AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,83

sur 205 notes
5
21 avis
4
23 avis
3
8 avis
2
2 avis
1
0 avis
°°° Rentrée littéraire 2023 # 12 °°°

Le premier chapitre, « Personne dans la danse », pose impeccablement le décor. Strasbourg, 1518, un été torride après des années de famines, d'épidémies et de révoltes paysannes. La ville apparait comme une ville maudite frappée de toutes les calamités, d'autant qu'une comète s'y est écrasée il y a quelques années, phénomène prémonitoire interprétée comme un signe de damnation divine, comme une apocalypse à venir plaçant Strasbourg en chute libre vers l'enfer … d'autant qu'aux confins du Saint Empire romain germanique tonne la guerre face aux Turcs ottomans. C'est dans ce contexte lourd qu'une femme se met à danser, seule, sans musique, entre transe et extase, des jours et des nuits sans s'arrêter.

Une fois posé ce prologue saisissant, Kiran Millwood Hargrave présente ses personnages, essentiellement féminins : Lisbet, apicultrice au coeur brisé par de multiples fausses couches, une nouvelle fois enceinte mais persuadée qu'elle est maudite étant né le jour de la comète ; sa belle-mère l'endurcie Sophey ; sa meilleure amie Ida qui a épousé un tyran ivre de pouvoir depuis qu'il appartient gravite autours des XXI, le conseil municipal ; et enfin sa belle-soeur Agnethe qui revient après sept ans de pénitence dans un monastère pour un crime tabou que Lisbet ignore.

Les personnages sont très monolithiques, unidimensionnellement vertueux ou unilatéralement mauvais. En général, j'apprécie les personnages plus gris, plus ambiguës ; mais ici, j'ai trouvé que ce manque de complexité était pile ce que j'avais envie de lire pour cette histoire-là. Pas grave qu'on devine assez vite le secret d'Agnethe et qu'on trouve Lisbet un peu nigaude de ne pas l'avoir trouvé. En fait, les surprises ne proviennent pas de la personnalité des personnages à proprement parler mais de leurs failles et secrets qui les poussent à agir parfois très loin des conventions sociales de l'époque. Bref, je me suis fait prendre par le récit.

Le récit est éminemment immersif, l'autrice proposant de superbes descriptions, souvent poétiques, des lieux et des actions ( notamment tous les gestes de Lisbet auprès de ses abeilles avec lesquelles elle interagit en quasi symbiose ). Elle entraine le lecteur dans un récit follement romanesque, en empathie totale avec ses personnages féminins, le coeur battant de la narration, explorant des thèmes forts autour de la condition féminine ( maternité, patriarcat ) ou du poids oppressant de la religion, de la superstition et du fanatisme dans une société obsédée par le péché et la fin du monde.

Et puis, il y a cette toile de fond passionnante et très singulière de l'épidémie de danse qu'a connu Strasbourg en 1518 pendant quelques mois, épisode historiquement très documenté. Jusqu'à 400 femmes ont rejoint la danseuse du prologue, pour une danse frénétique et fatale ( certains jours, une quinzaine de femmes sont mortes de déshydratation ou épuisement ) qui a alerté les autorités municipales perplexes devant cet acte d'hystérie collective qui pouvait aussi bien être inspiré par Dieu que par le Diable. Les derniers chapitres permettent à l'autrice de relier efficacement et resserrer tous ses arcs narratifs autour de cette chorémanie incroyablement bien décrites par l'écriture nette, lisible et imagée de Kiran Millwood Hargrave :

« Cette femme pourrait être qualifiée de danseuse, même si ses mouvements donnent plutôt l'impression que deux cordes démoniaques enroulées autour de son corps la tirent dans un sens puis dans l'autre. Dans l'air étale, ses bras oscillent, frappent, tournoient au-dessus de sa tête. Ses cheveux projetés devant son visage ne laissent entrevoir de ses traits que sa bouche grande ouverte, rond comme un o horrifié, désolé. (…) En virevoltant, elle projette des postillons qui forment par terre des trainées marron, qui arrosent les visages des spectateurs. Une matière sombre atterrit jusque sur les jupons de Lisbet – une tache rouge. du sang, comprend-elle, du sang traverse les semelles de la femme. Ses souliers fuient et tandis qu'elle continue à frapper des pieds, à sauter et à tourbillonner, elle pousse des sanglots et des gémissements, des filets de morve et des larmes luisants entremêlés à ses cheveux crasseux, sa bouche à l'ovale parfait d'un rouge étrangement vif. »

