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sur 397 notes
« L'histoire se fait avec les armes. La philosophie avec les idées. »

Sur une île prison au large de l'Italie, bloqués par une tempête trois inconnus vont se confier et tisser des liens. Ainsi Paolo et Luisa qui viennent visiter des prisonniers, l'un son fils meurtrier politique récidiviste, l'autre son mari violent coupable d'avoir tué deux hommes, et leur garde sur l'île, Nitti, n'hésiteront pas à révéler leur fêlures à leurs compagnons d'une nuit.

Soucieuse de montrer la face obscure de l'histoire italienne, partant d'histoires individuelles, comme dans ses romans, Eva Dort et Tous sauf moi, qui en révèlent d'autres épisodes peu glorieux — l'annexion du Haut Adige (Tyrol du sud) et la colonisation brutale éthiopienne sous Mussolini, les années Berlusconi, la tentation de la droite extrême et la crise des migrants, pour ne citer qu'eux — dans Plus haut que la mer Francesca Melandri met en scène les années de plomb. Epoque où la violence aveugle qui a endeuillé son pays était selon son héros, Paolo, celle de révolutionnaires usant de mots creux, symptômes de la misère de leur langage et de leur engagement.

Toujours en quête de vérité, Francesca la militante livre un roman historique profondément humain. À une époque politiquement violente où les actes perpétrés étaient choquants, ses personnages malmenés par la vie nous émeuvent, tout comme la nature qu'elle suggère magnifique et indomptable.
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L'île n'était pas en pleine mer. Mais, c'était tout comme. Elle était séparée de la terre ferme par le Détroit. Sur cette île, se dressait au-dessus de la mer, dans une succession sinueuse de petites baies, la prison de haute sécurité. Une prison qui sentait le sel de mer, le figuier et l'hélichryse.
Luisa s'était levée de très bonne heure, avait trait les vaches pour épargner le travail à ses enfants et avait fait le voyage, en train puis en ferry, pour s'y rendre. En effet, son mari, un homme violent, y purgeait sa peine pour avoir tué à deux reprises.
Cela faisait la quatrième fois que Paolo se rendait sur l'île, qu'il exécrait. Membre des Brigades Rouges, son fils était impliqué dans plusieurs assassinats politiques.
Pierfrancesco Nitti, lui, est gardien dans la prison. Renfermé et taiseux, il tente de se protéger, ainsi que sa famille, de la violence qui règne à l'intérieur.

Francesca Melandri plante son décor sur cette île d'où se dresse la prison de haute sécurité. Durant les années de plomb, c'est ici que se rendent Luisa et Paolo. Elle, paysanne qui se dit inculte, élevant seule ses 5 enfants. Lui, le professeur de philosophie, rongé par le remords. Deux personnes que tout semble opposer mais qui, sur le ferry les emmenant vers l'île, vont se rapprocher. le temps d'une journée et d'une nuit, et leur vie sera à jamais bousculée. L'auteur décrit avec justesse, délicatesse et profondeur les sentiments et les ressentis de chacun mais aussi le portrait d'un pays en pleine crise. Ce roman, aussi doux que cruel, profondément humain, est servi par une écriture poétique et sensible...
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Ce jour-là de 1979, le mistral souffle fort sur le Détroit. Malgré l'avis de tempête, le ferry a quitté le port, emmenant ses passagers vers l'Île. Parmi ceux-ci, aucun touriste, uniquement des agents de la prison de haute sécurité construite sur l'Île, ainsi que Luisa et Paolo. Ils ne se connaissent pas, ou pas encore, ils viennent d'endroits et d'univers totalement différents. Lui est un intellectuel citadin, veuf, bourgeois aisé, ancien professeur de philosophie. Elle est une paysanne dans un village de montagne, habituée aux travaux des champs et du foyer depuis le plus jeune âge, et qui maintient sa ferme et élève ses cinq enfants, seule. Leur point commun est d'avoir un parent prisonnier dans l'Île. Paolo rend visite à son fils, membre des Brigades Rouges, avec des litres de sang sur les mains, répandu froidement, tandis que Luisa va voir son mari violent, criminel de droit commun, assassin de deux hommes sur des coups de sang.

