AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,51

sur 75 notes
5
6 avis
4
9 avis
3
7 avis
2
1 avis
1
0 avis
Roman délicat, sensible, à la fois personnel et universel, d'une intimité désarmante, Les années sans soleil finit de me convaincre du grand talent d'écrivain de Vincent Message.
Découvert grâce au Prix Orange du Livre 2016 avec Défaite des maîtres et possesseurs, Vincent Message m'avait convaincu dans un genre très différent avec Cora dans la spirale. Ici, Les années sans soleil m'ont ramené en 2020, au tout début de cette catastrophe planétaire, cette pandémie qui a bouleversé et bouleverse encore la vie du monde, même si l'auteur, très habilement, n'écrit jamais son nom.
Tout commence à l'aéroport de New York où le narrateur, Elias Torres, jeune écrivain français (43 ans), débarque pour faire la promotion de Hibernation, son premier roman traduit en anglais qui vient de paraître aux États-Unis. D'ailleurs, Emily Kent, la traductrice, l'attend.
Hélas, rien ne se passe comme prévu. Après un contrôle de police très énigmatique, le revoilà dans l'avion avec une bonne partie des passagers du vol aller, pour un retour à Paris.
Elias vit à Toulouse avec Camille et ils ont deux enfants : Maud (17 ans) et Diego (2 ans et demi). Avant de me balader dans sa ville, le long de la Garonne et du Canal du Midi, Elias, Camille, Maud et Diego s'offrent une belle escapade dans les Corbières avec une visite de l'abbaye de Fontfroide qui me rappelle d'agréables souvenirs.
Puis, c'est Toulouse et la pression qui s'accentue même si Elias travaille encore dans la petite librairie de son ami Marcus, jusqu'au moment où tout ferme.
Comme Camille est employée dans un magasin d'alimentation, Elias se retrouve seul avec Maud et Diego, un désir d'écrire et toutes les difficultés qui l'accompagnent. Quoi ? Quand ? Comment ? Où ?
Les années sans soleil regorgeant de références poétiques, littéraires, artistiques, historiques, je ne vais pas me risquer à les citer toutes. Sur internet, Elias commence à chercher les pires années vécues sur Terre. Cela ne manque pas comme cette grippe espagnole qui fit plus de morts que la première guerre mondiale enfin terminée. La peste noire, de 1347 à 1392 et les horribles famines, sans oublier les chambres à gaz, les atrocités commises par les nazis, le goulag soviétique, les camps chinois, les génocides et les régimes totalitaires qui continuent de sévir, la liste n'est pas exhaustive.
Mais notre écrivain en recherche d'inspiration s'arrête sur les années 535-536 qui paraissent oubliées mais que l'historien britannique, Michaël McCormick a sorties de l'oubli. Jamais véritablement expliquées, ces années sans soleil ont causé des dégâts humains considérables entraînant des mouvements de population d'un continent à l'autre. Ce ciel voilé constamment ou presque par un immense nuage de poussière sûrement causé par une ou plusieurs éruptions volcaniques - plutôt que par un astéroïde géant s'étant écrasé sur notre planète - comme les poussières retrouvées dans les glaces remontant à cette époque lointaine le prouvent.
Elias lit beaucoup : Peter Drysdale, enseignant à Chicago, Procope de Césarée qui raconte les guerres de Justinien, ce qui l'amène à retrouver un vieil ami : Igor Mumsen qui habite près de chez lui. Ce poète a une bibliothèque précieuse et Elias peut en consulter les ouvrages qui l'intéressent.
Tout se déroule dans cette ville de Toulouse et la Garonne que chantait merveilleusement Julos Beaucarne, attire Elias. Il habite un peu trop loin du fleuve mais tant pis, il y va ! S'il se trouve bien sur ses rives, une femme attire sa curiosité mais un contrôle tatillon de la police met fin brusquement à son escapade.
Au cours de ma lecture, j'ai aimé apprendre, me souvenir de tous ces malheurs qui ont frappé régulièrement la Terre de quelque source qu'ils viennent. Si, en ce moment, c'est une pandémie, une autre menace est bien plus inquiétante encore : le réchauffement climatique contre lequel aucune mesure vraiment sérieuse n'est prise.
En attendant, Elias apprécie un certain retour à la liberté mais une répression policière féroce, lors d'une fête improvisée sur le port de la Daurade, bouleverse la vie familiale puisque Maud, présente avec les jeunes de son âge, en ressort absolument traumatisée physiquement mais surtout psychologiquement.
Vincent Message, au travers des confidences, des impressions relatées par Elias, a bien fait ressortir toutes les conséquences familiales et intimes après ce qu'a subi Maud, suite aux violences policières. Il évoque Antonin Artaud qui avait été interné à Rodez où Maud est soignée.
Avant de mettre un point final à son histoire, Elias Torres me ramène au Japon grâce à Aiko Ogiwara, une cuisinière de grand talent. Vincent Message sait parfaitement faire venir l'eau à la bouche du lecteur que je suis, ignorant presque tout des subtilités de la cuisine japonaise.
Les années sans soleil est à la fois un roman plein de délices, d'érudition, de moments tendus, délicats, violents, ne négligeant pas un peu d'érotisme, de découverte de la nature et des animaux.