Le dénouement m'a pris par surprise. Je m'attendais à quelque chose de plus sucrée ( qui n'aurait, certes, pas été totalement crédible ), mais la fin se révèle à la fois lumineuse et triste, excellente façon d'abandonner les personnages à leur destin.
Commenter  J’apprécie          10217
« L'épidémie dansante de 1518 » est un cas de manie dansante observé à Strasbourg, où l'on a pu noter que de nombreuses personnes dansaient sans se reposer durant plus d'un mois (certaines d'entre elles décédèrent de crise cardiaque, d'accident vasculaire cérébral ou d'épuisement).

Avant que je n'entende parler de "La danse des damnées" de Kiran Millwood Hargrave, je ne connaissais rien de cet événement. Cela a commencé avec une personne, Frau Troffea. Peut-être avait-elle perdu la raison, peut-être avait-elle été contaminée par l'ergot du seigle ou un champignon hallucinogène ? Certains avancent l'idée d'une transe religieuse collective instiguée par les pressions subies par le petit peuple, plutôt que la folie ou un empoisonnement massif. Nul ne sait finalement, mais quoi qu'il en soit, Frau Troffea s'est mise à danser sans discontinuer, sans que personne réussisse à l'arrêter, et ce sont des centaines de personnes qui l'ont suivie, petit à petit, en seulement un mois.

Et c'est dans ce contexte que débute l'histoire de Lisbet, pendant un été particulièrement chaud à Strasbourg, et que la vie n'a pas gâtée. Alors qu'elle a vu le jour au moment même où une comète détruisait de nombreux champs en Alsace, événement qui a été interprété comme un signe de damnation par les prédicateurs, Lisbet se sait maudite. Sa mère a sombré dans la folie, et c'est un miracle qu'elle ne l'ait pas suivi après ses douze fausses couches. Actuellement, elle vit constamment dans la peur de perdre son enfant à naître (le treizième), et ne trouve refuge et sérénité qu'en ne s'occupant de ses abeilles. Mais ce n'est sans compter la menace qui pèse sur les ruches justement, provoquant le départ de son mari alors qu'elle est à deux mois d'accoucher, et le retour de sa belle-soeur, Agnethe, après sept ans de pénitence pour un crime que tout le monde tait. Bien décidée à en savoir plus et à comprendre qui est vraiment sa nouvelle soeur qui disparaît toutes les nuits de la ferme, Lisbet va devoir franchir certaines limites imposées par Dieu en personne...

S'il y a bien un reproche qu'on ne peut pas faire à l'autrice, c'est de ne pas avoir travaillé son sujet. Que ce soit au niveau du contexte historique et de l'emprise religieuse, des croyances, des superstitions et des préjugés de l'époque, ou encore sur la manière de gérer un rucher ou sur ce phénomène qu'on appelle aujourd'hui la « chorémanie » (bien qu'il ne soit pas le fil conducteur du récit comme on peut le penser au départ), l'autrice a su bien se documenter pour mieux camper ses personnages dans L Histoire (avec un grand H) et rendre leur histoire (avec un petit h) des plus réalistes. L'ensemble nous absorbe, on y est de pieds fermes alors que tout se déroule quelques siècles en arrière, alors que l'on rirait aujourd'hui de certaines de ces superstitions ou de ces préjugés (quoique...).

Quant aux personnages, ils sont subtilement construits, suffisamment fouillés pour qu'on s'y attache (comme Lisbet et Agnethe) ou qu'on les déteste au plus haut point (comme Plater), et/ou suffisamment ambigus pour qu'on ne sache pas quoi en penser immédiatement (comme Sophey ou le jeune Daniel). J'ai aimé les suivre dans leur propre histoire, les voir composer avec leurs peurs, leurs faiblesses, leurs croyances, leurs doutes.

