L'île au rébus

Dès qu'ils dépassèrent l'écomusée, le port s'offrit à leur vue, baigné dans le clair de lune. Balancés par la houle, les voiliers alignés le long des quais se heurtaient les uns aux autres avec des bruits sourds, et remplissaient l'air du cliquetis des haubans contre les mâts en acier. Sur les eaux noires de la baie dansaient et se brisaient en myriades d'éclats éphémères les reflets lumineux des hôtels et des cafés.

- Pourquoi avez-vous décidé de résoudre les affaires classées du livre de Roger Raffin ?
- Parce que je suis idiot, dit-il en secouant la tête et en souriant. C'est à la suite d'un pari que je me suis attelé à la première affaire. En Écosse, j'étais expert médico-légal ; en m'installant en France, j'ai dû abandonner mon métier et devenir professeur. Mais je n'ai jamais cessé de me tenir au courant des dernières avancées de la science médico-légale. Alors j'ai trouvé malin de parier que les nouvelles technologies permettraient aujourd'hui de résoudre des crimes jamais élucidés.

On leur servit les crevettes qui, pendant quelques minutes, accaparèrent toute l'attention d'Enzo. Leur chair fondante assaisonnée de crème à l'ail se mariait parfaitement avec le vin blanc. Lorsqu'il releva les yeux, Jane le regardait.
- Vous avez des yeux intéressants, remarqua-t-elle. Un bleu, l'autre marron.
- Syndrome de Waardenburg. Ce qui explique aussi la mèche blanche.

oui, mais n'est-ce pas souvent ce qui crève les yeux qui passe le mieux inaperçu ?

Les gens qui perdent leur liberté s'attachent à des choses susceptibles de donner un sens à leur vie, une raison d'exister. Ordre, routine, rite, des choses qui rythment le passage du temps, le concrétisent.

- Vous croyez au destin ? Non. Mais parfois, il est agréable de croire que quelque chose d'aussi parfait était planifié. Que notre existence a un sens, en fin de compte.

Quelqu’un cherchait évidemment à l’attirer dans un endroit isolé et dangereux ; c’était un piège grossier, mais pour découvrir qui le lui tendait, il n’avait qu’une solution : faire semblant de mordre à l’hameçon.

On voyait qu’elle avait bu. Elle n’était pas ivre ni même de l’humeur joyeuse que peuvent générer plusieurs whiskies, mais la raideur de son maintien trahissait sa crainte de ne pas se contrôler.

Pour cacher quelque chose, le meilleur endroit était souvent le plus visible. En général, les gens ne voient pas ce qui leur crève les yeux.

La plupart des petites maisons d’édition ont été avalées par les grands groupes, que seuls les ventes et les profits intéressent. Pour eux, qualité et diversité sont des gros mots à bannir.