Citations sur Le bruissement du papier et des désirs (34)
Marilla s’était mise à lire toutes les coupures de presse que Matthew rapportait, tous les bulletins politiques sur les murs du bureau de poste, tous les livres qui traînaient dans les Pignons. Son esprit était assoiffé de mots. Ils empêchaient ses pensées de se disperser et son coeur de se noyer dans le puits sombre de sa tristesse.
Je voyais plus grand, pas juste couper du bois pour l’hiver, cueillir des pois l’été et servir d’épouse soumise à un mari et son foyer. Nous n’avons qu’une seule vie, Marilla.
Marilla se disait que si sa mère appartenait au règne de la nature, elle serait un papillon, voletant joyeusement dans les champs, belle et légère. Malheureusement, une petite main pourrait l’écraser. Marilla s’imaginait en chenille, longue et fine et toujours en mouvement. Son père et Matthew seraient des pommiers. Des soutiens solides, portant en silence le poids de chaque saison. Elle s’abandonnait de plus en plus à ces rêveries.
Une jeune fille a besoin du plus de temps possible pour rêver, déclara Izzy. Rapidement, tu seras adulte et tu seras constamment dans l'action !
John ordonna à son cheval de partir et elle l'écouta galoper, ses sabots broyant son coeur jusqu'à ce que le son disparaisse. Matthew avait raison. Les mots ne se reprennent pas...ni ceux qu'on prononce , ni ceux que l'on tait.
Les bébés meurent. C'est ainsi. Les gens pleurent, plantent des croix, et se remettent à en faire d'autres. Mais personne ne lui avait dit que les mères mouraient aussi. Personne ne l'avait prévenue que la vie et la mort n'étaient séparées que par une respiration.
Certains Canadiens toléraient ou, même pire, soutenaient les propriétaires d’esclaves. À cause d’eux, des chasseurs de primes ratissaient les provinces pour ramener qui bon leur semblait aux États-Unis.
Il existe très peu de refuges entre les États américains du Sud et notre porte. Ils arrivent à moitié affamés, blessés, malades et terrifiés par leur voyage. Nous faisons ce qui est entre notre pouvoir… tout ce qui est entre notre pouvoir. Malheureusement, avec si peu d’abris, il est impossible pour tous de trouver refuge. Nos dortoirs sont bondés. Il devient de plus en plus difficile de les protéger des chasseurs d’esclaves qui souhaitent les renvoyer à leur condition d’avant. Malgré les lois canadiennes, beaucoup de nos dirigeants sympathisent avec les trafiquants d’esclaves fortunés. Pour eux, ces orphelins sont des valeurs marchandes, pas des être humains.
L’histoire comptait bien plus de personnages heureux et jamais mariés. Pour quelles raisons devait-on devenir le mari ou la femme de quelqu’un ? Ne pouvait-on pas simplement être soi-même ? Et surtout, il existait, dans ce monde, des problèmes beaucoup plus graves et urgents que les colombes, l’amour et les cloches.
Jour après jour. mois après mois. Il fallait rester occupée du matin au soir, sans une minute de répit. Elle sentait que si elle s’arrêtait pour souffler, le chagrin la submergerait. Parfois, elle devait fermer les yeux et se souvenir de respirer : inspire, expire, encore une fois, inspire, expire. Sinon, le poids dans sa poitrine la clouerait sur place jusqu’à ce que sa tête bourdonne de douleur et que tout son corps la torture. Se lever le matin lui demandait une volonté incroyable. Sa seule consolation lui venait de ses Pignons Verts.