Il est des thèmes, un en particulier, que je ne peux évoquer sans divulgâcher, mais je peux au moins dire que la musique et les abeilles ont une place prépondérante dans l'histoire, la parsemant de poésie, de lyrisme et de chaleur tout du long, ce qui fait du bien au vu de la teneur de certains événements beaucoup moins folichons. Et même si je regrette amèrement la narration au présent plutôt qu'au passé (oui oui je sais, je radote), la plume de l'autrice est quand même très belle et magnétique, sachant dépeindre une atmosphère/ambiance propre à l'histoire, tantôt envoûtante, tantôt plus suffocante.

C'était ma première incursion dans le monde de Kiran Millwood Hargrave. C'est "Les Graciées" que j'avais repéré mais le destin (ou le hasard) aura d'abord mis "La danse des damnées" sur mon chemin, et c'est sans regret aucun.
Commenter  J’apprécie          8820
Entendez-vous le son du luth et du tambour ? Prêts à entrer dans la danse ?
Le tambour scande le rythme, le luth se fait plus subtil, tantôt complainte ensorcelante tantôt joyeux drille. Mais surtout entendez-vous les pieds des danseuses qui martèlent le sol inlassablement dans un rythme endiablé, incessant, à tel point que nombre d'entre elles vont mourir d'épuisement ou après s'être fait piétiner (jusqu'à quinze décès pouvaient être déplorés chaque jour) pendant cet épisode de folie collective de deux mois.
Mais qu'y a-t-il donc à fêter à Strasbourg en 1518 ? Absolument rien, Strasbourg est anéanti par la famine, une chaleur accablante, et les XXI, le conseil municipal, entend faire respecter l'ordre et la voix de Dieu par la violence et la terreur.
Kiran Millwood Hargrave mêle dans son récit de courts chapitres narrant d'une part l'histoire de ces transes endiablées, et d'autre part la vie de ses personnages, tout particulièrement celui d'une jeune femme, Lisbet.
Lisbet mariée depuis plusieurs années à Henne, vit avec lui et sa belle-mère Sophey dans une ferme isolée dans la banlieue de Strasbourg. Lisbet rêve de mettre au monde un enfant, car malgré de nombreuses grossesses, aucune n'est allée à son terme. Lorsqu'à nouveau son ventre s'arrondit, Lisbet, une nouvelle fois, reprend espoir.
Deux éléments permettent à Lisbet de poursuivre sa lutte ; son rucher dont elle s'occupe patiemment, ses abeilles qui lui permettent de s'oublier et procurent par la vente du miel et de la cire de substantiels revenus à la ferme, et son arbre à danser. Cet arbre, Lisbet en a fait un autel païen pour ses bébés : à chaque enfant décédé elle noue un ruban de tissu dans ses branches et dépose à son pied de petites offrandes qu'elle trouve dans la nature. Cet arbre, c'est son espace secret, le lieu de repos de son âme.
Après avoir mis quelques pages à me familiariser avec tous les personnages, je suis entrée ensuite facilement dans la danse et j'ai retrouvé avec plaisir la plume de l'autrice que j'avais appréciée dans Les graciées (on retrouve dans ce livre également le sujet de l'amour entre deux femmes qui ne peut que se vivre caché). Cependant, il y a eu de ma part une légère contrariété à retrouver cette même thématique dans cet ouvrage, d'autant que j'espérais être un peu plus plongée au coeur de la danse, je me suis trouvée un peu trop spectatrice par moments de la folie de Strasbourg.
J'ai été émue à la fin du livre en découvrant que Kiran Millwood Hargrave a beaucoup mis d'elle dans le personnage de Lisbet puisqu'elle a dû faire elle-même faire face à des fausses couches à répétition. Un sujet peu abordé en littérature et qui sans nul doute va parler directement au coeur de nombreuses femmes.
La danse fut rythmée, mais je l'aurais espérée un peu plus échevelée et surprenante, il m'a manqué un petit supplément d'âme pour m'y jeter à corps perdu et rentrer en transe… Je n'ai pas retrouvé mon coup de coeur des Graciées, et je comparerais cette déception à celle ressentie pour le portrait de mariage de Maggie O'Farrell.
Commenter  J’apprécie          5916
Quand j'étais petite, j'entendais souvent mes parents nous dire d'arrêter de faire " la danse de Saint-Guy", quand nous étions trop agités.
C'est en lisant ce roman que je viens d'apprendre l'origine de cette expression.