Bref, une fois de plus, Vincent Message m'a régalé et je ne peux que remercier vivement Babelio et les éditions du Seuil pour cette nouvelle lecture d'un écrivain qui compte beaucoup pour moi.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          1343
Vincent Message, dont le dernier roman Les années sans soleil, titre faisant référence aux années 535 – 536, où le brouillard a obscurci le ciel et masqué le soleil pendant presque deux ans, tente d'appréhender ce que nous vivons maintenant, depuis deux ans, sans toutefois jamais le nommer, le Covid 19.
Elias Torres, un écrivain modeste, vivant à Toulouse avec Camille, sa compagne et leurs deux enfants Maud et Diego, se rend à New-York pour la promotion de son quatrième roman, le premier traduit en anglais. À son arrivée à l'aéroport, après un contrôle incompréhensible, il est renvoyé illico, sans explication, vers la France par le même vol, comme une grande partie des voyageurs.
Fort déçu, il rejoint les siens dans un petit village situé dans les premiers contreforts des Corbières, où ils passent quelques jours à visiter notamment l'abbaye de Fontfroide. Lors du retour sur Toulouse, ils tombent sur des contrôles de police, de véritables barrages à l'approche de la ville. Un justificatif de domicile leur est demandé : aucun problème, ils ont le droit de rentrer. « Nous venions de vivre sans le savoir nos dernière heures de liberté ».
Comme le dit très bien Elias, le narrateur, « chacun d'entre nous se souvient où il était quand ça a commencé, ou plutôt quand il a compris que ça n'était pas anodin, que ça ne toucherait pas que les autres, que c'était parti pour durer et que ça allait changer nos vies ».
Lorsque tout a fermé, le lycée de Maud, la crèche de Diego, la librairie où il travaille depuis vingt ans, un jour sur deux, la plupart des commerces, Elias Torres sent tout de suite la difficulté que sera d'affronter cette épreuve avec les enfants.
De plus, si Diego, le bambin de deux ans et demi prend cela comme des vacances, monotones certes, il n'en va pas de même pour Maud qui, à dix-sept ans, se retrouve, coupée de tout ce à quoi elle tient, arrachée à ses amis, son copain…, Maud, qui ne décolère pas contre l'inaction des dirigeants face à la crise écologique.
Des violences policières vont aussi singulièrement éprouver la famille et le cadre familial est mis à rude épreuve.
Ainsi, Elias se retrouve désarmé devant l'inattendu, impuissant, et va nous faire partager son cheminement intérieur pour encaisser, endurer, ne pas baisser les bras pour préserver cette cellule familiale, pas facile… .
Il va , pour relativiser cette détresse du présent mener des recherches pour savoir quelles ont été les pires années de l'histoire de l'humanité, les années meurtrières sont hélas nombreuses, mais pour lui, cela ne fait pas de doute, ce sont les décennies qui ont suivi 535 – 536, où le soleil a cessé de briller près de dix-huit mois et dont l'hypothèse la plus probable est une série d'éruptions volcaniques. S'en sont suivies des famines, des pestes dues à des phénomènes climatiques brutaux amenant à d'importantes crises de civilisation. La comparaison alors, avec la situation actuelle semble assez pertinente.
Vincent Message, par l'intermédiaire de son quasi alter-ego, excelle à raconter le métier d'écrivain avec ses difficultés mais surtout la joie d'exercer cette activité où il se sent libre et souverain et dont il aime toutes les phases de l'écriture. Il développe également avec brio la jubilation que peut apporter la lecture et il montre comment la littérature devient un des antidotes possibles aux angoisses qui nous habitent, tout comme l'art ou la poésie.
Il n'oublie pas d'évoquer le sort des librairies durement touchées lors de ce confinement avec pour certaines d'entre elles, comme ici dans le roman, l'obligation de mettre la clef sous la porte.
Le récit vivant de cet homme confronté, comme nous-même l'avons été, à une situation anxiogène jamais rencontrée m'a touchée. Les sentiments qu'il ressent et les solutions qu'il expérimente, sans forfanterie sont convaincantes.
En nous faisant vivre le quotidien de cette famille dans cette époque troublée, avec un regard lucide, réaliste, un ton juste et une réelle douceur, ce roman qui aurait pu se révéler ravageur, est plutôt apaisant et est une véritable ode à la littérature et à sa puissance.
Les années sans soleil est un roman humain qui met en exergue nos inquiétudes, nos doutes, nos désarrois et aussi nos impuissances, devant cet avenir incertain face aux impacts du réchauffement climatique, un roman qui m'a procuré beaucoup d'émotions, sans jamais me lasser.
Après Défaite des maîtres et possesseurs et Cora dans la spirale, deux romans de Vincent Message que j'avais fortement appréciés, grâce à Babelio et aux éditions du Seuil, j'ai pu, avec un immense plaisir découvrir et me passionner pour Les années sans soleil. Je les en remercie très sincèrement.

