Au milieu des années 30, durant la Grande Dépression, Robert Syberten qui se rêve en metteur en scène de génie et Gloria Beattie qui aspire à une carrière de comédienne star font connaissance devant des studios à Hollywood. Ils associent leur solitude et leur désarroi pour devenir partenaires lors d'un marathon de danse, spectacle à la mode à cette époque.
Pendant plus d'un mois, à raison d'une pause de dix minutes toutes les deux heures, au milieu d'un public où se pressent producteurs, réalisateurs, jeunes premiers et starlettes, en compagnie d'autres couples qui trouvent là une possibilité d'obtenir un repas chaud par jour et un toit pour se mettre à l'abri et rêvent, tout comme eux, de décrocher les mille dollars promis aux vainqueurs, Robert et Gloria vont tourner, tourner, tourner autour de la piste, sous l'oeil vigilant de Rollo Peters, l'arbitre chargé de faire respecter le règlement, encouragés par Rocky Gravo, le maître de cérémonies, qui, au micro, présente les personnalités et remercie les sponsors, pendant que Vincent "Socks" Donald, l'organisateur compte la recette du jour.
Au fil des heures, des jours et des semaines qui passent, harassés de fatigue, perclus de douleurs physiques et mentales, luttant contre le sommeil et pour ne pas être éliminés lors des derbies, Robert et Gloria se retrouvent face au désespoir de leur vie et tout peut arriver, surtout le pire.
Les lecteurs français découvrent
Horace Mac Coy dans l'immédiat après-guerre en 1946 quand les
Editions Gallimard publient dans deux collections différentes les deux premiers romans, écrits une dizaine d'années plus tôt par celui qui est alors comparé à Steinbeck et à
Hemingway dans notre pays alors qu'il a du mal à se faire éditer dans son propre pays outre-Atlantique.
Le second s'intitule "
Un linceul n'a pas de poches", le premier a pour titre "
On achève bien les chevaux". Même s'il n'avait dû écrire que ces deux romans, cela aurait suffit à faire d'
Horace Mac Coy un auteur qui compte dans le genre du roman noir.
Avec "
On achève bien les chevaux" le romancier nous plonge dans la Grande Dépression des années 30 aux Etats-Unis et dans la misère noire qui en résulte et dont souffre des millions de gens qui tentent de survivre comme ils le peuvent. Il y développe une critique acerbe de la société américaine dans ce qu'elle a de plus vil et de plus dégradant. Si l'héroïne, désespérée et suicidaire, essaye de voir dans le spectacle avilissant du marathon de dans une double opportunité, celle d'obtenir repas et lits gratuits tout le long du concours mais aussi la possibilité de taper dans l'oeil d'un producteur pour réaliser son rêve hollywoodien, rêve qui s'est depuis longtemps transformé en cauchemar et l'(a rendue aigrie et jalouse, le marathon n'est en fait qu'un retour au jeux du cirque à Rome et une préfiguration de ce que sera la télévision avec ses reality shows indignes à partir des années 2000, un lieu de voyeurisme et de populisme avec les "cot nights", cette zone où dormaient les participants abrutis d'épuisement et qui restaient à la vue du public comme aujourd'hui la chambre et la salle de bain 24h/24 sous l'oeil des caméras violeuses des derniers lieux d'intimité. Comme à Rome et dans les émissions de téléréalité, les organisateur de se spectacle cruel s'appuient sur la misère des participants mais aussi sur une certaine misère intellectuelle du public qui se réjouit d'assister à un spectacle humiliant et méprisable pour oublier sa propre détresse et se console de ne pas avoir à vivre ces marathons pour trouver dans la vision de l'infortune des autres une façon de mieux supporter la dureté de la vie. Il est aisé d'imaginer un dialogue de ce genre entre deux spectateurs :
- Vous ici ?
- Evidemment, je viens ici tous les soirs ou presque.
- Moi je trouve ça épouvantable !
- Oui c'est totalement révoltant, je le sais bien, mais je ne peux pas m'en passer.
- Moi non plus !
Face à ce spectacle ignoble, nous pourrions penser que l'auteur défendrait les ligue de vertu et de morale qui ont tenté de faire interdire ce genre de manifestation. Mais pas du tout,
Mac Coy renvoie dos à dos les deux parties. Aux accusations de la Ligue des mères pour le relèvement de la moralité publique qui juge, à juste titre, que le marathon est une "chose vile et dégradante" avec "une influence pernicieuse sur la jeunesse", qu'il pervertit une institution aussi noble que le mariage pour le transformer en spectacle et que c'est finalement un repère de la pègre, l'auteur, par la voix de Gloria, oppose le constat selon lequel ces ligues sont pleines de grenouilles de bénitiers qui ne supportent pas que les autres s'amusent et passent du bon temps (tient on croirait entendre les islamistes...) et condamne vertement l'hypocrisie et la corruption de ces mêmes ligues.
Cette critique sociale se double d'une réflexion sur l'absurdité de la condition humaine que le film éponyme de Sidney Pollack réalisé en 1969 avec
Jane Fonda et Michael Sarrazin met particulièrement en valeur.
Un roman noir magistralement écrit désespéré et désespérant.