Nous sommes en 1528, à Strasbourg. Il fait très chaud. Et dans cette région où comète et conditions météorologiques extrêmes se succèdent, les plus vulnérables n'ont plus rien à se mettre sous la dent. Une femme, Frau Troffea se met à danser. Elle sera conduite à la chapelle Saint-Guy.
D'autres suivront et entreront dans cette danse endiablée dans les rues de Strasbourg.

Ce n'est pas l'histoire de cette femme initiatrice de cette transe collective que nous raconte l'auteure mais celle de Lisbet, épouse d'un apiculteur et elle-même "maîtresse" des abeilles.
Lisbet est enceinte et attend son treizième enfant. Elle a perdu les douze autres et désespère de devenir mère.
C'est aussi l'histoire d'Ida, la meilleure amie de Lisbet et celle d'Agnethe, sa belle-soeur.
Au coeur de ce roman, ces femmes nous entraînent dans un véritable combat.
Combat contre les hommes persécuteurs, contre une Église qui damne et punit, contre une société qui exclut.
C'est un hymne à la liberté qui fait naturellement écho à nos préoccupations actuelles. le Moyen-âge n'est pas si loin derrière nous ; le rejet des migrants, de la communauté LGBT, et les violences faites aux femmes sont tristement des faits toujours présents au Xxieme siècle.

J'ai beaucoup aimé ce roman historique et notamment le début où les secrets et les non-dits se dévoilant délicatement et sur le bout des doigts rendent l' atmosphère
feutrée et mystérieuse.

Un très beau roman.

Commenter  J’apprécie          412
C'est la ville de Strasbourg, en 1518, qui sert de toile de fond au roman. C'est l'année d'un phénomène inexpliqué : Confuse et échevelée, un femme danse dans la rue durant des jours. D'autres la rejoignent, des femmes et des hommes qui dansent, dansent, parfois jusqu'à la mort. La possession du diable ou de dieu,
une folie collective, nul ne sait.

Non loin de là, dans la ferme de son mari, vit Lisbet. Elle a été choisie pour ses hanches larges, promesses de maternité. Des maternités il y en a eu, mais les enfants sont mort- nés parce que trop prématurés. Lisbet est à nouveau enceinte et elle croit en cette énième maternité.
Sa belle soeur revient après sept ans d'enfermement dans un couvent pour une mystérieuse faute.
Son mari n'a aucune affection pour elle, son seul but est de "l'engrosser"après chaque fausse couche.
Leurs voisins les plus proches sont Ida, une "bonne reproductrice", et son mari, Plater, membre des XXI, un conseil de la ville qui dicte ses lois et sa morale.
Au milieu de toute cette noirceur il y a les ruches. Lisbet aime les abeilles et les soigne avec douceur. C'est auprès d'elles qu'elle connaît ses moments de sérénité.
Si le miel et la cire rapportent quelques revenus, personne à la ferme ne reconnaît son travail.
Un autre personnage rentre en scène au milieu du roman : Eren, un musicien turc engagé pour accompagner les danseurs fous.
Quand Lisbet découvre le mystère d'Agnethe toutes ses croyances et ses convictions volent en éclat et un monde nouveau s'ouvre à elle.
La clé du mystère relie entre eux tous les personnages.
Dans ce roman il y a autant de rudesse que de douceur. le racisme, l'homophobie, la violence, le sexisme, les superstitions religieuses, mais aussi l'amour et l'amitié sont dans la trame de cette très belle histoire.
Même si j'ai ressenti quelques longueurs, je me suis laissée porter par cette histoire d'un autre temps.
Le style est très évocateur et se créent très vite en nous des images, des bruits et surtout des odeurs...
Commenter  J’apprécie          239
Je cherchais un angle d'attaque pour élaborer ma chronique. Et puis je tourne en rond, quelques petits pas de danse, un saut en avant, un saut en arrière, et je recommence.