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
Commenter  J’apprécie          1073
De Vincent Message, j'avais aimé « Cora dans la spirale » et j'ai eu le plaisir de retrouver son écriture ciselée, aux accents poétiques dans son dernier roman.
Le narrateur, Elias Torres, est un écrivain qui n'a pas encore connu le succès. Il narre sa mésaventure : refoulé des États Unis où il venait présenter son roman, cette rebuffade annonce quelque chose de plus grave, qui n'est pas précisé mais qui oblige la population à se confiner. Cette menace est d'autant plus inquiétante qu'elle n'est pas nommée, juste suggérée à travers le dérangement climatique.
« Ça commençait à devenir long. Chacun chez soi, jour après jour… Les murs des pièces se rapprochaient. L'étau se resserrait autour de nos tempes »
A cette situation de déjà vu, l'auteur mêle des réflexions sur le réchauffement climatique. le thermomètre s'emballe et la vie entre quatre murs dans un centre-ville déserté où les libertés sont restreintes se complique. le quotidien de sa famille aussi est touché, avec sa femme, leur petit garçon remuant et Maud, adolescente écolo révoltée par l'inertie des dirigeants et des adultes. Elias n'a plus son travail de libraire puisque les librairies ont baissé le rideau et, avec cette fermeture, il a perdu le contact avec les autres et les discussions, les fêtes à pas d'heure avec ses potes qui se passionnent pour l'art et le combat d'idées. Désoeuvré, Elias va se tourner vers l'écriture, rechercher cette inspiration qui lui échappe. Il y a bien la cave, pour s'isoler, mais écrire sur quoi ? Heureusement, la littérature est toujours là pour nous consoler, et nous nourrir dans ces périodes de disette. de ses visites à son vieil ami et poète, Igor Mumsen, il va se passionner pour l'oeuvre de l'historien byzantin Procope de Césarée qui a chroniqué le règne de l'empereur Justinien. L'historien évoque ce petit âge glaciaire, période qui va de 536 à 547, où la perturbation du climat a entraîné des famines et des épidémies catastrophiques. On sait depuis peu que cette période climatique plus froide a été la conséquence de trois éruptions volcaniques majeures qui ont voilé le soleil.
En écrivain curieux, Elias Torres établit un parallèle entre cette période glaciaire oubliée et le dérèglement climatique de notre époque. Et là, il tient son sujet, pense-t-il.

