sur soi-même pour être ainsi emporté jusqu’au septième ciel ?
—  Il n’y a aucun effort à faire, la peur suffit.
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Nasr Eddin se rend dans le bois avec son âne pour faire du fagot. Il place la charge sur le dos de l'animal mais elle est si lourde que le pauvre n'arrive pas à suivre son maître.

Un paysan, voyant la scène de son champ, lui dit :

- Par Allah ! Je n'ai jamais vu un âne aussi paresseux. Il y a pourtant un moyen radical de lui faire accélérer le train.

- Tu veux parler de la carotte, j'imagine ?

- Non, du piment rouge. Tiens, prends celui-ci, ouvre-le et frotte-lui-en le cul. Tu m'en diras des nouvelles !

Nasr Eddin prend le piment rouge et il fait comme l'homme le lui a conseillé. Aussitôt l'âne, le derrière en feu, démarre au grand galop, et Nasr Eddin se met à courir derrière lui pour l'attraper. Mais rien à faire. L'âne est emballé.

Alors Nasr Eddin ne fait ni une ni deux, il lève son djubbé et se frotte les fesses avec le piment. L'effet est immédiat, tellement puissant que notre homme dépasse bientôt l'âne et qu'il entre le premier dans la cour de sa maison, où il commence à tourner sans plus pouvoir s'arrêter.

Sa femme apparaît bien vite sur le pas de la porte pour observer ce prodige. Nasr Eddin lui crie, hors d'haleine :

- Attrape-moi, attrape-moi vite, ô fille de l'oncle, au lieu de me regarder. Je n'arrive plus à m'arrêter !

- Mais comment donc pourrais-je t'attraper ? Tu fonces comme un taureau en chaleur !

- Va chercher un piment et frotte-t'en le cul !

page 137
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UNE PREUVE EXPÉRIMENTALE

Tout en sirotant son thé au tchaïhané, Nasr Eddin saisit les bribes d’une conversation très animée entre deux clients :

— Par Allah ! Cesse de me contredire, fait l’un d’eux en haussant le ton. Je te le dis et te le répète : il est bien établi qu’en dépit des apparences tous les hommes qui portent une longue barbe sont complètement stupides.

C’est pour le Hodja un véritable choc, car sa barbe de vieillard lui descend jusqu’à la poitrine.

Sans plus attendre, il rentre chez lui, bien résolu à s’en débarrasser. Avec un tison, il l’enflamme, et le feu se propage dans les poils aussi vite que dans des broussailles en été, et le Hodja est bien content de trouver un seau d’eau à proximité pour y plonger la tête. Malgré tout, son menton et ses joues ont été cruellement brûlés.

— La preuve est faite, conclut-il, cet homme disait vrai.
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LE SIGNE DE LA CROIX

Nasr Eddin aborde un jour un prêtre en ces termes :

— Pardonne-moi, saint homme, mais je me suis toujours demandé pourquoi vous autres chrétiens vous vous faites des signes sur la poitrine avec la main, en haut, en bas, à droite, à gauche…

— Tu n’es pas sans savoir, mahométan, que Notre seigneur Jésus est mort crucifié. Pour commémorer son divin supplice nous faisons le signe de la croix.

En entendant cela, Nasr Eddin ne peut s’empêcher d’éclater de rire.

— Pourquoi ris-tu, mécréant ? s’indigne le prêtre. Tu ne peux pas respecter nos croyances ?

— Je les respecte, je les respecte, parvient à articuler Nasr Eddin, mais tout d’un coup j’ai imaginé le geste que vous feriez s’il avait été empalé !
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HEUREUX ÉVÈNEMENTS

La femme de Nasr Eddin est prise en pleine nuit des douleurs de l’enfantement. La sage-femme arrive bien vite pour l’assister. Nasr Eddin voudrait s’enfuir mais la sage-femme l’arrête :

— Ne veux-tu donc pas être là pour la naissance de ton enfant ? Tiens, prends cette bougie, tu vas nous éclairer.

