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J'ai lu ce roman il y a quelques années, à l'occasion de mon travail de recherche autour du film magnifique qui s'en est inspiré, "Beau Travail" réalisé par la française Claire Denis. Billy Budd ne peut pas être du goût de tous je crois, du fait que Melville plante le décor de ce court roman dans l'univers 100% masculin de la Navy du 18ème siècle. L'action y est peu présente et se développe sous la forme d'une suite de micro-événements qui finissent par provoquer un drame. L'art de la manipulation perverse dirait-on, exercée par un homme vicieux, un gradé expérimenté, qui exploite à son avantage d'un côté la naïveté d'un jeune soldat tout juste enrôlé, et de l'autre l'intransigeance de la loi martiale qu'il connaît bien.


Les personnages et les actions sont un peu à l'image de ce corps d'armée : très codifiés. J'irais même jusqu'à dire qu'il y a un certain manichéisme ou un traitement assez caricatural non seulement dans la psychologie des personnages, mais aussi dans la manière qu' a Melville de nous les dépeindre ; la beauté pure, parfaite, candide et lumineuse du jeune Billy rencontre la noirceur, la perfidie, l'obscurité de son capitaine d'arme Claggart. L'un est la blanche colombe, l'autre, le Malin. Cet aspect du roman n'est peut-être pas d'une très grande subtilité, mais Melville maîtrise à merveille l'art d'obliger le lecteur à lire entre les lignes, développant un deuxième niveau d'analyse qui lui est au contraire très subtil.


Billy Budd offre une approche assez osée pour l'époque de la crainte de l'homosexualité dans l'armée. Certains passages du roman touche à une évidente sensualité, une complicité "excessive" partagée par un groupe d'hommes vivant en vase-clos, dans un microcosme isolé et éloigné de tout. L'arrivée du jeune gabier de misaine provoque de l'émoi, tant sa beauté intérieure comme extérieure chamboule l'atmosphère à bord du navire. Ce personnage très "féminisé" suscitera de l'amour autant que de la haine empreinte de jalousie, jusqu'à provoquer le drame. Il y a quelque chose de tragique chez Melville, dans la fatalité qui s'abat sur Billy Budd, et contre laquelle il ne peut rien. La question de la sexualité et de la sensualité au sein de l'armée ont toujours été tabou, et continuent de faire couler de l'encre, même à notre époque. La répression des instincts par le code et par la loi ne peut que faillir face à au caractère pulsionnel de la nature humaine. Dans ce roman, il est intéressant de voir comment la pulsion détourne la loi à son profit, et comment la loi, censée être juste, incarne la plus parfaite injustice.
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"Billy Budd marin" est un court roman posthume d'Herman Melville. Il n'existe donc pas d'édition établie définitivement, mais celle qui nous est proposée et traduite chez Gallimard est une oeuvre magnifique. Bien que Melville ait trop tendance à s'appuyer sur des références peu évidentes pour des lecteurs contemporains, son art de peindre des personnages hors du commun est saisissant, à commencer par le jeune et beau Billy Budd, enrôlé de force sur un navire de guerre britannique. Cette beauté associée à une grandeur d'âme étonnante, suscite dans l'équipage du Bellipotent admiration et enthousiasme, mais aussi haine et jalousie. Même si Melville ne présente jamais les sentiments des marins pour l'éphèbe Budd en terme de passion amoureuse, il paraît évident que ce monde communautaire exclusivement composé d'hommes est aussi le lieu de ces passions.
Enfin, il est à noter que l'édition Gallimard associe à ce récit, une très courte nouvelle, Daniel Orme, qui est aussi un récit sur la grandeur d'âme.
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Histoire simple et fascinante, quand le désir ne peut même pas se penser et conduit à anéantir son objet, ici un marin innocent et inconscient, pris au piège. Plusieurs pages peuvent apparaître comme de longues digressions, le drame demeure et la tragédie ne se laisse pas oublier.
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Dans ce roman, il y a une abondance de références inconnus pour moi, mais je ne suis normalement jamais fâché d'en apprendre un peu plus sur l'univers. N'est-ce pas là la raison pour laquelle nous continuons à ouvrir des livres? Au travers des pages, les réflexions nagent en grand nombre. Billy Budd a un destin que l'on pourrait dire tragique. Il est né avec sa destinée imprimée dans les beaux traits de son visage. La mer, que trop souvent nous prenons pour synonyme de liberté, est un lieu où la mort est reine. L'on se heurte brutalement aux événements. Je me demande s'il n'est pas dans l'ordre des choses que l'innocence ne finisse pas toujours par périr de son innocence. (Innocent? Donc coupable) Billy Budd n'est-il pas une pureté absolument déplacée dans un monde comme celui-ci? J'ai souris en apprenant que Montaigne a eu une influence certaine chez Melville. Je pense qu'on voit bien cette influence dans le vagabondage que prend parfois ses réflexions dans ce roman.
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"Billy Budd" est une" fable" personnelle. Melville y exprime ses hantises et une vision noire de l'humanité.
Le monde maritime du XIXème siècle et ses codes y sont dépeints. Un personnage lumineux, Billy, apparaît dans ce monde, et en menace la bonne marche.
Billy, marin orphelin, d'une beauté sans nom, subjugue ses comparses, les détournent de leurs tâches et s'attire l'aversion viscérale d'un des officier supérieur du navire où il est cantonné.
L'atmosphère oppressante d'une mer infinie, les sentiments ambivalents de l'officier, fou de haine amoureuse envers l'innocent Billy et l'ambiance électrique sur le navire dû à des peurs de mutineries mettent le drame en marche.
Billy, criant de beauté et de bonté doit mourir. Faussement accusé de fomenter une rebellion, le jeune marin se défend comme un enfant.
Bégaiements après bégaiements, Billy se noie dans ses paroles et face à la monstruosité de son accusateur, abat son bras. Un coup seul aura suffit à tuer l'homme qui l'éxecrait et l'aimait.
Billy, de bouc émissaire de l'aversion névrotique d'un supérieur devient la "douce" victime de la loi maritime. Malgré la compassion du capitaine à son égart, il ne peut être que condamné.
La loi surplombe l'humain et doit être respectée à la lettre. Billy, enfant éternel, dont le seul crime est d'exister, n'a pas su écouter les conseils avisés d'un vieux marin, qui, semblable à un Nestor antique, l'avait prévenu de l'implacable cruauté du monde auquel il appartenait malgrè lui.
Un monde où la loi, les règles et l'ordre perdurent par peur du Vide marin, seul souvenir d'une civilisation en suspens.
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Herman Melville