Le roman navigue entre les expériences, les mésaventures du narrateur qui s'interroge sur sa vie qu'il ne maitrise plus et sur ces incursions dans la littérature et les catastrophes du passé. Deux époques mais une même menace climatique.
Le chapitre 16 débute ainsi « Vous le connaissez un peu, maintenant, Elias Torres. Je suis une voix qui a votre voix dans votre tête »
Oui, après lecture, j'ai l'impression de le connaitre, ou tout du moins de l'avoir croisé dans quelque librairie toulousaine, cet écrivain qui se confie avec sincérité, et avec lequel j'ai déambulé dans Toulouse. C'est ma ville que j'ai aimé redécouvrir et vivre sous la plume de Vincent Messager alias Elias Torres. Il sait si bien la raconter. Oui, je me suis inquiétée pour lui et sa famille, et j'ai été curieuse d'en savoir plus sur ce petit âge glaciaire. Et, je dois l'avouer, j'ai été triste de laisser ce personnage attachant et son projet de roman à la page 254. Car oui, j'aurais aimé que ce roman captivant soit plus long.


Commenter  J’apprécie          763
L'entame est accrocheuse, elle capte immédiatement l'attention avec les armes du thriller alors que Les années sans soleil n'a rien du polar ou du roman à suspense. Si le récit a pour cadre la pandémie actuelle et ses multiples confinements, c'est pour nous refiler en contrebande un roman intimiste sur le désarroi d'un narrateur écrivain qui voit son cercle relationnel_famille, amis et collègues_fragilisé par les restrictions et les violences de toutes sortes.

Le roman séduit par l'élégance de son style, l'écriture adoucit délicatement les affects mais l'axe narratif se perd un peu au fil des pages. Vincent Message tente d'exploiter tous les signaux les plus bruyants qui occupent notre quotidien mais peine à établir un lien fort et obsessionnel entre tous les éléments constitutifs de l'intrigue.
Ce qui s'annonçait pour moi comme un récit montrant un écrivain à sa table de travail dans un contexte social anxiogène s'effiloche rapidement, les idées ne trouvent pas de cheminement intellectuel solide auquel se cheviller. Elle paraissent comme abandonnées au vent faute d'être arrimées à quelque chose d'ancré, comme si l'auteur ne construisait pas mais regardait ce qui s'offrait à lui dans une chronique du quotidien mouvante et indéterminée. Si c'était le projet de Vincent Message, il m'a clairement manqué quelque chose de l'ordre du scalpel caché de l'écrivain qui fait son miel d'un coeur entrouvert, ou les divagations aériennes d'un narrateur enclin à l'introspection.

Malgré des qualités de style évidentes, je referme Les années sans soleil avec le sentiment d'avoir lu un récit un peu vain, un peu superficiel, dans lequel on se contente de contempler son reflet dans le miroir.
Ça ne va pas abolir mes réticences concernant les fictions sensées capturer l'hyper contemporain : on a la sensation que tout cohabite mais tout se périme aussi vite qu'il est apparu. Finalement c'est le genre de roman qui conforte un peu plus la conviction qui est mienne : pour faire oeuvre de littérature, le réel a besoin de temps.
Commenter  J’apprécie          570
Une famille confinée à Toulouse

Vincent Message raconte le quotidien d'un écrivain confiné avec son épouse et ses deux enfants à Toulouse. Pour se rassurer, il va chercher dans les livres les pires périodes de l'Histoire. Et trouver une belle matière à réflexion au milieu du chaos.

