Passé mon agacement et ma déception causés par un envoi désinvolte et peu soigné qui, de ce fait, a écorné ledit numéro de
Métal hurlant, je constate que la qualité est toujours là, comme du temps où je lisais avec avidité ce journal, auquel un excellent film d'animation a rendu par ailleurs hommage dans les années 1980 : Heavy Metal, de
Gerald Potterton.
En effet, en lisant ce numéro de
Métal hurlant, me sont revenus en mémoire les albums de Caza,
Druillet, Bilal, Moebius, etc., ces enfants terribles de la bande dessinée, qui sont tous passés par
Métal hurlant et ont révolutionné le Neuvième Art.
J'ai ainsi beaucoup apprécié « RED », de Virginie Augustin, évoquant de loin en loin Arzach de Moebius, fort d'un message positif inscrivant l'humanité dans une histoire universelle. À moins que nous nous autodétruisions avant…
Je retiens encore « Ressource », de Nikolai Pisarev, dont le dessin plutôt brumeux colle parfaitement à ce récit sur l'avidité humaine qui peut s'avérer fatale. Récit violent et expéditif. « Ailleurs » de Aimée de Jongh, offre une fable utopique qui, comme toutes les utopies, ne saurait être viable. Dommage. Notons ses agréables nuances de bleu et de rouge dans le dessin, qui symbolisent peut-être la Terre et Mars. Mention spéciale pour « Exolove », de Jorg de Vos et
Marc Caro, digne de certaines planches de L'Incal, de Moebius-Jodorowsky.
D'autres nouvelles ressuscitent cette pop-rock culture des premiers âges de
Métal hurlant, notamment le prodigieux «
David Jones », de
Richard Guérineau, où il est question du chef des Araignées de Mars, entre autres. Comprenne qui pourra… « À la recherche du Mob », de Jean Dalin, est de même une plongée psychédélique, aidée par les vapeurs éthyliques du Crazy Loco. « le messager », de
Peter Snejbjerg, me fait quant à lui penser à l'univers de Valérian.
Toutes les fictions ne se valent évidemment pas. Certaines histoires sont d'un ainsi d'un moindre intérêt, comme « L'énigme », de
Laurent Siefer, un peu trop enfantine à mon goût. Quant à « Triangle d'été », de
Toru Terada, on frôle la niaiserie pseudo-poétique, selon moi.
Cependant, il faut reconnaître que, dans l'ensemble, ce magazine est une réussite tant visuelle que narrative. Côté visuel, la palme revient à « SOS », de Elie Hault, succession de planches en noir et blanc silencieuses et minimalistes qui convergent vers un merveilleux onirisme.
Métal hurlant c'est aussi du texte, à travers des articles fort intéressants et fort métalliques à l'occasion, comme celui de Donnie Ka, qui a l'élégance de rappeler qu'Ash Ra existe, qui nous a offert ce chef-d'oeuvre planant : New Age of Earth. Toutefois, pour Mars, à défaut de Master of Reality, de Black Sabbath, je mettrai plus volontiers dans mes bagages Paranoid, des mêmes Black Sabbath, question de goût.
Saluons les offres de voyage sur des planètes délirantes, comme Armabbidon où l'on vous propose de créer « des mondes et en les détruisant au gré de votre seul bon plaisir », ce que certains, chez nous, ont déjà envisagé, sans succès pour le moment, merci à eux !
Puisqu'il est question de Mars, un article très fourni est consacré à la fameuse émission radiophonique de 1938, lorsque le jeune Orson Welles raconta, avec un terrible réalisme,
La Guerre des mondes, d'
H.G. Wells, si bien que la panique s'empara de certains auditeurs. Exemple fondateur de la manipulation des masses par les médias, toutefois exagérée au fil des ans par les mêmes médias, comme le souligne
Claude Ecken dans son article, où on peut lire ceci : « Si l'auteur est un bon menteur, à la différence de l'escroc, il ne cache pas qu'il ment. »
Et des escrocs aux « savants » amateurs délirants, il n'y a pas loin, comme ceux qui imaginent qu'Hitler ne s'est pas suicidé et a fui sur la Lune, nous explique avec une ironie désabusée un autre articleNatacha Buck. Une Lune qui, pour d'autres illuminés, pourrait être un vaisseau géant, rien que ça. La Lune est en fait un Faucon Millenium géant et nazi ! Je comprends mieux maintenant pourquoi l'intelligence extraterrestre se tient loin de nous…
Dans ce numéro,
Métal hurlant nous rapproche un peu plus de Mars, que nous effleurons à peine et qu'un jour prochain nous foulerons de nos pieds, en espérant ne pas tomber sur les Martiens de
Tim Burton, car l'explosion de rire précéderait inévitablement notre désintégration en entendant leur « voix de canard » et reluquant leurs « têtes de morts-vivants » avec un cerveau indécemment proéminent !
(Remerciements à
Métal hurlant & Babelio)