Gardiens des cités perdues, tome 1

- Voilà ton casier. Tu vois cette bande argentée ? dit-il en désignant un rectangle brillant juste en dessous du symbole Tu la lèches. Ton ADN sert à déverrouiller le loquet.
- C’est dégoûtant.
- Ça a bon goût.

Et puis, comment un humain pourrait-il m’enseigner la manière d’utiliser mes pouvoirs ? Ils n’ont aucun de nos talents.

Être elfe c’est avoir des pouvoirs et savoir les utiliser

- Oh, ne vas pas t'améliorer en alchimie, Foster! lança Keefe d'un ton réprobateur. Qui d'autre serait capable de détruire les capes de Lady Galvin, autrement?

- Ne t'en fais pas, je doute que Sophie puisse jamais devenir bonne en alchimie, lui dit Marella. Tu veux la liste de tout ce qu'elle a fait exploser?

- Elle a encore fait sauter des trucs? (Il adressa à Sophie un sourire malicieux.) Je veux tout savoir.

-On est en plein milieu des cours. Soit tu es perdue, soit tu sèches, ce qui n'est clairement pas le cas.

-Et pourquoi donc ? répliqua-t-elle du tac au tac, mais sans véritable raison.

-C'est le cas ?

-Non, admit-elle.

Il eut un petit sourire en coin.

-Tu es la nouvelle, n'est-ce pas ?

Laissée, elle confirma d'un hochement de tête.

-Moi c'est Keefe.

-Sophie, mais je parie que tu le sais déjà.

Il s'esclaffa.

-Tu es probablement le plus gros scoop de l'académie depuis l'incident du Grand Goulon il y a trois ans. Avec lequel je n'ai rien à voir, au passage. (Il prit un air malicieux.) Mais ce n'ait pas un mal. Personnellement, j'ai toujours adoré être au centre de l'attention.

Elle n'en doutait pas. Depuis sa tignasse en bataille jusqu'à sa façon de rouler ses manches en laissant traîner les pans de sa chemise, elle le voyait bien - il était cool. Populaire aussi, sans doute. Alors pourquoi lui adressait-il la parole ? Elle manqua de le lui demander, mais se ravisa à la dernière seconde.

-Où es-tu censé être ? demanda-t-elle à la place.

-L'univers. Je sèche dès que je peux. Lady Belva a un gros faible pour moi. Enfin, difficile de lui en vouloir ... (Keefe désigna son corps.) Mais quand même, c'est gênant, tu comprends ?

Elle avait beau être sûre à quatre-vingts-dix pour cent qu'il plaisantait, force était de constater qu'il était beau garçon. La moitié des filles de l'école, au moins, devait en pincer pour lui.

-Et voila que je rencontre la mystérieuse petite nouvelle, ajouta-t-il. Autant dire que j'ai bien fait de tirer au flanc.

Elle se sentit au rougir et pria pour qu'il ne le remarques pas.

-Je n'ai rien de très mystérieux.

-Je ne suis pas d'accord. Tu ne m'as toujours pas expliqué pourquoi tu n'était pas en classe. Ne vas pas croire que j'ai oublié.

Elle fixa ses pieds.

-C'est parce que c'est trop gênant.

-J'adore les histoires gênantes !

Il s'esclaffa devant son mutisme.

-Tu veux bien au moins me dire quel cours tu sautes ?

-Alchimie, avec Lady Galvin, soupira-t-elle.

-Ah, quelle horreur ! Je l'ai eu en Niveau 3. Elle me détestait, sans doute parce que j'ai transformé la table en argent. Mais elle disait vouloir être impressionnée. (Clin d'oeil) Enfin, à ta place, j'éviterais de lui dire qu'on est amis.

Amis ? Depuis quand les beaux gosses voulait-ils d'elle comme amie ? Même si elle n'allait pas sans plaindre ...

-Alors, quoi, elle t'a mise à la porte ? demanda-t-il.

-Si ont veut.

-Mais encore ?

-Tu vas te moquer de moi.

-Sans doute, confirma-t-il.

De toute évidence il ne lâcherait pas le morceau, aussi garda-t-elle les yeux rivés au sol.

-J'ai accidentellement fait sauter le sérum que j'était en train de préparer.

Il éclata de rire, comme elle s'y attendait.

-Tu as causé des dégâts ?

-Seule sa cape a été touchée ...

-Ouh là là ! Tu te rends compte combien c'est mythique, ce que tu viens de faire ? Sa cape, c'est sa fierté, sa joie ! Elle t'a envoyée au bureau de Dame Alina ?