Il y a quelques événements dans la vie d'un pays qui marquent tous les habitants ou presque. le jour de la chute du mur de Berlin, le 11 septembre, la victoire en finale de la coupe du monde de football ou plus récemment le confinement. C'est cet événement qui sert de fil rouge au nouveau roman de Vincent Message. Son narrateur, l'écrivain Elias Torres, se souvient très bien où il était quand les restrictions ont été décidées. À l'aéroport de New York pour y rencontrer son éditeur et sa traductrice, car l'un de ses romans devait paraître aux États-Unis. Mais après les nouvelles mesures de restrictions sanitaires décidées à la hâte devant la progression de l'épidémie, il ne quittera JFK que pour repartir d'où il était venu, laissant derrière lui ses illusions et un livre quasiment mort-né.
Ayant retrouvé son épouse et ses enfants, il ne se doute pas qu'ils vivent leurs dernières heures d'insouciance. Revenus d'une escapade dans les Corbières, ils retrouvent leur appartement toulousain. «Et aussitôt après, tout a fermé. le lycée de Maud, la crèche de Diego, la librairie, la plupart des commerces. Les rideaux de fer et les stores se sont baissés pour ne plus se relever, comme si on était entrés dans la stase d'un dimanche infini, ou qu'il faisait nuit en plein jour et que le soleil était une autre forme de lune.» Alors, il faut expliquer aux enfants une situation dont on a soi-même de la peine à appréhender les tenants et les aboutissants. Alors il faut faire bonne figure en se doutant que ce ne serait pas simple. «En temps normal déjà, nous sommes quatre personnes avec des besoins très distincts, pas évidents à concilier, avançant cahin-caha, d'un compromis frustrant à l'autre, mais face aux événements en cours, ce serait pire, aucun de nous ne serait libre et n'aurait ce qu'il voulait.»
Alors pour conjurer la peur, chacun cherche à s'occuper. D'abord à parer au plus pressé, même si cela est un peu irrationnel. Faire le plein de courses pour ne manquer de rien au cas où. Elias va jusqu'à commander des jerrycans pour faire des réserves d'eau. Achat qui s'avérera inutile mais va le pousser à ranger sa cave pour trouver de la place aux conteneurs. Après ce tri lui vient l'idée de creuser le sujet qui les préoccupe tous, essayer de connaître les pires moments que la terre a traversé. L'occasion de rendre visite à Igor Mumsen, un vieil érudit qui possède des livres de Procope de Césarée relatant l'ère de Justinien, les guerres et les catastrophes endurées par le peuple. «Je tenais avec cette oeuvre de quoi m'occuper des semaines. Je ne savais pas encore ce que je pourrais en faire, si c'était du travail ou une lecture sans but, mais cela produisait sur moi l'effet exact que je cherchais. J'étais ailleurs, dans un autre espace-temps, à partager les préoccupations et les vicissitudes d'un historien, d'un général et d'un empereur qui n'étaient plus que poussière depuis mille cinq cents ans. Je lisais avec avidité ces histoires de massacres, de villes assiégées et pillées, de revirements d'alliances, d'assassinats qui faisaient passer les années 1970 pour un bal des débutantes, et je relativisais un peu nos malheurs de Modernes, et je respirais mieux.»
Vincent Message ne nous cache rien des tourments de son personnage, des difficultés psychologiques au sein de la famille, du degré de saturation que la situation engendre. Sa fille de dix-huit ans qui s'éloigne toujours un peu plus de lui, sa femme qui n'en peut plus de tenir le ménage à bout de bras. Mais le romancier nous offre aussi les clés pour s'affranchir de cette période très pénible à vivre. Avec les livres, avec la poésie d'Hölderlin, avec des projets d'écriture, avec les rencontres qu'il va faire.
Après Cora dans la spirale qui nous confrontait, à la complexité de la vie d'une femme soumise à une société de la performance et à la violence du management, Vincent Message se penche, tout au long de cette chronique d'une année particulière – durant laquelle tous les repères sont brouillés – sur une France de plus en plus dure, une jeunesse opprimée et un avenir incertain face aux enjeux climatiques. Et semble s'interroger sur les prochaines années sans soleil.


Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          503
Comme d'habitude, le roman de Vincent Message pose des questions bien pertinentes, sur le réchauffement climatique, l'engagement, les violences policières, la place de la littérature dans nos vies… Mais j'ai quand même été un peu déçue, j'ai moins aimé que Cora dans la spiraleLes Veilleurs. Ça reste un peu trop proche de mon réel, ça manque un peu du grand souffle romanesque qui, même quand ça parle des duretés de notre monde, vous apporte grâce à l'imaginaire l'oxygène permettant de mieux respirer.
Et en même temps que j'écris ça, je me dis « tu es dure quand même, c'est un livre sympa, qui se lit bien, plein de choses intéressantes ». Disons que j'ai bien aimé, mais que je m'attendais à mieux de cet auteur.
Ça démarrait fort… ce qui a peut-être contribué à me donner des attentes qui ont été déçues.
« Chacun d'entre nous se souvient où il était quand ça a commencé, ou plutôt quand il a compris que ça n'était pas anodin, que ça ne toucherait pas que les autres, que c'était parti pour durer. »
Pour le narrateur, Élias, c'est quand il descend de son avion pour rentrer sur le territoire des États-Unis. Et la manière dont il se fait refouler m'a fait croire qu'on était dans une dystopie, dans un roman de grande catastrophe, où tout bascule. Finalement ce qu'il racontera dans ce livre est assez proche de mon vécu du confinement, du moins sans grande surprise. Remarquez, c'est peut-être là l'habileté, la fine ironie de Vincent Message, peut-être bien qu'on est en train de basculer pour de vrai dans la grande catastrophe, que si «la dystopie fait le récit d'une société difficile à vivre, pleine de défauts, et dont le modèle ne doit pas être imité», la nôtre y est éligible, et que si on ne s'en rend pas compte, c'est juste parce qu'on est un peu myopes 😉. N'empêche que la créativité de l'imaginaire m'a semblé beaucoup moins forte que dans mes précédentes lectures de Vincent Message, y compris le récit très réaliste de Cora dans la spirale, et ça m'a manqué.
Commenter  J’apprécie          472
Voici un roman fort sympathique qui se déroule dans la belle ville de Toulouse.