Et Nasr Eddin, bon gré mal gré, voit venir au monde son premier-né. Très impressionné, il s’éloigne de nouveau quand la sage-femme le rappelle :

— Mais reste donc là, Nasr Eddin ! Je crois bien qu’il y en a un deuxième.

Nasr Eddin revient donc et il voit venir au monde le jumeau du premier. Il souffle alors la bougie.

— Rallume, Nasr Eddin, on n’y voit plus rien.

— Non, non, il vaut mieux éteindre. Ne vois-tu pas que la lumière les attire ?
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OCCUPANT DES LIEUX

Maître, lui dit un jour un ahmad qui se prévaut déjà de quelque sagesse, que d’agitation sur terre ! Dès le matin, les gens s’affairent, vont, viennent, sillonnent la ville dans tous les sens, comme s’ils n’avaient pas mieux à faire !

— Ignorant ! grogne Nasr Eddin.

— Oui, ce sont des ignorants, continue le jeune homme. Ne feraient-ils pas mieux de s’assembler tous en un lieu saint pour prier ?

— C’est toi l’ignorant ! tonne le Hodja. Ne comprends-tu pas que si tout le monde s’agglutinait au même endroit, la terre basculerait et perdrait son équilibre ? Allah sait mieux que nous !
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QUE SA VOLONTÉ SOIT FAITE

Au cours d’un voyage, Nasr Eddin rencontre deux derviches errants en compagnie desquels il poursuit sa route. Lorsque le soir arrive, ils font halte, se prosternent en s’orientant vers la Mecque, après quoi le Hodja sort un pain de sa besace.

— Voici ce que j’ai à manger, annonce-t-il. Et vous ?

— Nous, nous n’avons rien, répondent les derviches.

— Qu’à cela ne tienne ! poursuit Nasr Eddin amicalement : nous allons partager, mes bons amis.

— Non, non, pas du tout, proteste l’un d’eux, ce procédé est grossier et indigne d’hommes de foi. Nous devons nous en remettre à la volonté d’Allah.

— Mais comment la connaîtrons-nous ? demanda le Hodja, impressionné.

— Tu es un ignorant ! Nous n’avons qu’à nous coucher et dormir ; demain matin, mangera le pain celui à qui Allah aura envoyé le plus beau rêve.

Force est donc à Nasr Eddin de se coucher le ventre creux aux côtés des deux autres.

Le lendemain matin, à peine réveillés, les derviches s’empressent de raconter leurs rêves.

— Allah soit loué ! fait le premier. Cette nuit, j’ai été gratifié de sublimes impressions célestes. J’ai rêvé qu’un cheval aux ailes de feu venait me prendre sur son encolure et me faisait traverser les sept cieux.

— Ton rêve est bien médiocre à côté du mien, repart le second. L’ange Djibraïl en personne m’a emporté entre ses ailes et déposé dans le jardin céleste, à la droite du Prophète.

— Le pain est pour toi, sans conteste, reconnaît le premier.

— Attendez ! intervient Nasr Eddin. Vos rêves ne sont rien, comparés au mien. J’ai entendu Allah lui-même me réveiller et me dire : « Nasr Eddin bien-aimé, mange le pain tout entier sans plus attendre. » Ô saints derviches, pouvais-je résister à Sa volonté ?
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COMMENT CHERCHER

Rentrant fort tard de la maison de thé, Nasr Eddin laisse tomber, devant le seuil de chez lui, l’anneau qu’il porte au doigt.

Aussitôt l’ami qui l’accompagne s’accroupit pour chercher à tâtons. Nasr Eddin, lui, retourne au milieu de la rue, qu’éclaire un splendide clair de lune.

— Que vas-tu faire là-bas, Nasr Eddin ? C’est ici que ta bague est tombée !

— Fais à ta guise, répond le Hodja. Moi, je préfère chercher où il y a de la lumière.
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