J'aime bien l'univers de Kiran Millwood Hargrave. Je la trouve osée, actuelle, surprenante. Son roman sur les possédées de Strasbourg est inattendu car je m'attendais à un roman historique, bien sûr, l'histoire se passe en 1518, à une histoire d'entraide féminine et à une religion forte. J'ai retrouvé tout cela avec en plus, une formation sur les ruches et les abeilles et les rites païens. J'ai par contre été surprise par le huit-clos dans la ville, la sensation d'étouffement, le surplace des danseuses. C'est tellement bien tendu comme atmosphère que ça m'a dérangé pendant une bonne partie du roman. J'avais l'impression de piétiner plutôt que danser.
L'histoire d'amour entre Agnethe et Ida met du temps à se préciser, même si on se doute depuis le début que l'exil de Neth est sûrement dû à une relation jugée inappropriée.
Les relations sont parfois violentes, les conditions de vie atroces, les soins médicaux, wouah… on passe notre tour. J'ai rêvé quelques nuits de bouches édentées et de plaies suppurantes.
« … donner des caresses à un chien n'empêche pas de donner des coups à une femme. »
Lisbet est une battante, une héroïne de premier plan. le rôle des mères est important et bien relaté. J'ai bien aimé les compagnons Frederich et Eren. Des beaux rôles d'hommes.

Et que dire de l'épidémie dansante, la danse de Saint-Guy, elle est un acteur principal et assez bien reconstituée. Même si je n'ai pas tant appris sur les raisons qui entraînent ce phénomène, je le connaissais de nom qui était utilisé dans mon enfance lorsqu'une personne était agitée et avait des soubresauts.
Ce roman a vu mon intérêt grandir au fil des pages et c'est le grand talent de l'autrice. Une finale en apothéose comme je les aime. Des femmes damnées qu'on voudrait comme amies.

« Et ce sont nous, les femmes, qui les premières en subissons les conséquences. Que nous soyons dressées ou bannies, nous sommes toujours, toujours, damnées. »
Commenter  J’apprécie          190
Strasbourg, au coeur de l'été caniculaire 1518, une épidémie dansante se répand dans les rues de la ville…
Une atmosphère romance gothique, magique et médiévale, un peu floutée et mystérieuse, pour ce roman inspiré de faits réels.

A la ferme des Wiler, Lisbet, l'épouse de Henne, appréhende sa nouvelle grossesse après avoir déjà perdu plusieurs bébés. Elle trouve un apaisement auprès de ses abeilles et en récoltant le miel de ses ruches. Son amitié avec Ida lui apporte aussi du réconfort – malgré l'ombre de Plater son mari membre du Conseil des XXI, chargé de veiller à faire régner l'ordre et la moralité…
Le retour de pénitence de sa belle-soeur Agnethe va réveiller quelque chose que tout l'entourage semble vouloir taire…

Sur la place près de la cathédrale, une femme ne cesse de danser des jours durant, emportée dans un tourbillon virevoltant, transcendantal…
Puis d'autres femmes complètent cet étrange ballet. Elles semblent avoir l'esprit ailleurs, offrant ainsi un spectacle, malgré elles, à la fois extraordinaire et inquiétant…
Transportées par un souffle puissant, ensorcelant, elles se mettent à danser, comme en état de transe, exultant…
Possédées pour les uns, touchées par la grâce pour les autres, les réactions provoquées divergent et attirent l'attention du Conseil des XXI.

« Sombrer dans la folie n'est pas un jeu ». Lisbet le sait.

C'est une époque où les superstitions, la peur des puissants, imprègnent fortement le quotidien.
Perdre la raison a vite fait de transformer les femmes en damnées…

Un roman sur une époque où patriarcat et clergé exercent un monopole de puissance.
Une histoire mêlant croyances et malédictions, amour, amitié, résignation et courage

J'ai trouvé parfois quelques lenteurs, puis le rythme s'installe et a piqué ma curiosité.
J'ai aimé en apprendre plus sur les codes et rituels sociaux de l'époque, la place des femmes, les croyances et rites païens.
L'histoire de ces damnées est troublante. Certaines scènes m'ont paru assez incroyables, découvrant cet épisode de l'Histoire.