Elias Torres, le narrateur, est un écrivain avec peu de succès. Il vit avec sa femme Camille et leurs deux enfants : l'aînée, Maud, est une jeune lycéenne militante pour l'écologie et Diego, son petit frère, est gentil mais un peu trop petit pour comprendre tout ce qui va se passer autour de lui.

Elias a du mal vivre de la littérature, un monde auquel il appartient pourtant. Il travaille donc dans une librairie tenue par l'un de ses amis, non pas « Ombres blanches », célèbre enseigne toulousaine, mais une petite échoppe plus loin du centre ville, où il peut lire ce qui lui plaît.

Lorsque le livre démarre, Elias est censé être invité aux Etats-Unis pour parler de la traduction de l'un de ses livres, mais rien ne se passe comme prévu et il doit faire demi-tour sans avoir rencontré ses hôtes américains. Un signe pour la suite. de retour chez lui, il est un peu à court d'inspiration littéraire, mais, avec sa femme qui travaille, sa fille avec qui discuter, et son fils à élever, la vie n'est pas désagréable à Toulouse.

Mais c'est sans compter sans un méchant virus qui débarque sur l'Europe et qui oblige tout le monde à se confiner. La vie d'Elias et de sa famille bascule : vivre à 4 dans un petit appartement toulousain, sans avoir le droit de marcher jusqu'au Canal du Midi ou bien vers le centre ville, ne plus rencontrer de lecteurs, c'est beaucoup pour notre narrateur qui très vite ressent le besoin irrépressible de sortir (très jolie scène de ballade en dehors des consignes imposées et rencontre avec la maréchaussée ... Avec qui Elias tente de négocier).

Alors l'écrivain va se concentrer sur une recherche un peu improbable liée au climat : par le passé, l'Europe a connu par le passé une période sombre : dans les années 535 et 536, le soleil a cessé de briller pendant dix-huit mois. Plusieurs explications se présentent, mais la plus probable est une grosse éruption volcanique. Ses recherches conduisent Elias à renouer avec son voisin poète, Igor Mumsen. Aurait-il trouvé là la source d'inspiration qui lui manquait ?

Et puis l'histoire prend un nouveau tournant. L'auteur se concentre alors sur le personnage de Maud, notamment au cours d'une soirée sur les berges de la Garonne, lorsque le déconfinement autorise les jeunes à se retrouver enfin.
Mais c'est sans compter sur des évènements relevant de ce qu'on appelle prosaïquement les « violences policières ».
Maud en est l'une des victimes, et les conséquences vont être profondes sur elle et sur toute la famille.

Vivre en tant qu'écrivain aujourd'hui est loin d'être une sinécure, nous fait comprendre Vincent Message au travers de son personnage principal qui semble ressembler beaucoup à son auteur. J'ai plusieurs amis écrivains ou poètes et je confirme. Vivre de sa passion artistique relève d'un défi quotidien – Elias va par exemple découvrir les soi-disant avantages d'un petit boulot comme celui de livreur de repas à vélo.

Vivre ses convictions écologiques, en lutte contre le système qui crée ce dérèglement climatique n'est pas de tout repos non plus. Maud va en subir les conséquences.
Mais ces personnages sont tous très attachants. On aura suivi Elias au jour le jour avec ce confinement qui tape sur les nerfs de toute la famille et on a pu s'identifier à cette période qui nous a tous épuisés.