Après la visite au parloir, le vent est tel qu'ils ne peuvent quitter l'Île. On met à leur disposition quelques pièces aménagées dans un bâtiment désaffecté de l'administration, où ils passent la nuit sous la surveillance de Nitti, agent carcéral. Au fil des heures se tisse alors entre eux une certaine complicité, fugace mais intense, de celles qui surgissent lorsque des âmes tourmentées se reconnaissent. Après cette nuit, ils sauront, chacun à sa façon, mettre des mots sur ce qui les oppresse, ce qu'ils ne se sont jamais avoué à eux-mêmes. Culpabilité, soulagement, libération, peur de sa propre part d'ombre violente, cette nuit de tempête a remué les âmes et les emporte vers un nouveau départ comme sur une vague de résilience.

Dans ce roman, dans l'Italie des années 70-80, la violence de la nature indomptable semble répondre à la violence des hommes "maîtrisée" en l'occurrence par une prison de haute sécurité. Dans ce contexte particulier, l'auteure dépeint une période troublée, où les attentats politiques s'ajoutent à la violence ordinaire, où la violence ne s'arrête pas à l'entrée de la prison, où elle atteint même l'intégrité de ceux chargés d'y maintenir l'ordre.

"Plus haut que la mer" est un roman touchant et délicat, qui décrit avec une grande justesse le ressenti des personnages, tout en laissant les non-dits exprimer beaucoup de poésie et de profonde humanité. Malgré un épilogue superflu, ce roman est à la fois doux et amer, déchirant et apaisé.
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Une île-prison au large d'une autre grande île. Une tempête et un fort coup de mistral. Plus personne n'aborde, plus personne ne repart.

Non, ce n'est pas Shutter Island. Ce n'est pas Suskwann Island non plus.

C'est une île italienne sans nom, transformée, pendant les années de plomb, en quartier de haute sécurité pour y enfermer les multi-récidivsites, les gros maffieux et les terroristes noirs et rouges de ces sombres années-là.

Évitant l'écueil de son premier roman, "Eva dort", qui se transformait en dépliant touristique du Haut-Adige, puis de toute l'Italie vue du train, Francesca Melandri gomme, dans ce deuxième roman bien plus réussi, toute notation géographique trop précise, toute référence historique trop nette. Si on connaît un peu l'Italie, on reconnaît la grande île: la Sardaigne, et on trouve vite la petite, l' île-prison des années 70 : Asinara. Et on y sent la marque douloureuse de la mort d'Aldo Moro. Mais l'histoire ou la géographie ne sont pas le sujet.

Un cadre à la fois flou et resserré. Une période violente et traumatisante. C'est tout.

Le lieu et le moment d'une brève rencontre intense et déterminante entre un homme et une femme. Paolo et Luisa.

Non, non, pas chabada bada..pas chabada bada du tout. L'amour n'est pas non plus le sujet. C'est beaucoup plus fort et beaucoup plus profond que cela. Même si malheureusement la fin du livre, hélas, cède à la facilité habituelle de donner la trajectoire sentimentale de chaque personnage.

Une rencontre et un échange, donc.

Un homme, un veuf, un intellectuel, qui est le père d'un terroriste rouge aux mains pleines de sang, et une femme, une fermière, mère de six enfants, toute simple, femme maltraitée et brutalisée par un mari ultra-violent qui est lui aussi sous les verrous pour longtemps. Lui cherche dans l'éducation qu'il a donnée à son fils ce qui a fait de celui-ci un meurtrier sans conscience. Elle cache son soulagement d'être protégée de ce mari brutal par les barreaux d'une prison.

Tous deux sont en visite. Tous deux sont immobilisés par la tempête, 24 heures, sur l'île. Avec eux, pour les surveiller, Nitti, un jeune maton dont la femme est institutrice des enfants du personnel pénitentiaire et qui ne supporte plus ce que son travail est en train de faire de lui, insidieusement.

Je n'en dis pas plus: de magnifiques paysages marins, des personnages très réussis, peu nombreux, humains et vrais, et un questionnement tellement juste sur la violence- celle des maris brutaux, celle des idéologues enfermés dans leur système de pensée, celle de certaines professions qui à force de côtoyer la violence tous les jours dérivent dangereusement vers elle.

Sur ces maux du siècle, Francesca Melandri tente de mettre des mots, mais elle dit aussi que parfois les mots, sans la réalité qu'ils évoquent, deviennent une espèce de novlangue pire encore.

Un beau récit, philosophique et simplement humain, vibrant d'empathie, qui aurait dû s'arrêter- c'était parfait- quand repart le ferry.

Un prix Strega mérité!

