"Dites donc Herman… avec tout ce bazar, et toutes ces histoires sur les baleines, vous pourriez ouvrir un musée !". Et il ne se dégonfle pas, Herman : il ouvre son musée et le baptise "
Moby Dick". Plus de cent trente salles, chacune ou presque sur un thème différent : l'artisanat baleinier, le chant de marin, le cerveau de la baleine, l'art du dépeçage. Tout y passe. On visite ce musée foutraque comme on voyage au long cours. Parfois on est secoué par une prose vive, truculente. Parfois on s'encalmine dans d'interminables considérations vaguement ésotériques (le blanc est-il plus effroyable que le noir ? il semble que la réponse soit oui). Il arrive même qu'on fasse escale dans d'autres histoires.
Souvent l'ouvrage est documentaire, et l'auteur aime alors à montrer son érudition. D'autres fois, c'est la folle quête d'Achab qui reprend le dessus. le livre semble écrit d'un jet, au fil de l'inspiration. N'allez pas vous attacher à tel ou tel personnage : après avoir vécu trois chapitres, la plupart deviennent des ombres. Même le pauvre Queequeg, d'
abord prétexte majeur aux thèses mi-progressistes mi-racistes de l'auteur, disparaît de la moitié du voyage.
C'est cette perpétuelle surprise qui est plaisante. Inclassable, cet ouvrage est une curiosité à déposer entre une baleine de corset, une jambe en os de cachalot et une lampe à huile.
NB : j'ai lu la traduction de
Giono, Jacques et Smith. Je m'étonnais de ce que la langue ne soit pas toujours limpide, de ce que des répétitions, des lourdeurs émaillent assez régulièrement le texte. Eh bien, il semble que ce soit justement parce que la traduction est fidèle, quelques coups d'oeil au texte original m'en ont persuadé. Il serait donc bon de mettre cette traduction à portée des liseuses numériques. A ce jour, aucun fichier EPUB, ni même AZW ne semble disponible.