-Je crois que tu la mets mal à l'aise, Dex, dit Edaline avant qu'il ait pu poser une nouvelle question.

-Vraiment? Désolé. Ce n'était pas mon intention.

-Ce n'est rien. Je suis bizarre, je le sais dit Sophie avec un haussement d'épaule.

Dex lui adressa un sourire agrémenté de fossettes.

-J'adore tout ce qui est bizarre.

-Qu'est-ce qui t'amène aujourd'hui, Keefe ? demanda Elwin.

-Je ne faisais qu'aider une de mes camarades, monsieur.

Le docteur sourit.

-Je remarque que tu as dû manquer un cours dans ce but.

-Je sais. Quel dommage, soupira-t-il avec exagération. Mais Sophie avait besoin d'aide, alors que pouvais-je faire d'autre ?

-Oh, vraiment ? J'imagine que tu as besoin d'un mot d'excuse.

-Quelle bonne idée.

Tu as toujours su saisir ta chance, dit Elwin en tendant un papier au jeune homme. Les cours finissent dans une demi-heure, alors à ta place je prendrais tout mon temps.

-Oh, je ne peux pas partir comme ça ! Pas avant d'être sûr que Sophie va bien.

-Mm-hmm. Alors, cette brûlure ? demanda Elwin à Sophie.

[...]

Il fronça les sourcils.

-On dirait une brûlure à l'acide. Comment as-tu fait ton compte ?

-Euh...un léger accident en cours d'alchimie.

Keefe mima une énorme explosion, effets sonores compris.

-Elle a détruit la cape de Galvin.

Elwin lui lâcha la main, pris d'un violent fou rire.

-Si seulement j'avais pu voir ça !

[...]

Sophie savait que l'anecdote la poursuivrait un bout de temps.

-Tout simplement mythique ! dit Keefe, confirmant ses craintes. J'ai trop hâte d'être à demain !

Elle soupira. Il était bien le seul.

Lorsqu'une version hautement romancée de la Destruction de la Grande Cape se propagea à travers l'école plus vite que les feux blancs de son ancienne ville, Sophie sut que Keefe en était le principal responsable. Même ses mentors étaient au courant.

Sir Conley s'amusait à dire qu'il leur faudrait travailler pour maitriser la mise en bouteille du feu en élémentalisme, de façon à ce qu'elle n'incendie pas l'établissement. Lady Anwen l'informa en cours d'études multiespèces qu'elle n'avait pas ri si fort depuis 324 ans. Quant à Sir Faxon, il avait dû annuler son séminaire de métaphysique après avoir recraché de jus de luxuriante partout sur ses habits.

Une fois de plus, Sophie sentait les regards la suivre quand elle errait dans les couloirs - sauf qu'à présent, tout le monde voulait faire sa connaissance. Des élèves l'invitaient à les rejoindre au déjeuner. Ils se présentaient pendant l'orientation, à l'intercours. Complimentaient ses yeux. La semaine suivante, Dex lui annonça que Slurp et Burp avait commencé à recevoir des commandes de collyre brun pour les yeux. Il travaillait à sa création.

-J'ai accidentellement fait sauter le sérum que j'étais en train de préparer.
Il éclata de rire, comme elle s'y attendait.
-Tu a causé des dégats ?
-Seul sa cape a été touchée...
-Ouh là là ! Tu te rend compte combien c'est mythique, ce que tu viens de faire ? Sa cape, c'est sa fièrté, sa joie ! Elle t'a envoyée au bureau de Dame Alina ?
- Non, au centre de soins.

Tu n’as pas à t’inquiéter.
-Alden

Il n'était pas laid, pourtant il y avait quelque chose d'étrange dans son apparence... mais quoi exactement ?
La réponse s'imposa soudain à elle et Sophie sursauta.
- Qu'y a-t-il ? demanda Bronte.
Cinq paires d'yeux bleus étaient rivées sur elle.
- Désolée, marmonna-t-elle, le regard baissé. Ce sont vos oreilles. Je ne m'y attendais pas.
- Mes oreilles ? répéta Bronte, confus.
Fitz partit d'un grand éclat de rire. Les autres l'imitèrent un par un pendant que Sophie se tortillait sur place. Bronte ne semblait guère ravi d'être le dindon de la farce.
- Je crois qu'elle ne s'attendait pas à ce qu'elles soient...pointues, répondit enfin Alden. Nos oreilles changent de forme avec l'âge. C'est ce qui nous attend tous.
-Moi aussi, j'aurai les oreilles pointues ?
Sophie porta précipitamment les mains à ses oreilles, comme si elles se transformaient déjà.
-Pas avant quelques milliers d'années, la rassura Alden.