« Finalement, Billy Budd, incapable de s'exprimer sans que son profond bégaiement ne trahisse son trouble et la révolte d'un coeur pur, fait la seule chose qu'il est possible de faire en pareil cas : détruire la source de la contamination, tuer Claggart, éteindre d'un seul coup le « diabolisme incarné » (p.146) de cet homme, cette action aussi saine que foudroyante n'étant en fin de compte que la traduction, par la force et la volonté animale de tout un corps, de la préoccupation secrète qui semble être celle de Melville dans ce texte : prévenir l'extension du mal, contenir son inféction, comme le rapellent les mots étranges du capitaine Vere qui affirme qu'avec « le genre humain », les « formes, les forces bien réglées sont tout. Telle est la leçon à tirer de l'histoire d'Orphée charmant de sa lyre les sauvages habitants des bois » (p.158), le narrateur du texte, en appuyant sur cette dimension organisatrice de son propre travail lorsqu'il déclare que « l'harmonie à laquelle on peut atteindre la pure fiction ne s'obtient pas aussi aisément dans un récit qui, par essence, tient moins de la fable que des faits. La vérité qu'on rapporte sans compromis aura toujours des bords inégaux ; c'est pourquoi la conclusion de pareil récits [les faits et la mort de Billy Budd rapportés déformés par la presse] ne saurait avoir le fini d'un couronnement architectural » (p.159)
(
Juan Asensio, 𝐿𝑒 𝑡𝑒𝑚𝑝𝑠 𝑑𝑒𝑠 𝑙𝑖𝑣𝑟𝑒𝑠 𝑒𝑠𝑡 𝑝𝑎𝑠𝑠𝑒́, Ovadia 2019, p.457-8)
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