L'illustration de couverture est joliment évocatrice avec l'arbre à danser, rubans au vent, les abeilles…
A la fin du roman une « note de l'autrice » apporte des précisions sur le contexte historique et donc un éclairage très intéressant.
Commenter  J’apprécie          153
J'ai acheté ce livre dès que j'ai compris de quoi il s'agissait. Je connais bien ce « fait divers » très documenté par des contemporains, et ce mystère longuement discuté et argumenté encore aujourd'hui. C'est ce qu'on appelle « La Danse de Saint-Guy ». L'auteure s'est basée sur cette histoire, et y a mêlé l'histoire de Lisbeth.

L'histoire : Strasbourg, 1518. Au pied de la cathédrale, dans la chaleur étouffante de l'été, une femme se met à danser. Elle danse des jours durant, infatigable, possédée, avant d'être rejointe, petit à petit, par des centaines d'autres femmes. Non loin de là, Lisbet récolte le miel de ses ruches. Auprès des abeilles, elle oublie l'atmosphère oppressante et son angoisse de perdre, une fois encore, l'enfant qu'elle porte.

Nous sommes en Juillet. Il y a une vague de canicule, et depuis le début du siècle il y a une famine effroyable. Tout le monde accuse la comète qui est passée au moment de la naissance de Lisbeth, et elle s'en sent très coupable. Elle a déjà fait douze fausses-couches, et est enceinte, terrifiée que le mauvais sort frappe encore. Elle vit dans une ferme, chez sa belle-mère, l'acariâtre Sophey, dont elle a épousé le fils, Henne. Ils n'ont pas grand chose à eux, à part des ruches qu'ils ont construites, et avec le miel et la cire, ils s'en sortent à peine pour survivre en les vendant. Surtout que tant de taxes s'abattent sur eux, car le « Conseil des XXI » à la tête de la région Strasbourgeoise se dit représentant Dieu, et en son nom chacun des XXI peut demander n'importe quoi aux pauvres, et en cas de refus c'est la prison ou même la mort, sans sommation ou presque.

Platter est l'un des XXI et il est marié avec Ida, la meilleure amie de Lisbeth, ils ont des enfants que Lisbeth adore. Mais Platter est un homme violent, mauvais, et il écrase de revendications les gens alentour, qui ont peur de lui.
Un jour, Agnethe, fille de Sophey, soeur de Henne, revient d'un long exil de sept ans. Lisbeth ne savait pas pourquoi elle a été exilée, elle sait seulement qu'elle était dans un couvent où elle a subi des sévices, preuve en est sa tête rasée et pleine de cicatrices.
Pendant ce temps, sur la place de Strasbourg, d'autres femmes se mettent à danser comme en transe, et tout le monde va regarder le spectacle. Il y en a qui meurent d'épuisement, d'autres qui sont lynchées par les gardes, d'autres vont en prison, et finalement on les envoie à la Chapelle Saint Guy, le saint qui s'occupe des problèmes nerveux. La population croit à la possession par le Diable.

En même temps, Lisbeth est confrontée à deux musiciens étrangers, qu'ils doivent loger comme chaque famille doit en héberger : ils sont là pour « rythmer » la danse, et se relayent. L'un d'entre eux est Turc, donc un ennemi de Dieu. Et Lisbeth, qui s'occupe jour après jour de ses ruches car son mari est en voyage, essaye de ne pas avoir trop peur pour son enfant à venir, et va secrètement se recueillir dans « l'arbre sacré » païen, des temps d'avant. Elle pourrait être jetée en prison. En même temps, elle se prend d'amitié pour la nouvelle arrivée, Agnethe, et avec son amie Ida elles forment bientôt un trio inséparable, malgré la haine que tous semblent professer contre l'exilée.

Mon souci ici est la représentation que l'on donne de ce fait historique. L'auteure y inclut 500 femmes, 12 mortes par jour, et ce durant deux mois, et aucune explication. Or, la véritable histoire, venant de deux textes de l'époque, parle d'hommes et de femmes, d'un nombre maximum de quarante, durant deux jours, et aucun mort. Ils ont bien été envoyés à la Chapelle Saint-Guy. On a trouvé deux explications possibles : soit une intoxication à l'ergot de seigle, soit une sorte d'hystérie dûe à la famine, aux croyances religieuses et au désespoir.

