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Citations sur Dieu et Mammon (7)

Un écrivain est essentiellement un homme qui ne se résigne pas à la solitude. Chacun de nous est un désert.
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Au vrai, les écrivains qui truquent le réel pour édifier le lecteur et qui peignent des êtres sans aucune vérité pour être sûrs de n'être pas immoraux, n'atteignent que rarement leur but. Car il ne faut pas oublier qu'ils ne sont pas les seuls auteurs de leurs romans : le lecteur collabore avec le romancier et y ajoute souvent des horreurs à l'insu de celui-ci. Nous serions stupéfaits si nous savions exactement ce que deviennent nos personnages dans l'imagination de cette dame qui nous parle de notre livre.
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On me répète : C'est l'antique terreur, c'est cette peur des dieux qui a créé les dieux, - cette hideuse peur qui survit à la foi même. Suis-je cet animal dressé dès l'enfance à certaines adorations, dressé par la crainte ? Souviens-toi : Ce Dieu de ton enfance qui régnait dans la maison de famille contrôlait non seulement tes moindres gestes, tes plus furtives pensées, mais encore il entrait dans d'infimes détails de nourriture : il fallait faire attention au jour du Vendredi Saint que la croûte du petit pain de quatre heures ne fût pas "jaunie", car l'usage des œufs était interdit, même aux enfants. Une gorgée d'eau avalée en se lavant les dents, et ta Communion, croyais-tu, devenait sacrilège. Tu connaissais beaucoup mieux ton âme que ton corps. Es-tu bien sûr que le Dieu de ton enfance, qui s'amusait au détail, ne continue pas de t'épier dans l'ombre ? Ce Dieu, je ne le renie pas : quelques exagérations ? Je l'accorde, mais elles demeurent dans la tradition de tous les éducateurs chrétiens. Cet excès de prudence, quel confesseur le réprouverait ? L'éducation de la pureté ne souffre guère les demi-mesures : "Je veux être ignorant, enfant pour certaines choses..." écrivait l'abbé Perreyve, à la veille de son ordination. Ce remplacement, dont tu te glorifiais naguère, d'un "Dieu tatillon" par un Dieu qui n'y regarde pas de si près, aie le courage de t'avouer qu'il n'y faut pas voir un progrès dans la vie spirituelle, mais bien une diminution. Tu devenais moins scrupuleux à mesure que tu devenais moins pur. Ne rien concéder à la chair, c'est la vraie loi chrétienne qui te fut enseignée dès que tu commençais de comprendre. "En cette matière, tout est grave" nous répétaient nos éducateurs. Tout est grave ; tout engage l'éternité. Et l'expérience te prouve à quel point ils avaient raison. C'est l'esprit qui atteint Dieu, et la chair assouvie qui nous sépare de lui infiniment. Ces inimaginables prudences demeurent conformes à l'essentiel du Christianisme.
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N'en croyons pas la fausse humilité des écrivains : le plus modeste d'entre eux n'aspire à rien moins qu'à être immortel, le moins prétentieux a la prétention de ne pas mourir tout entier. Ceux qui affectent de ne point tenir à ce qu'ils font et d'écrire leurs poèmes sur des feuilles de papier à cigarette, c'est dans l'espoir secret que, plus légers, leurs poèmes seront portés par le vent jusqu'aux rives les plus lointaines. L'artiste veut échapper à son désert durant sa vie, mais aussi il veut échapper à la solitude totale de la mort. Quand ce ne serait qu'un livre, quand ce ne serait qu'une page, qu'une ligne, ah ! que quelque chose de nous ne périsse pas, qu'une jeune bouche humaine, dans les siècles des siècles, se gonfle encore du chant que nous avons inventé.
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Sans doute suis-je plus coupable qu'un garçon simplement tiraillé, qui veut écrire ses livres sans rater le ciel et atteindre le ciel sans rater ses livres. C'est peu de dire que je ne perds pas de vue Mammon : tout le monde peut me voir au premier rang de la foule qui l'assiège. Mais si on ne saurait servir deux maîtres, il n'empêche que délaisser l'un des deux pour l'autre, ce n'est pas perdre la connaissance du pouvoir que l'Abandonné garde sur nous, ni perdre le sentiment de sa présence. Et même cette connaissance et ce sentiment abolis, il reste que de ce Maître trahi nous avons revêtu l'indéchirable livrée, que nous appartenons de gré ou de force à sa Maison, que nous portons partout ses armes mystérieuses. Aussi loin que nous nous égarions, il se trouvera toujours quelqu'un pour nous dire "Mais vous aussi vous étiez avec cet homme, - vous étiez de ceux qui suivaient cet homme."
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Ce qui donne son tragique à la manie des stupéfiants, c'est qu'ils ouvrent dans le rêve une issue pour fuir la croix. L'opium : la frontière que franchissent les déserteurs de la Croix et au delà de laquelle ils ne trouvent qu'une contrefaçon dérisoire de l'unique Paix "Pax Dei quae exsuperat omne sensum" (Saint Paul aux Philippiens).
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Je savais déjà que je ne sortirais jamais du catholicisme ; il était au dedans de moi. Où que je fusse, il y serait aussi. Au lieu d'accepter cette grâce, de quel œil d'envie, je me souviens d'avoir contemplé, un matin, à la chapelle des Bénédictines, Ernest Psichari ! Maritain, Psichari, élus pour qui le catholicisme avait été un choix, qui l'avaient contemplé du dehors, qui en avaient fait le tour et mesuré les proportions exactes, et repéré la place par rapport aux autres religions. Pour moi qui n'en étais jamais sorti,, qui n'en pourrais jamais sortir, sans cesse je passais d'un extrême à l'autre ; tantôt m'imaginant que le Christianisme était l'unique préoccupation du monde et tantôt persuadé que je vivais prisonnier d'une petite secte méditerranéenne. Mais il y fallait vivre bon gré mal gré ; impossible de ne pas y vivre ; je devais m'en arranger coûte que coûte ; aussi avec quelle passion je m'efforçais, à seize ans, de me prouver à moi-même la vérité de cette religion à laquelle je me savais attaché pour l'éternité ! L'édition des "Pensées" de Brunschvicg, déchirée, annotée, qui est toujours sur ma table, rend témoignage de ce parti pris passionné.
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