Il est simplement impossible d'affirmer ce qui aurait changé, notamment dans nos existences - ce qui les aurait réunies, ou séparées si la lame du couteau avait brisé le pli. Nos vies sont souvent propulsées dans de curieuses orbites, de longues migrations. Le fait est que j'ai autrefois tenu la chair de mon fils contre mon oreille, qu'on l'a tué par un matin pluvieux d'octobre, dans la noirceur tenace qui précède l'aube, et j'aimerais savoir comment les choses auraient tourné si cela n'avait pas eu lieu, pourquoi ça s'est passé ainsi, ce qu'on aurait pu faire pour l'éviter. Surtout, j'aimerais qu'il soit à nouveau là devant moi, vivant et de mauvais poil, pour me protéger de cette dernière tempête.
Plafonds bas dans chaque pièce, excepté celui de la bibliothèque, comme s'il fallait se pencher partout, sauf devant les livres.
Je referme ce livre de Colum Mc Cann, et franchement, c'est une belle déception, pour moi qui avais tellement aimé « Les saisons de la nuit »,
Ce n'est pas que l'histoire soit inintéressante, ou que ce soit mal écrit,
Il s'agit de petites nouvelles mettant en scène des personnages dont on sent qu'ils vont être liés d'une façon ou d'une autre. Néanmoins, il est difficile de s'y retrouver entre les différentes périodes, les différentes parties. Le lien ne se fait qu'à la fin. Et encore, on a envie de se dire : « Tout ça pour ça ! »
Le style, assez sec et les phrases, hâchées rendent les descriptions parfois ennuyeuses. Le livre est très construit, et très documenté, cependant l'impression finale est celle d'un ensemble hétéroclite auquel il manque de la vie et de l'émotion,
Dommage !
Je leur ai proposé de rester dormir. Le père et les deux fils ont ressorti les vieux matelas de la grange.
Ses parents étaient des vicieux. Des ivrognes. Elle n’avait jamais rien dit. Préférait oublier. Ne voulait pas qu’on juge, refusait la pitié. Son père buvait. Sa mère buvait. Parfois, on aurait cru que les rats, les portes, les poutres, le toit buvaient aussi.
En vieillissant, je finis par croire que ce n'est pas le temps qui forge nos vies. Non, c'est la lumière. Le problème étant que les images qui remontent souvent sont rarement celles qu je préfère.
La domination par l'argent ne vaut-elle pas les chaînes?
Au fond de sa malle étaient rangés deux haltères forgés pour lui par un maréchal-ferrant du New Hampshire -- un ami, blanc, abolitionniste. Chacun pesait cinq kilos et sept cents grammes. Pour les confectionner, l'artisan avait fondu des chaînes jadis utilisées dans les salles d'enchères où l'on vendait hommes, femmes et enfants. Il avait acheté toutes celles qu'il avait pu trouver, les avait transformées en objets précieux pour , disait-il, ne pas oublier.
La photo apparaîtra le jour du vendredi saint dans les journaux. L'édition de Pâques. Le sénateur jouant avec son caillou. Une pierre dans le noir, loin du tombeau de lumière. En Irlande du Nord, rien n'échappe aux regards, pas même l'évidence.
Mais ce n'est pas l'histoire d'une vie;
C'est celle de plusieurs vies, soudées, qui se chevauchent tour à tour, et se relèvent d'une tombe à l'autre.
Wendell Berry, Rising "The Wheel"