L'histoire de Lisbeth est très belle, avec ses amies, et le féminisme, la rébellion, la religion et les croyances, la peur et la superstition de l'époque, l'apprentissage de la tolérance, l'entraide sont les sujets de fond de ce livre.

L'écriture est très belle, les sujets bien abordés, mais le fait que ce fait historique de la « chorémanie » (qu'on retrouvera dans d'autres régions aux cours de ces siècles) soit modifié et en devient mensonger lorsqu'on connait bien le sujet m'a fortement agacée. de même que la lenteur écrasante du récit. Je comprends pourquoi : il faut installer l'écrasante canicule. Mais c'est bien trop lent pour moi.

Ma note : 3,5 sur 5. (À cause de la lenteur)
Lien : https://melieetleslivres.fr/
Commenter  J’apprécie          150
J'ai plongé assez vite dans ce roman qui se déroule en 1518 à Strasbourg. Des femmes dansent sans s'arrêter comme prise par une folie soudaine.
Dans cet atmosphère on suit Lisbeth, enceinte, qui gère les ruches de la ferme de sa belle famille. Mais la pression des moeurs religieuses exercé par le mari de sa meilleure amie va bouleverser son monde.
On retrouve beaucoup de schéma du 1er roman de l'auteure "Les graciées". le roman me laisse des images dans la tête, preuve d'une écriture précise.
Commenter  J’apprécie          150
Juillet 1518, Strasbourg, écrasée par la canicule (oui, déjà!!!!) et en pleine famine, une femme se met à danser ou du moins à gesticuler de façon désordonnée, sans s'arrêter et bientôt d'autres la rejoignent au point que le Conseil de la ville est dépassé.
Sur cet arrière-fond historique, nous suivons le destin de quatre femmes : Lisbet, enceinte, qui élève des abeilles auprès desquelles elle arrive à trouver une certaine paix après douze fausses couches, Ida, son unique amie, mariée à un membre du Conseil, violent, dangereux, Agnethe, sa belle-soeur qui revient de sept ans de pénitence et Sophey, sa belle-mère.
Les thèmes abordés (homosexualité, racisme, les bienfaits de la nature...) sont toujours d'actualité. Les quatre femmes se débattent dans une société patriarcale, où un homme a tout pouvoir sur les femmes et leur corps et il leur est presque impossible de se trouver un tout petit espace de liberté.
L'arrière-plan historique est particulièrement intéressant; cette épidémie de danse qui a envahi Strasbourg a bien existé, est bien documentée et a inspiré plusieurs auteurs dont Jean Teulé avec "Entrez dans la danse" (2018). La description du Strasbourg du XVIème siècle, où j'ai vécu plusieurs années (mais au XXIème siècle !!!), est saisissante de réalisme avec ses bruits, ses odeurs, la foule, les exécutions par noyade. Cette atmosphère délétère est contrebalancée par la campagne où vivent les personnages féminins, où la vie est dure également, mais où on ne meurt pas de faim, où règne une certaine sérénité. A cet égard, les abeilles sont également un personnage important autour duquel vont se cristalliser les amours, les drames, la violence, la douceur. A ce propos, l'auteure évoque le "roi" des abeilles; je ne pense pas qu'il s'agisse d'une erreur de traduction mais il me semble qu'une ruche ou un essaim d'abeille est centré autour d'une "reine", formant une société uniquement féminine! Si une (e) Babelionaute a une explication, je suis preneuse.
L'auteure évoque également un autre évènement historique moins connu qui est la chute, en 1492, d'une météorite à Ensisheim, dans ce qui est maintenant le Haut-Rhin. Cet évènement permet à l'auteure d'illustrer le mélange de croyance en Dieu, en une religion punitive, de rejet,fondée sur la culpabilité et la souffrance pour obtenir le pardon et de croyances païennes.
Un roman foisonnant et instructif à la fois.

Commenter  J’apprécie          144





Lecteurs (684) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3202 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..