Oublions le temps,
oublions toutes les chronologies,
après avoir été partie dans un crime d'impiété devenu crime d'iniquité
le représentant de la vérité - le commandant Vere - m'a condamné
moi, Billy Budd, marin, à mort.
Devenu capitaine,
j'ai pendant des vies poursuivi l'innocente brutalité de la vérité,
le pilon qui me tenait lieu de jambe solidement planté dans le pont du Pequod,
jusqu'à toucher le mystère,
le monstrueux mystère
de mon âme dépossédée.
Revenu de ce voyage,
de ces mois en enfer,
je suis devenu l'éternité
du non-agir.
Je suis celui qui préfère
ne pas faire,
Ayant trop vu, trop connu.




J'aime lire les écrivains qui connaissent la bible et parmi eux, Herman Melville, je le lis toujours avec une pensée pour Franz - plus qu'une pensée - en écoutant le Billy Budd de Britten dans le petit port de Veere - c'est en Zélande - un jour de tempête en fin d'Automne en buvant le bols local.



L'épitre aux Thessaloniciens, Billy Budd, Moby Dick et Bartleby m'ont assisté pour ces lignes.





© Mermed
Lien : http://holophernes.over-blog..
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Longue nouvelle ou court roman, il s'agit d'un texte ramassé, d'une grande densité. Billy, enfant trouvé, se voit enrôlé de force sur un navire de guerre britannique à l'époque de la révolution française. D'une beauté éclatante, ayant sur les autres une forte emprise, il s'attire la haine du maître d'arme du bateau, Claggart, en même temps qu'une grande sympathie du capitaine Vere. Claggart l'accuse de fomenter une mutinerie, ce qui en des temps troublé est pris très au sérieux. Mis en demeure de se justifier, il n'arrive pas à parler (il souffre dans des moments de tension d'une bégaiement) et tue Claggart d'un coup de poing. Il est condamné à mort et pendu.