Dans cette sorte de journal du confinement, suivi d'une réflexion sur le couple, la famille, et les interrogations du moment avec la lutte contre le réchauffement climatique, Elias Torres aura trouvé son sujet pour son prochain roman, et Vincent Message aura trouvé lui un style contemporain pour nous parler de nos errances dans ces tentatives de se frayer un chemin aujourd'hui dans des vies de plus en plus chaotiques avec plus ou moins de bonheur – un questionnement qu'il aura réussi à nous partager et c'est déjà beaucoup.
Commenter  J’apprécie          449
Emprunté à la Bibliothèque Buffon- 15 mai 2022


Une très belle surprise que la découverte de cet écrivain à travers ce premier écrit que je lis de lui,avec un immense plaisir.

Le narrateur, Un écrivain au succès discret, libraire à ses heures,par plaisir mais aussi pour "faire bouillir la marmite"....se raconte dans un présent très spécial...

Elias Torres vit heureux à Toulouse avec Camille et leurs deux enfants: Maud, une ado et Diego, un petit garçon de trois ans...puis, cataclysme un certain mois de mars 2020, où tout bascule.Le premier confinement, plus le droit de quitter son pays,ni sa ville et puis ,ni son propre quartier!!

La vie de chacun est remis en cause de fond en comble.
Alors, Elias va devoir s'adapter, aider sa compagne, s'occuper de son petit garçon, et de son adolescente de fille, déprimée et dans la colère....absolue.

Tout tangue. ..

Elias , au moment de l'Enfermement généralisé se rendait aux États-unis pour la traduction et la sortie d'un de ses livres....Il doit, après un contrôle énergique et peu amène, revenir en France, dépité par ce voyage très important pour sa carrière d'écrivain !
Tout est donc à l'arrêt. ..

L'auteur décrit bien tous les aspects de nos quotidiens, chamboulés...nous laissant perdus, embués d'anxiété, de peurs diverses...nous adaptant du mieux possible à l'inimaginable...
Crise de couple, la promiscuité perturbante des familles, l'agressivité, la colère couvant...au fil des accumulations des frustrations....Heureusement, il y a la cave...où Elias peut s'abstraire de l'appartement, de la proximité constante
obligée avec sa famille...et puis, évidemment il y a Les Livres, la Littérature...l'Écriture...qui le portent allègrement.


Heureusement...Elias a un grand ami, poète écrivain, Igor, un vieux monsieur se trouvant être son voisin; il se doit de lui rendre plus souvent visite, Igor faisant partie de ces personnes fragiles, vulnérables...Jusqu'à son hospitalisation, ils parleront de littérature, de poésie...et de ce fameux grand oeuvre qui accapare subitement " notre écrivain" :L'histoire secrète " de Procope de Césarée....dans un autre espace temps....lui offre une évasion lointaine et interpellante ...


"Je tenais avec cette oeuvre ("Histoire secrète " de Procope de Césarée) de quoi m'occuper des semaines.Je ne savais pas encore ce que je pourrais en faire,si c'était du travail ou une lecture sans but,mais cela produisait sur moi l'effet exact que je cherchais. J'étais ailleurs, dans un autre espace-temps,à partager les préoccupations et les vicissitudes d'un historien,d'un général et d'un empereur qui n'étaient plus que poussière depuis mille cinq cents ans.je lisais avec avidité ces histoires de massacres,de villes assiégées et pillées, de revirements d'alliances,d'assassinats qui faisaient passer les années 1970 pour un bal de débutantes, et je relativisais un peu nos malheurs de Modernes,et je respirais mieux."(p.129)

Un texte positif, rempli d'ironie bienveillante...qui offre une remise en question simple et sincère d'un écrivain " modeste"...,un père et un mari "acceptables" mais peu impliqué dans les inévitables affres de l'intendance du quotidien...cette " catastrophe sanitaire" lui fera prendre conscience du bonheur du plus simple présent, pleinement
vécu et assumé !


De très beaux passages sur le Japon, la poésie, les miracles offerts par les Livres et la Littérature ! Une ode des plus jubilatoires à la Vie et à l'Art !

