Citations sur Ce que j'appelle oubli (31)
ma mort n'est pas l'événement le plus triste de ma vie, ce qui est triste dans ma vie c'est ce monde avec des vigiles et des gens qui s'ignorent dans des vies mortes comme cette pâleur, cette mort tout le temps, tous les jours, que ça s'arrête enfin,je t'assure, ce n'est pas triste comme de perdre le goût du vin et de la bière, le goût d'embrasser, d'inventer des destins à des gens dans le métro et le goût de marcher des heures et des heures
… il aurait aimé que ses derniers mots soient tournés vers ce frère à qui il a pensé si souvent dans sa vie, eh bien non, pas cette fois, parce qu’il ne savait pas qu’il mourait, dans les films ils savent toujours qu’ils meurent, mais en vrai ce n’est pas aussi beau, on n’est pas si beau, on ne meurt pas, on ne fait rien, la vie se fait minuscule et finit par se faire la malle comme un parasite abandonne une carcasse qui ne lui convient plus, c’est tout …
… au moment de les voir arriver il pense que son programme de la journée est compromis, il se dit qu’il sortira tout à l’heure et prendra le bus en se répétant qu’il n’a pas eu le temps d’aller voir l’animalerie au fond du supermarché, voilà ce qui aurait dû se passer, aller regarder un moment les oiseaux, les chiots, les tortues, les animaux bizarres, les écouter, ce qu’il s’était raconté qu’il ferait, voilà ce à quoi il a pensé quand il n’avait pas encore en tête la violence des coups à venir et le froid de la dalle de ciment, car, au début, il ne peut pas se douter ni imaginer qu’il ne lui restera bientôt que la nudité et la froidure sur un matelas de fer ou d’Inox, et aussi, attaché à un doigt de pied, une étiquette avec son nom, un numéro …
"[...] le vrai scandale ce n'est pas la mort, c'est juste qu'il n'aurait pas fallu mourir pour ça [...]"
... ils vont arrêter de frapper, je vais retrouver mon souffle, ça ne peut pas finir ici, pas maintenant et pourtant il ne pouvait plus respirer ni sentir son corps ni rien entendre, ni voir non plus et il espérait malgré tout, quelque chose en lui répétant, la vie va tenir, encore, elle tient, elle tient toujours, ça va aller encore, ils vont cesser parce qu'ils vont comprendre que ma vie est trop petite dans mon corps et qu'elle s'amenuise trop maintenant pour durer plus qu'une bulle de savoir qui monte et éclate...
Et je sais qu’il aurait aimé te dire tout ce que tu ne sauras jamais de lui
... il ne savait pas qu'il mourrait, dans les films ils savent toujours qu'ils meurent, mais en vrai ce n'est pas aussi beau, on n'est pas si beau, on ne meurt pas, on ne fait rien, la vie se fait minuscule et finit par se faire la malle comme un parasite abandonne une carcasse qui ne lui convient plus...
[...] il ne sait pas que bientôt ils parleront de lui en disant le cœur a lâché, le foie a explosé, les poumons perforés, le nez fracturé, les hématomes larges comme les mains [...]
Des hommes malades de savoir
la vie se faire sans eux.
tous ils ont baissé les yeux parce qu'ils ont du travail qui les attend et une pelouse à tondre ou des trains à prendre, des enfants qu'il faut aller chercher à la sortie de l'école et aussi parce qu'ils espèrent échapper à leur propre misère, ce que j'appelle misère, à tous les malheurs quand sur le chemin c'est un type comme lui qu'ils croisent, nu comme un cauchemar, son visage crasseux éclairé par leurs phares en lieu et place des animaux à la sortie d'un bois, sur les talus - et tous baissent les yeux ou les détournent pour conjurer la poisse qui se colle à d'autres,