Elise a du mal à surmonter sa dernière séparation amoureuse. En perdition affective, elle cherche encore auprès de ses amies du réconfort. C'est alors qu'elle est bouleversée par plusieurs visions graves, profondes et inquiétantes. de celles qui vous happent, vous enveloppent et vous bouleversent.
Iba, le vrai personnage principal de cette BD, apparaît. Ou plutôt réapparaît (oui, mais pourquoi ? pour la hanter ?).
Derrière ce prénom se réverbère une fillette aux yeux vides, aujourd'hui "triste figure" hypnotique qui n'apporte aucun réconfort ni énergie. En effet, cette "ancienne copine" maintes fois imaginée pendant l'enfance se révèle, se répète à présent telle une ombre cauchemardesque. Il s'agit davantage d'une éponge gorgée de menaces, d'une illusion tragique. Un spectre opiniâtre et inaccessible à la raison, envahissante mais impossible à éloigner.
Au fil des pages en noir et blanc, la perversité exaspérée d'
Iba évolue donc de manière très intensive, tandis que la détresse d'Elise devient, elle, proprement saisissante et bouleversante. Des retrouvailles dignes d'un "combat" sans fard.
Dans un style très épuré, l'auteur passe sans nulle barrière du tourbillon personnel à l'épouvante. Il est bien décidé à secouer les lecteurs et les faire réagir. Illustrer les souvenirs les plus reculés ou repoussés…
Pierre Maurel trouve les expressions et la narration qu'il faut pour atteindre les vérités abandonnées, les sentiments cabossés, les secrets intérieurs. Cela tout en demeurant un dessinateur du ressenti, ancré dans le quotidien, ses destins chahutés, ses heures sombres, ses bizarreries surnaturelles, ses tensions malsaines… Il regarde vaciller ses personnages durablement piégés, atteints au plus profond d'eux-mêmes, détruits par la force de mondes parallèles où tout bascule, où le fantastique infiltre la vie réelle.
Ce récit a été initialement créé dans le périodique numérique Professeur Cyclope. Il nous rappelle pourquoi la vie de tous les jours est remplie régulièrement de ces "morts" qui agissent, de ces présences ambiguës qui n'ont pu être entendues. Que derrière l'angoisse d'Elise s'offre à lire plus souterrainement le cercle vicieux du ressassement. Qu'on éprouve souvent des difficultés à se couper de son passé. Et qu'entre chaque génération, il conviendrait parfois d'exorciser les actes terribles qui se perdent dans la continuité des années.
Une question demeure : qui prendra le dessus ?
Iba ou Elise ?