La Russie et la tentation de l'Orient

Un ouvrage tout à fait complémentaire de “L'Occident vu de Russie, de Karamzine à Poutine”, de sa collègue Rey. L'auteur s'intéresse essentiellement au XIX° siècle et à la tardive “colonisationˮ de l'Asie centrale, après avoir rappelé la conquête du Caucase au milieu du même siècle. le “grand jeuˮ avec les Anglais entre en scène, de même la confrontation avec l'Empire ottoman pour le contrôle des détroits et l'accès aux mers “chaudesˮ. le livre vaut aussi, au-delà de la géopolitique, pour l'influence de “l'asiatismeˮ sur les arts russes, que ce soit dans le domaine des lettres, de la peinture et de la musique. L'Orient était “tendance, pas uniquement en Russie, pensons au “japonismeˮ chez nous. Pouchkine, Griboïedov et de nombreux autres ont parcouru ces terres lointaines, au moins en esprit, certains y ont laissé leur vie. L'auteur fait preuve d'une indulgence étonnante envers les potentats d'Asie centrale, oubliant qu'ils capturaient les Slaves pour les vendre comme esclaves, avec dix ans d'avance, ça sent le woke. Elle pourrait se demander pour quoi les Russes ont conquis l'Asie centrale et non l'inverse ? Les Mongols ont dominé les terres russes pendant près de trois siècles. Cet aspect et ses conséquences donnent lieu à des analyses très diverses dans l'historiographie russe, encore de nos jours. L'auteur montre bien les différentes articulations et les axes d'analyse : Occidentaliste/orientalisme, catholicisme/orthodoxie, Rome/Byzance… Décidément l'histoire est une affaire de longue haleine. A lire pour ajouter une brique à la compréhension de notre époque. L'Histoire repasse décidément les plats !