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« Plus haut que la mer » est un roman plein d'humanité, de tendresse , d'amour qui m'a complètement séduite. Et pourtant il s'agit d'un roman qui se passe dans les années 70 en Italie, période de très grandes violences. Un roman sur les effets de l'institution pénitentiaire pour ceux qui vivent mais aussi pour ceux qui sont à l'extérieur.
Francesca Melandri nous raconte avec une grande sensibilité, une nuit bouleversante pour Luisa, Paolo et Nitti. Quel lien entre ces trois personnages ? Nitti est le surveillant de la prison haute sécurité située sur une île en face de la Sicile où sont incarcérés le mari de Luisa et le fils de Paolo.
Tous trois vont se retrouver ensemble pour une nuit , bloqués sur cette île en attendant que la tempête cesse et que Luisa et Paolo puissent rentrer chez eux.
Nous sommes embarqués dans ce huis-clos avec beaucoup d'émotions. On apprend que le fils de Paolo faisait partie des Brigades rouges , que le mari de Luisa est incarcéré suite à des violences ayant entraîné la mort. Nitti, quant à lui est « maton » et progressivement, la violence régnant dans les cellules déteint sur lui et devient lui-même acteur de cette violence.
Le temps d'une nuit, ils vont parler et se soulager d'un poids qui les empêche de vivre, ils vont ainsi trouver une issue. Paolo va pouvoir parler de sa souffrance de sa culpabilité qui le ronge, il se sent responsable d'avoir peut-être entraîner son fils vers cette violence. Luisa va réapprendre à vivre autrement que sous les coups, la peur, le travail, la soumission, et Nitti va s'interroger sur ce qu'il est devenu , sur ses dérives.
Ils vont tous les trois se redécouvrir et se reconnecter à la vie.
Francesca Melandri nous fait partager cette nuit troublante, émouvante, touchante avec beaucoup de sensibilité. Son écriture est sensitive et enveloppante.
Merci à toi visages de m'avoir mis ce livre entre les mains, il m'avait échappé !
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"Si on veut garder quelqu'un vraiment à l'écart du reste du monde, il n'y a pas de mur plus haut que la mer"
Entourée de courants dangereux, une île aménagée en prison de haute sécurité pour les membres des brigades rouges ou les criminels dangereux.
Après un long voyage en train et bateau, les visiteurs arrivent par la navette. Bien qu'il ne comprenne ni n'admette ses agissements, Paolo continue venir voir à son fils, révolutionnaire fanatique impliqué dans des assassinats politiques. Rongé par la culpabilité, il porte sur lui la photo de la fille d'une victime de son fils.
Luisa, femme d'un homme violent qui a tué plusieurs fois sous l'emprise de la colère, voit la mer pour la première fois. Travailleuse et femme de devoir, elle pense qu'elle « a de la chance » parce qu'elle a cinq beaux enfants et que ses séances au parloir ne se passent pas trop mal.
Bloqués sur l'île par une tempête, ils sont surveillés par Pierfrancesco Nitti, un agent carcéral que ses années de service ont peu à peu déshumanisé. le temps d'une nuit et d'un repas partagé, des liens se tissent entre ces trois personnages.

Francesca Melandri nous livre un roman subtil et délicat avec beaucoup de non-dits, les personnages sont magnifiques, le décor grandiose et angoissant.
Après « Eva dort », je suis totalement conquise par la plume de Francesca Melandri.
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Coincés pour cause de tempête sur une ile pénitentiaire, Paolo et Luisa mêlent pour quelques heures leur solitude de parents de prisonniers. Elle est venue visiter un mari "droit commun", lui un fils détenu politique des années de plomb italiennes. Ils cohabitent par obligation sur ce bout de nature majestueuse, pris en charge par un gardien de prison, épuisé par l'ingratitude de son métier et sa dépendance à la brutalité.

Francesca Melandri aime les personnages. Elle a le talent d'en créer de magnifiques, attachants, cabossés par la vie, malmenés par des événements qu'ils ne maitrisent pas. Cette prison en ciel ouvert ne parle pas de prisonniers mais du sort des familles, coincées entre leur douleur, leur devoir d'assistance, l'amour qui s'étiole, la peine de la séparation, la honte et la culpabilité. La parole au quotidien leur est peu donnée, comme celle de ceux qui portent le trousseau de clés dans un monde de violence larvée.

Entre la femme paysanne abandonnée et mal aimée par un mari violent et le professeur pétri de solitude, la tristesse et l'abattement vont s'entremêler, trouvant un réconfort et une solidarité dans le miroir de leurs peines. Comme un "lâcher prise" d'espérance.

