"L'amour est fort comme la mort, et la jalousie est dure comme le sépulcre. » dit le Cantique des cantiques. Voici le cinquième roman de Guy de Maupassant, paru en 1889. Une histoire cruelle, qui parle du vieillissement, de la solitude, du sentiment amoureux irrépressible, qui fait succomber les femmes honnêtes et rend fou les « vieux beaux » enamourés pour de très jeunes filles, inaccessibles.
Nous revoici plongés dans l'atmosphère parisienne du Paris de la Belle Epoque, dans un périmètre très précisément fixé entre la place de la Madeleine, le boulevard Malesherbes, l'avenue du Bois, l'Opéra et le parc Monceau. Olivier Bertin est un célibataire encore très séduisant. Peintre mondain coté, il choisit les jolies femmes qu'il accepte de portraiturer, ne déjeune jamais chez lui mais au Cercle, après s'être exercé au fleuret ou promené à cheval aux Champs-Elysées, passe soirées dans des salons distingués. Douze années auparavant, il a été attiré par une jeune femme, Any, qu'il n'a pas eu de peine à séduire. Elle vient d'abord poser avec sa fillette de 6 ans … Leur liaison est discrète, le mari d'Any, député, prend Olivier en amitié. le temps passe.
Et puis soudain, Annette, la petite, revient vivre chez ses parents, devenue une superbe jeune fille de dix-huit ans. Et Olivier se souvient du temps passé, des premiers instants de sa liaison avec Any, superpose son image et celle de sa mère. Malgré lui, il tombe éperdument amoureux d'Annette, sous le regard horrifié d'Any qui se sent tout à coup devenue vieille, jalouse de sa propre fille.
Olivier est à présent un homme vieillissant, chez qui le souvenir se fait regret. Any cherche désespérément à masquer les marques du temps, elle est lucide, se rend compte qu'Olivier, son seul amour, lui échappe. Annette, inconsciente du désastre dont elle est la cause, est bientôt fiancée, elle sera bientôt marquise de Farandal …
Voici une analyse tout à fait actuelle de la naissance du sentiment amoureux et de l'emprise qu'il a chez un homme mûr pour une jeune fille qu'il a tenue sur ses genoux quand elle était toute petite. On y retrouve des arguments déjà utilisés dans « Bel-Ami » : le portrait d'un dandy à la manière de Boldini, l'amour passé d'une mère à la fille …
Les scènes « de genre » sont d'un réalisme absolu : le vernissage au Salon avec les Carolus Duran, Roll, Puvis de Chavanne, Gervex, Jean Béraud, le Paris écrasé par la chaleur du mois d'août, la soirée à l'Opéra avec la sortie du grand escalier : « cascade magnifique et lente d'épaules nues, de robes somptueuses et d'habits noirs. »
L'écriture est étincelante … et n'a, selon moi, pas pris une ride. La peinture de la haute bourgeoisie de la fin du XIXème siècle, pénétrée de bonnes manières – le deuil qui dure plus d'une année ! – et de modes de vie totalement désuèts, réaliste. Une terrible introspection masculine et féminine. Une fin dramatique, mais inéluctable. Maupassant ne connaît pas souvent de « Happy End ».
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