Le texte de Melville est très condensé, et va à l'essentiel. Il a donné lieu à de nombreuses interprétations (les aspects homosexuels et christiques entre autres) mais Melville suggère et n'explicite pas, le récit a un côté objectif et factuel, un peu neutre, ce qui contribue à lui donner sa force. Les sentiments de Claggart et de Vere ne sont jamais abordés directement. Claggart a un côté très imperméable, le pourquoi de sa haine est laissé à la sagacité du lecteur. Quand à Vere, il a un côté sado-masochiste, le texte suggère à plusieurs reprise qu'il pourrait différer le jugement de Billy et le laisser se dérouler dans un climat plus serein, et il force quasiment la condamnation auprès de ses officiers, à cause d'un sentiment de devoir étrangement compris.

Du coup les différences avec l'opéra de Britten sont sensibles. Chez Britten, les personnages ont des airs-monologues qui permettent d'appréhender leurs ressentis, Claggart et Vere en sont plus charnels et plus proches, cela donne une dimension plus lyrique et émotionnelle au récit. Les personnages Claggart et de Vere sont du coup différents, Claggart paraît plus facile à appréhender et Vere bien plus sympathique.

Mais chacune des deux oeuvres a sa logique et sa force, Forster et Crozier, les librettistes, se sont inspiré de Melville pour la trame général, et sans trahit le sens de son oeuvre, mais ont abordé cette histoire avec une sensibilité différente, qui donne sur une scène un impact émotionnel fort. Et le texte de Melville, moins explicite et en apparence plus objectif, est un superbe texte littéraire. Un exemple d'une adaptation réussie d'une belle oeuvre littéraire.
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On comprend assez vite pour quelle raison profonde Melville a intitulé son dernier texte, fascinant, récit interne. Certes, la critique savante brodera sur le statut, complexe, du narrateur omniscient (à une exception près : le moment où le capitaine Vere communique à Billy Budd sa sentence de mort) qui semble se promener, avec nous, sur et dans (d'où le terme «interne», p. 45) un navire, le Bellipotent, où se déroule l'histoire mais les petits jeux de focalisation ne nous intéressent guère s'ils nous empêchent de voir l'essentiel, l'essentiel qui est occulté et qui pourtant, selon le mouvement propre à l'hermétisme démoniaque génialement décrit par Kierkegaard, ne demande qu'à jaillir à la vue de tous grâce à un mot, un acte, un cri, un geste, afin que les murs épais de la prison infernale soient enfin, au moins une fois, percés d'un jour, pour qu'un minuscule rai de lumière défasse les ténèbres dans lesquelles gémit le condamné, celui qui est emprisonné dans l'in pace du démoniaque, ici le capitaine d'armes Claggart.
Je renvoie mes lecteurs à ce long article paru dans lesÉtudes bernanosiennes et mis en ligne sur Knol, où j'ai tenté d'appliquer à Monsieur Ouine de Georges Bernanos le concept si brillamment exposé par le philosophe danois.
Dans le texte de Melville, c'est Claggart qui, bien davantage que Billy Budd, ce représentant du Beau Marin sur lequel, en raison de son innocence aveuglante (1), il n'y a rien à dire, doit retenir notre attention, puisque ce dernier est le malheureux enfermé dans le cachot hermétique du démoniaque.
Rien à dire ? Certes, Billy Budd peut nous sembler, à première vue, un roc inaltérable qu'aucun filet d'eau, fût-il microscopique, ne semble pouvoir pénétrer et encore moins désagréger et pourtant... Pourtant, il y a la voix du beau Budd, dont «certain accent musical» semble être «la véritable émanation de l'homme intérieur venue sans obstacle du fond de son être» (pp. 32-3). Billy Budd, illettré mais qui, grâce à sa voix donc, «comme cet autre illettré le rossignol», compose parfois «lui-même sa propre chanson» (p. 42).
Lien : http://stalker.hautetfort.co..
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Podcast sur France culture d'une affaire complexe : Baby Budd suscite l'amitié de ses collègues marins, mais aussi l'envie (pour une part un désir homosexuel). Innocent des intentions de mutinerie qu'on lui prête, sa maladresse orale et son impulsivité font de lui un meurtrier. le héros tragique devient alors le capitaine Vere qui doit, malgré lui, faire respecter le code de discipline sur son bateau
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A l'ombre de la loi prospère l'injustice...
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