En marge des personnages, l'ile est omniprésente, la mer Mediterranée, la beauté des paysages, les oiseaux et les poissons, comme en décor de beauté pernicieuse et imposée.
Le livre est très descriptif, construit sur peu de dialogues, accentuant les sentiments d'intimité, d'humanité. Je l'ai dévoré d'une traite, aidée par ses 200 pages et cette atmosphère particulière de tristesse et de beauté mêlées.
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Ce roman magnifique, superbement écrit, m'a captivé et bouleversé.

Une île italienne, montagneuse, rocheuse, tout près de la Sardaigne. le soleil fait étinceler les roches au dessus d'une mer bleu intense, virant au turquoise à l'approche des plages de sable blanc. La faune est incroyablement riche : des ânes albinos, des chevaux sauvages, des mouflons, des sangliers, toutes sortes d'oiseaux aquatiques... L'accès est très difficile : juste une passe étroite et peu profonde balayée par des rafales de mistral.

A la fin des années soixante-dix, existait sur cette île aujourd'hui classée parc national et réserve protégée, un ancien et vaste complexe pénitentiaire comportant une prison de haute sécurité. Car pour maintenir des détenus très dangereux à l'isolement, il n'est pas de mur plus haut que la mer.

Parfois, le soir, orage et tempête habillent de sombre le ciel et la mer. N'apparaissent plus, par intermittence, que les zébrures lumineuses des éclairs et l'écume des crêtes de vagues en forme de virgules blanches. Impossible alors de quitter l'île.

Un homme et une femme sont ainsi contraints d'y passer une nuit. Une rencontre fortuite qui va leur permettre de rompre des chaînes invisibles. Ils ne viennent pas du même monde, ils n'ont rien en commun, si ce n'est d'être tous deux venus rendre visite à un proche, détenu à l'isolement, en régime spécial.

Lui, Paolo, a enseigné la philosophie dans une grande ville. Son fils unique a été condamné trois ans plus tôt pour assassinat. Des meurtres froidement exécutés, sans remords, au nom de la révolution. Ce sont les « années de plomb » en Italie.

Elle, Luisa, est une paysanne. Depuis que son mari, violent, a tabassé à mort il y a dix ans un camarade de beuverie, puis récidivé sur un gardien de prison, elle élève seule ses cinq enfants en faisant tourner la petite exploitation agricole familiale.

Paolo sait manier les idées et les mots. Il peut donc identifier son enfer personnel. Il exècre de toute son âme ce que son fils est devenu. Dans le même temps, il lui voue une sorte de fidélité paternelle quasi charnelle, mêlée de mauvaise conscience ; une raison unique de vivre depuis que le chagrin a emporté sa femme. Symbole de ce sentiment paradoxal, une coupure de journal qu'il conserve sur lui et qu'il contemple souvent, avec la photo d'une petite fille de trois ans en manteau noir, posant une fleur sur le cercueil de son père « exécuté ».

Luisa n'a pas la même éducation. Sa vie frustre lui a appris à prendre les choses comme elles viennent. Son mari est emprisonné à vie ? Tant pis ! Peut-être même tant mieux, compte tenu de ce qu'elle n'a jamais dit – car il y a des choses qu'on ne dit pas ! Et puis, il faut bien survivre, élever les enfants, et pour cela, travailler dur. Et compter, tout compter, pour ne pas se laisser gruger par des hommes qui pourraient la sous-estimer...

Au cours de cette nuit sur l'île, où rien n'est organisé pour héberger des visiteurs, Paolo et Luisa vont s'observer ; chercher à comprendre et à partager ce qu'il leur manque. Luisa surprendra Paolo à contempler longuement la photo de la petite fille en manteau noir... Il expliquera... Elle se mettra à pleurer en silence sans pouvoir s'arrêter ; toutes les larmes qu'elle n'avait pas pleuré depuis son enfance. Lors du départ, le lendemain, elle emportera la coupure de journal. « C'est moi qui la porte, maintenant » déclare-t-elle. Partage, libération...

Par le choix de ses mots, par la justesse et la percussion de son écriture, Francesca Melandri nous fait vivre sur l'île, entendre le ressac de la mer ou le vacarme de la tempête, respirer l'odeur du sel et des figuiers. Elle nous fait partager des sentiments que ni Paolo ni Luisa ne peuvent exprimer, faute de trouver eux-mêmes les mots qu'il faudrait.

