Vous le voyez le col relevé, les mains enfoncées dans les poches, et des fers sous les semelles pour faire des étincelles
.. comme dirait Rudi, la seule façon de se faire bien connaître c'est de rester mystérieux.
L'harmonie trouve le chemin de ses muscles , l'éclairage tourbillonne , il regarde , furieux , le chef d'orchestre qui corrige son tempo , et il poursuit , en toute maîtrise d'abord , chaque figure précise et soignée , les pièces commencent à s'assembler , son corps est élastique , trois jetés tournés , prendre garde en retombant , il allonge sa ligne , le beau mouvement ici oui violoncelle vas-y . Les lumières fusionnent , les chemises se fondent . Pirouettes enchaînées . Il respire l'aise , le corps sculpté par la musique , une épaule à la recherche de l'autre , orteil droit distingue genou gauche , stature , profondeur , forme , contrôle , la souplesse du poignet , la courbure du coude , l'inclinaison du cou , les notes qui fouillent dans ses artères , et il est soudain suspendu en l'air , pousse ses jambes au-delà des mémoires gestuelles , un dernier développé des cuisses , prolongement de figure dansée , galbe humain dénoué , il vole plus haut encore et le ciel le retient .
Quatre hivers. Ils construisaient les routes en brisant les congères armés de leurs chevaux, ils labouraient la neige jusqu'à ce que les bêtes meurent puis ils mangeaient leur chair avec une grande tristesse.
Onze heures de répétitions, une d’exercices lents à la barre. Impossible de trouver le bon phrasé. À envier la patience des tailleurs de pierres.
C'est comme si nous avions entamé une étrange partie d'échecs, en essayant chacun de nous dépouiller de nos pièces, pour en arriver finalement au roi, nu, et le renverser en disant : Voilà, l'échiquier est à toi, explique-moi ce que j'ai fait pour perdre.
Oui, j'ai de la chance. J'ai une maison, des contrats, un masseur, des imprésarios, des amis. J'ai dansé pratiquement sur tous les continents. On m'a offert le thé à la Maison-Blanche avant l'assassinat du Président Kennedy. Margot et moi avons dansé pour la prise de fonction de Johnson. On nous ovationne souvent une demi-heure. Je tiens le bonheur et la gloire, pourtant je me réveille le matin avec le sentiment affreux que c'est terminé et que cela ne veut jamais rien dire. Je n'ai pas la moindre intention de jouer les attractions de foire. Je vais de pays en pays. Je n'existe plus là où j'ai vécu, et je suis apatride où je vis. C'est ainsi. Et cela a toujours été, même, je suppose, lorsque nous grandissions ensemble à Oufa. C'est la danse, et elle seule, qui me garde en vie.
- Dis-moi, Rudi, est-ce que tu es amoureux ?
- Je suis toujours amoureux.
- Moi, c'est l'amour qui m'aime, a répondu Victor ...
Il était grand, il était blond, et beau au-delà de toute comparaison. Rudi, mon ami, sa queue n'était peut-être pas un poème, mais ses deux fesses valaient un dictionnaire de rimes !
Elle prétendait qu'elle vivait dans le passé, et qu'elle voyait une inconnue se démener dans le futur. Evidemment, l'inconnue, c'était elle.