"J'ignorais toujours comment transplanter dans le reste de ma vie le calme que j'éprouvais lorsque je lisais un bon livre ou que je me promenais dans un jardin comme celui-ci. Ce n'était peut-être pas possible. Ou bien c'était à inventer.Je me suis demandé : Qu'est-ce qu'on contemple quand on contemple ? Qu'est-ce qui fait,comme l'écrit Hölderlin,que ce ne sont pas tant l'objet ou le paysage qui importent, mais la contemplation elle-même ? Je me suis dit soudain que la réponse tenait peut-être bêtement en un mot: le présent. La présence au présent que je cherchais toujours en vain.(p.253)"
Commenter  J’apprécie          390
Ce livre fut pour moi un pays étranger et ses habitants également. Tous ces noms de personnalités pour moi inconnues, qui existent ou pas d'ailleurs. Pour le savoir, j'aurais dû maintes fois consulter le dictionnaire. Ce que je n'ai pas fait, tellement cela m'a paru fastidieux.
Quant au titre alléchant "Les années sans soleil" (535-536), qui devraient être le sujet principal du roman et la raison pour laquelle d'ailleurs j'ai emprunté ce livre, elles ne sont qu'évoquées et pas développées.
Donc, une déception.
Commenter  J’apprécie          280
"Souvent je me demande si la littérature doit se confronter au réel dans ce qu'il a de plus massif, ou plutôt nous ouvrir à l'expérience d'un réel plus discret, secret ou méconnu."

Ce qu'il y a de profondeur dans ce questionnement sert de fil rouge à ce roman et au cheminement de son héros. Elias Torres est écrivain et libraire à Toulouse où il vit avec Camille et leurs deux enfants. En ce mois de mars 2020, l'air est chargé d'une menace, les frontières se ferment, la ville s'éteint, on se barricade. le réel prend une forme inédite, inquiétante. Demande à s'adapter et laisse entrevoir que chacun, à son niveau sortira changé de cette expérience. L'intimité est bousculée, autant que les convictions. Les existences sont remises en cause. Pour Elias, la vie se trouve néanmoins toujours dans les livres, les poèmes de son ami Igor Mumsen, ceux qu'il lit, qu'il conseille, ceux qu'il écrit. Ceux dans lesquels il cherche inlassablement des réponses, comme ces textes qui relatent les événements climatiques de 535-536, les deux années les plus froides pendant lesquelles "le soleil avait disparu" et qui pourraient être le point de départ d'un prochain roman. Pour Maud, sa fille adolescente, le réel est dans l'engagement pour sauver ce qui peut l'être alors que dans son environnement les signaux d'alerte se multiplient. le soleil chauffe à blanc les rues de la ville tandis que peu à peu les individus retrouvent un semblant de liberté... illusion vite chassée par la réalité d'un climat de surveillance dont la jeune fille fera les frais.

Il y a une douceur inédite dans l'écriture de Vincent Message, qui donne à la confrontation avec le réel une couleur résolument optimiste. Étrangement, c'est un sentiment de bien-être qui m'a peu à peu envahie, et l'émotion m'a étreint le coeur à la fin. Je ne m'y attendais pas. Il compose un roman relativement court dans lequel il ne se contente pas de capturer notre époque, il la met en rapport avec L Histoire et en miroir avec la littérature, l'art et la poésie. Interroge à travers les âges notre façon de laisser des traces, de communiquer et peut-être aussi de résister. Se demande, par la voix d'Elias "si les poètes servent à grand-chose quand l'époque est à la détresse" même si "la rumeur court depuis longtemps que les textes font de bons tombeaux". Si le mot de confinement n'est jamais écrit dans ce livre, c'est pour une bonne raison : ce n'est pas le sujet, simplement le contexte qui a projeté chacun d'entre nous dans une réalité alternative avec l'obligation de changer sa façon de regarder. Qui a rebattu les cartes des cellules familiales. Et transformé nombre de perceptions du métier de vivre. Comme celle d'Elias irriguée par la contemplation de la beauté et dont l'envie de parvenir à renouer avec l'émerveillement des premières fois se fait communicative.

"J'ignorais toujours comment transplanter dans le reste de ma vie le calme que j'éprouvais lorsque je lisais un bon livre ou que je me promenais dans un jardin comme celui-ci. Ça n'était peut-être pas possible. Ou bien c'était à inventer."

Oui, inventons-le.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
Commenter  J’apprécie          180




Lecteurs (168) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1726 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}