Accessoirement, elle nous fait aussi percevoir les états d'âme silencieux d'un troisième personnage, un jeune agent carcéral, installé dans l'ile avec femme et enfants. Il doit composer entre l'indicible – la violence nécessaire pour maîtriser certains détenus – et l'inavouable – les transgressions que lui dicte son empathie. Son silence effraie sa femme. Mais comment pourrait-il lui en parler ?... Vous avez dit partage ?...

Certains livres comme celui-ci témoignent du pouvoir magique de la littérature.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Luisa n'avait jamais vu la mer. Il a fallu que son mari, un meurtrier violent, soit enfermé sur l'île d'Asinara (qui hébergeait une prison de haute sécurité où ont été emprisonnés des terroristes, des mafieux, et criminels de droit commun dangereux) pour qu'elle la découvre. Luisa fait son devoir: elle se présente au parloir, quel que soit l'éloignement de la prison, au gré des transferts, malgré la ferme à tenir et les enfants à élever, et se souvient parfois du sourire de son fiancé tout en respirant un peu mieux depuis qu'il ne partage plus sa vie.
Paolo aussi se sent coupable : il a enseigné à son fils l'amour de la justice et cet enfant tant aimé est entré dans les Brigades Rouges où il a appris à tuer sans état d'âme les ennemis du prolétariat. Il a enseigné à ses élèves la rigueur de la réflexion, qui ont à sa grande honte absout les crimes du fils.
C'est parce qu'il a compris que Luisa n'avait jamais vu la mer que Paolo a commencé à la regarder. C'est parce que la tempête les a obligés à passer la nuit sur l'île qu'ils ont commencé à se parler et que leur forteresse intérieure s'est entrebâillée. Elle ne savait pas qu'on pouvait la considérer avec égard; il ignorait que le langage pût être compris sans rhétorique ni sous-entendu ; ils se sont fait du bien.
Melandri tient un discours simple et généreux : aller vers l'autre, ne le considérer ni comme un ennemi ni comme un étranger, c'est ce qui nous rend humain; et l'humanité est contagieuse. Nitti le gardien se sentira comme Jean Valjean devant Mgr Bienvenu en découvrant que ses hôtes indésirables l'ont protégé de son supérieur.
Une nuit peut suffire à aller plus haut que la mer, à voir sa vie autrement que comme un naufrage. C' est ce que nous chuchote ce roman délicat et lucide : « La vie, voyez-vous, ça n'est jamais si bon ni si mauvais qu'on croit. »
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C'est un étrange huis clos qui réunit une nuit, sur une île prison, à la faveur d'un accident de voiture, Paolo, Luisa et Pierfrancesco.

On est en 1979, en Italie ce sont les années de plomb. Paolo est le père d'un membre des Brigades rouges détenu sur cette île de l'administration pénitentiaire. Il est impliqué dans plusieurs assassinats politiques dont une affaire qui ressemble beaucoup à celle de l'enlèvement suivi du meurtre d'Aldo Moro. Luisa vient rendre visite son mari, un homme violent qui a assassiné un compagnon de beuverie, puis un gardien dans une autre prison, et Pierfrancesco est gardien et réside sur l'île.
Francesca Melandri évoque un univers carcéral dans lequel il n'y a pas que les condamnés qui sont enfermés. Les gardiens le sont tout autant et ne quitteront l'île qu'à leur retraite. La violence de leur métier les changent et les isolent de ceux qui les aiment. Les familles des prisonniers, vivent quant à elles une forme d'enfermement dans la douleur.
L'île n'est pas qu'un lieu géographique c'est aussi une métaphore, dehors gronde la tempête, c'est presque shakespearien comme ambiance.
Le temps de cette nuit, avec la nécessité de partager un toit et des repas, va se jouer quelque chose de fondamental dans ces trois destins, de la complicité dans les relations, des larmes libératrices, des petits gestes tendres et la douleur enfin mise en mots.
Comment comprendre ce fils tueur froid et impitoyable ? Comment vivre au village lorsqu'on est la femme de l'assassin ? Comment dire à son épouse que la colère a transformé celui qui doit faire appliquer la loi en tortionnaire ?

Un roman réellement émouvant, qui évoque à mots couverts ces années terribles de l'histoire de l'Italie, comme pour ne pas réveiller des blessures encore douloureuses.
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Lors d’une sortie, avant de se marier, qu’est-ce que Luisa avait demandé à son futur époux?

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